SCENE V. LE MARQUIS, LUCILE. LE MARQUIS à part. On oncle avoit raison. Jufte Ciel Qu'elle eft belle! (à Lucile.) Madame, permettez que je vous renouvelle, Monfieur, un tel difcours a lieu de m'interdire, LE MARQUIS. Je n'en fçaurois trop dire; Vous êtes accomplie, & je ne vis jamais.......... LUCILE. Vos termes font trop forts, Monfieur, pour être vrais, Toute louange outrée eft une raillerie. LE MARQUIS. Non, Paris, je vous parle ici fans flatterie, N'offre rien de fi beau, de fi parfait aux yeux. Votre air fin me furprend ; mais c'eft prodigieux, LUCILE. Tout eft fimple chez moi, rien n'y tient du prodige. LE MARQUIS. Je le répete encor ; prodigieux, vous dis-je! Rien n'eft prodigieux, Marquis, que vos discours. Mais on ne peut pas mieux jouer la modestie, Et tout s'y trouve joint, art, décence, ironie! LUCILE. Non, ma bouche & mon air, tout eft fincere en moi ; C'eft vous feul qui jouez, Monfieur: je m'aperçoi, Qu'aux autres volontiers nous prêtons d'ordi naire, La teinte & la couleur de notre caractere. LE MARQUIS. Je ne vous prête rien, & nous nous rencontrons. Nos goûts.... LUCILE. Vous vous trompez, Marquis, nous differons. Mon ton.... LE MARQUIS. Eft le bon ton. C'eft-là ce qui m'étonne; Vous l'avez comme moi, fans que je vous le donne ! LUCILE. Je ne connois qu'un ton dans ma fimplicité; Qui la même partout, jamais ne fe reffemble, Il en eft un plus doux, un plus intereffant, LUCILE. Non, non, Marquis, ce ton eft different du vôtre; Qui n'a pas le premier, ne fçauroit avoir l'autre. LE MARQUIS. Mais je les ai tous deux. LUCILE. Le feul par vous fuivi, Eft le ton de l'efprit à la mode affervi. Comme la vérité qui lui fert de modele, Pardonnez-moi, jefuis près de vous très-timide. En verité, Monfieur, vous le cachez si bien, Que mon efprit jamais n'en eût foupçonné rien. LE MARQUIS. Rien n'eft pourtant plus vrai ; c'est l'Amour qui m'inspire, Je vous trouve adorable, & le bien où j'afpire, Eft celui de vous plaire & d'avoir votre aveu, Un Amant n'a jamais brûlé d'un plus beau feu. LUCILE. De grace, près de moi quittez ce faux langage, Je fuis dans vos fers.... LUCILE. Non, jargon plein de fadeur Qui révolte l'orcille & ne dit rien au coeur. L'Amour..... LUCILE. J'ofe en parler ici fans le connoître; Je juge ce qu'il eft, parce qu'il devroit être, Et que du fentiment tenant cette lumiere, LE MARQUIS. Le mien eft tel. Faut-il vous le jurer? Les fermens font des mots, les mots des fons fri Et je ne crois rien moins que l'aveu des paroles; Cependant quand on aime, il faut les emploïer. LUCILE. Le difcours en dit moins qu'un timide filence. Si l'on n'avoit recours qu'à fa feule éloquence, Un amour qui fe tait! Mais c'eft pour en mourir? Il s'exhale en propos, & comme eux il s'envole; LE MARQUIS. Puifque les mots fur vous ont fi peu de crédit, Croïez-en ce regard où l'amour est écrit. LUCILE, foûriant. Il a l'air trop malin, pour le croire fincere. 1. LE LE MARQUIS. Mais enfeignez-moi donc le fecret de vous plaire. Ce fecret-là, pour vous, me paroît mal aisé. Mais pour l'apprendre; à tout mon cœur eft difpofé, Que faut-il donc ? LUCILE. Donner le tems qu'on vous connoiffe. Ce font les procedés qui prouvent la tendresse: Il faut faifir l'inftant qui peut les mettre au jour; En attendant qu'il naiffe, il faut que votre amour Songe moins à briller par des traits agréables, Qu'à fe faire eftimer par des vertus aimables; Qu'il préfere leur charme à tout vain agrément. C'eft ainfi que s'explique un véritable Amant; Voilà le feul aveu qu'ofe rifquer sa flâme; Le feul qui peut toucher & convaincre mon ame. LE MARQUIS. Vos confeils font ma régle, & j'y foûmets mon fort, ་་ Je veux les fuivre en tout, & je prétens d'abord, Vous me faites, Marquis, une grande promeffe. Et je vous la tiendrai. LUCILE. Nous verrons. Je vous laiffe. |