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La chofe eft pourtant fimple, & n'eft rien moins.
qu'obfcure:

Dès que Lifidor m'aime, il prétend m'époufer;
Lui-même pour ce noeud, vient de tout difpofer.
Et de votre bonheur, ma main fera le gage.
LE BARON d'un air froid.

Je comprens, & je dois vous en remercier.
ISABELLE.

Oui, votre foeur pour vous veut se facrifier;
Car je vous l'avourai, c'est avec répugnance
Qu'à mon âge je forme une telle alliance.
Pour unir ma jeunesse au deftin d'un Vieillard,
H faut, mon frere, il faut, à vous parler fans

fard,

Que vous me foïez cher, mais autant que vous. l'êtes.

LE BARON.

Rien n'est fi beau, ma foeur, que l'effort que vous.

faites,

Et je fuis pénétré de votre affection.

Mais vous allez forcer votre inclination,

Et pour me rendre heureux, vous ferez mifera

ble.

Je n'y puis confentir; cette image m'accable.
ISABELLE.

Mon frere, fur mon fort, ne jettez point les yeux.
Je fais votre bonheur; c'est le plus précieux.
LE BARON.

Vous ne le ferez point aux dépens de vous-mê

me;

Quels que foient les attraits de Lucile que j'aime,
Votre frere, à ce prix, ne veut point de fa main..

ISABELLE.

Ce refus affermit mon coeur dans fon deffein. Vous êtes généreux, votre exemple m'anime, Et pour vous furmonter, je ferai magnanime. LE BARON.

Non, ne vous flattez pas de me vaincre en bon

cœur.

ISABELLE.

Adieu, je vais preffer....

LE BARON.

N'en faites rien, ma foeur. ISABELLE.

Dans mon noble projet il n'eft rien qui m'arrête, Et Lucile au plûtôt fera votre Conquête.

SCENE IV.

LE BARON feul.

(Elle fort.)

'Hypocrite me jouë, & j'étoufe en fecret;

effet.

Le bien de Lifidor lui feul la détermine.

en

De Lucile, ce noeud va caufer la ruïne.......... Ciel! Quel coup! Mais au fonds je suis riche, & mon bien...

Plaifant raifonnement! Perd-elle moins le fien? Je fens contre ma foeur des mouvemens de rage; Il faut que je les cache. Ah! fatal mariage!

SCENE V.

LE BARON, LE MARQUIS, LUCILE.

LE MARQUIS.

Ui, la foeur de Fierval fe marie aujour

d'hui.

C'est l'entretien du jour.

LUCILE.

Sçavez-vous avec qui s

LE MARQUIS.

Non, voilà justement ce qu'on n'a pû me dire
LUCILE.
J'aperçois le Baron qui va nous en inftruire.
(Âu Baron.)

L'Hymen de votre foeur eft-il vrai ?

LE BARON.

.

Trop certain Et j'en reffens pour vous un fenfible chagrin.

LUCILE.

Pour moi! De fon bonheur, je ne fuis point jalouse.

LE BARON.

D'honneur, c'est malgré - moi que votre oncle l'épouse.

Mon oncle!

LUCILE.

LE MARQUIS à Lucile.

Avois-je tort de rire à leurs dépens

SCENE V I.

LE BARON, LE MARQUIS, LUCILE, FINETT E.

FINETTE à Lucile.

E la part de Monfieur, on vient dans ces inftans,

DE

Vous prier de vouloir prêter vos pierreries.
C'eft pour parer ce foir une de vos amies
Qui doit être d'un Bal.

LE BARON.

C'eft ma foeur fûrement

C'eft elle à qui votre oncle en veut faire un pré

fent.

LE MARQUIS. Mais ce Bal eft affez intereffant pour

elle,

Et voilà qui confirme encore mieux la nouvelle! LUCILE à Finette qui rentre.

Je vais les envoyer.

SCENE VII.

LE MARQUIS, LE BARON; LUCILE.

LE BARON à Lucile.

Est-il permis, ô Ciel!

Que Lifidor vous faffe un tour auffi cruel?
LUCILE.

Il est maître de tout,

il peut fans injuftice.... LE BARON.

Eh! N'est ce pas affez que ma foeur vous raviffe Tout le bien de cet oncle? Et quel bien ? J'en frémis ;

Le plus beau, le plus grand qui foit dans le païs; Cela me fend le coeur!

LE MARQUIS.

On n'y tient point, Madame Et Monfieur m'attendrit jufques au fonds de

l'ame.

LUCILE au Baron.

Confolez-vous, Monfieur, & foyez moins chagrin.

Si j'éprouve aujourd'hui ce revers du destin
N'ayant point mérité ma disgrace imprévue
Je la fupporterai fans en être abbatue;
J'ai du moins ma vertu que rien ne m'ôtera,
Et dans tous mes malheurs elle me fuffira.

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