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LE MARQUIS.

Mais l'amour de briller n'est jamais un défaut; Il nous enfeigne à plaire.

LE CHEVALIER.

pere:

A revolter plûtôt.
Je dois vous avertir, qu'un pareil caractere
Eft redouté de l'oncle & détesté du
Lucile n'a pas moins d'éloignement pour lui.
Si vous voulez gagner fon eftime aujourd'hui...
LE MARQUIS.

Auprès de Lifidor emploïez votre adresse,
Et laiffez-moi le foin de plaire à ma maîtreffe.
Je connois cette marche à prefent mieux que

yous.

LE CHEVALIER.

Mais je crains vos défauts qui fe dévoilent tous.
LE MARQUIS.

Adieu féparément que notre foin agiffe,
Et chacun à fa charge, il faut qu'il la rempliffe.
L'oncle doit preffer l'oncle, en obtenir l'aveu ;
L'art de vaincre la niéce appartient au neveu.

Fin du fecond A&te.

6666

ACTE III

SCENE PREMIERE.

LISIDOR feul.

Sabelle en ces lieux me demande audience: Je m'attens, pour fon frere, à quelque vive inftance.

Quoiqu'au beau fexe en tout je fois prêt à céder, C'est un point qu'à fes droits je ne puis accorder.

Le Baron me déplaît prefqu'autant qu'à ma niece, Et je veux éluder la chofe avec adresse.

Pour elle, elle est aimable, & je l'estime fort;
Je prétends, qui plus eft, lui faire un meilleur
fort.

Elle attend peu l'aveu qu'ici je vais lui faire;
Il doit plus la toucher que l'himen de fon frere:
Le mien arrive exprès pour protéger les feux;
Voilà le difficile. Il eft bon, généreux :
Mais l'exil a fi fort aigri fon caractere,
Que,dans fon noir chagrin tout le met en colere;
L'offre de mes dons même offenfe fa fierté:

A peine pour fa fille il fouffre ma bonté.
Il aime mieux par gloire être dans la difette,
Et maudire fon fort, au fond de fa retraite,
Qu'être dans l'abondance au sein de ma maison.
Mais je le vois entrer précedé du Baron.

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Moi, je fuis d'un dépit & d'un chagrin extrême! LE BARON.

Rien n'égale en beauté ce que je viens de voir. CLEON.

Rien n'égale en horreur mon jufte désespoir!

(Au Baron.)

LISIDOR.

(A Cleon.) D'où vous naît tant de joie À vous tant de

tristesse ?

LE BARON.

CLEON.

Le fort vous favorife.

Il me pourfuit fans ceffe. LE BARON.

Tout profpere chez vous.

CLEON.

Chez moi tout dépérit ; J'ai beau faire, corbleu! Rien ne me réuffit! LE BARON.

Vos Terres, dont je viens d'admirer l'étendue,
Ont ravi tous mes fens, ont enchanté ma vûe;
Du Ciel qui les engraiffe, elles ont tout l'amour,
Et pour les parcourir il faudroit plus d'un jour.
Haute & Baffe Juftice, avec droit de Péage,
De plus de trente Bourgs le Tribut & l'Hom-

mage;

La belle chofe! O Ciel ! J'en fuis adorateur.

LISIDOR.

Pour mes Terres, Monfieur, ce triomphe est flatteur.

CLEON.

Au milieu de ce Bien fi beau, fi magnifique,
Un petit coin de Terre eft mon partage unique:
J'applique tous mes foins, je mets tout mon
effort

A le rendre fertile & d'un meilleur rapport,
Par les débordemens ma Ferme eft désolée;
Aux ravages des eaux fuccéde la gelée :

Le

peu que m'ont laiffé ces fléaux outrageans, Vient de mêtre enlevé par la grêle & les vents. Je l'habite, il fuffit, tout l'enfer s'y déchaîne, Et tout fleurit ailleurs. Pour mieux combler ma peine

Il s'éleve un orage, il fond fur mon Jardin;
Sur un Arbre chéri, cultivé de ma main,
Et dont les fruits faifoient ma plus douce efpé-

rance,

Le Tonnerre, à mes yeux, tombe par préférence.

S'il m'eût frappé plutôt, il m'auroit obligé,
Il eût fini les maux dont je fuis affligé.

LISIDOR.

Banniffez le chagrin que vous faites paroître ; Dès que je fuis heureux,ne devez-vous pas l'être Mon frere, mon bonheur fuffit à tous les deux. LE BARON.

Oui, Monfieur est si bon, il est si généreux Qu'il étend fes bienfaits fur toute fa famille; Qu'il veut, de tous fes biens, enrichir votre fille. Eft-il rien de plus noble, eft il rien de plus grand, Et pour elle & pour vous rien de plus confolant? Je fuis rempli pour vous d'une eftime fi forte.... LISIDOR.

Celle que vous avez pour mes Terres l'emporte.

LE BARON.

Elles font votre bien, c'eft pourquoi j'en fais cas:
Ce feul titre à mes yeux relève leurs appas.
Je les chéris en vous, & je vous aime en elles.
LISIDOR.

La déclaration paroît des plus nouvelles,
Et je fuis très-flatté d'un hommage fi doux.
LE BARON.

Rien ne peut égaler mes fentimens pour vous
Que le parfait amour que j'ai pour votre niéce.
Si dans ce jour mes foins, mon refpect, ma ten-
dreffe....

CLEON.

Maudit coup de tonnerre !

LISIDOR.

Oubliez votre ennui,

Ma main veut réparer votre perte aujourd'hui.

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