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SCENE IV.

LUCILE, FINETTE, LE

CHEVALIER.

LE CHEVALIER à Lucile croyant

parler à Finette.

F Inette, vous rendrez ce billet à Lucile.

LUCILE.

Je n'y manquerai pas.

FINETTE.

Je vous fuis inutile.

LE CHEVALIER.

Lucile, c'eft vous même! Excufez mon erreur.

LUCILE.

Le mal n'eft pas bien grand; mais dites-moi, Monfieur,

Si la lettre qu'ici vous venez de me rendre,

Demande réponse ?

LE CHEVALIER.

Oui. Je reviendrai la prendre. (Il s'en va.)

A

SCENE V.

LUCILE, FINETTE.

FINETTE.

Llez vous au billet que vous lifez tout bas, Répondre fur le champ?

LUCILE après avoir lû.

Le Marquis fentira. ...

Cela ne presse pas.

Mais je le vois paroître.

SCENE V I.

LUCILE, LE MARQUIS, FINETTE.

LE MARQUIS.

JE triomphe, & du champ me voilà seul le

Mes indignes Rivaux ont tous fui fans retour,
J'ai mis leur ridicule, & leur honte au grand jour:
Je remporte fur eux une pleine victoire,
Je les livre au mépris, & venge votre gloire.
LUCILE.

Ce foin eft généreux, & je vous dois beaucoup.

LE CHEVALIER.

Je crois, je vous l'avoue, avoir fait un grand

coup.

Contre de tels revers les plaintes & les larmes Sont entre vous & moi, les plus mauvaises armes; Rien n'eft plus dangereux que de faire pitié, Quand ce malheur arrive, on eft perdu, noïé Chacun fuit notre afpect par l'ennui qu'il apporte. Des difgraces, c'est là felon moi, la plus forte: Il vaut mieux qu'un front gai déguise nos douleurs,

Et de notre côté mette tous les rieurs.

L'incident le plus trifte a fa face plaifante,
Il faut toujours la prendre en perfonne prudente.
Sur les auteurs du mal, s'étendre, s'égaïer;
Et rejetter fur eux le ridicule entier.

Voilà ce que pour vous mon amour vient de faire;

Rien n'eft plus efficace, & n'eft plus neceffaire, Que la plaifanterie emploïée à propos,

Et deux mille foûpirs font moins que trois bons

mots.

FINETTE,

Il s'excufe fort bien.

LUCILE au Marquis.

J'en fuis perfuadée, Et de tout mon efprit, j'entre dans votre idée. On ne peut trop railler, ceux qui nous font du

tort;

La maxime eft fi juste, elle me plaît fi fort, Que je veux à mon tour moi-même en faire usage. LE MARQUIS.

Votre bouche me charme en tenant ce langage:

Mais eft-il vrai?

LUCILE.

Bien-tôt je vous le prouverai LE MARQUIS.

C'eft peu de vous aimer, je vous adorerai.
Votre efprit contre moi n'a doncplus de rancune?
LUCILE.

Non, j'ai changé d'humeur depuis mon infortune;
Il faut que je fois gaïe, & même par raison;
C'eft contre la difgrace un sûr contre-poison.
LE MARQUIS.

Ce trait feul vous manquoit pour être en tout charmante.

L'enjoûment vous rendra quatre fois plus piquante.

L'agrément fut toûjours enfant de la gaïté.
LUCILE.

Ah! Vous intereffez par-là ma vanité.
LE MARQUIS.

Mon amour eft pour vous au dernier période. Nous n'avons plus d'obftacle, & rien ne m'incommode,

Nos efprits font d'accord. Venez pour mon bon

heur,

Dire ce oui fi doux, alors qu'il part du cœur.

LUCILE.

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Mon fort eft maintenant trop au-deffous du vôtre.
LE MARQUIS.

Adreffez ce difcours à Fierval, à tout autre;
Non pas à moi qui penfe autrement là-deffus;
Vous ceffez d'être riche. Ah! C'est un bien de plus;
Et jaurai la douceur de réparer vos pertes;
Ce plaifir vaut pour moi cent richeffes offertes.

FINETTE bas à Lucile.

Le choc eft dangereux. La générosité,

Parle dans le Marquis.

LUCILE bas à Finettc.

Non, c'eft la vanité.

LE MARQUIS.

Mon amour, à ce but, ne borne point fa course,
Il veut que vous puifiez le bonheur dans fa fource,
Ce malheureux Païs n'offre plus déformais,
A vos yeux révoltés, que de fâcheux objets :
Des fots qui dans le tems, qu'à rire ils vous exci-

tent,

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Craignent la raillerie, autant qu'ils la méritent ;
Des femmes fans efprit, & des maris brutaux,
Qui traittent leurs moitiés plus mal que leurs vaf-
faux.

Fuïons le mauvais air, & quittez pour me fuivre,
Un féjour, où l'ennui forme le fçavoir vivre
Venez venez regner dans un lieu ravissant
Où mon fexe eft du vôtre un fujet complaifant:
Paris eft fait pour vous, pour lui vous êtes née,
Et c'eft-là qu'une femme eft Reine couronnée;
Qu'elle voit tous les jeux obéir à sa voix ;
Et n'a, dans les plaifirs, que l'embarras du choix.
FINETTE.

Ah! Madame, partons Quelle image charmante!
LUCILE au Marquis.

Je ne puis le cacher, tant de bonheur m'enchante: Mais, Marquis, croïez-vous, parlez fans me flatter

Que je plaise à Paris, qu'on puiffe m'y goûter? LE MARQUIS.

Oui, vos charmes font tels que rien ne les égale;

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