LA COMTESSE. En quoi, Monfieur? Vous me furprenez fort. Je vous ai rappellé. LEANDRE. Pour augmenter ma peine. Que je vais être heureux, du moins fecrèttement. Goûte une maligne douceur, Leur refuse l'attrait de la moindre faveur. Je trouve la plainte nouvelle. Mais comptez vous pour rien d'être avec moi, Monfieur ? De me voir à toute heure, & de me voir fidelle ? Ce bien accompagné d'une gêne éternelle; J'euffe attendu moins de rigueur, Et plus de pitié d'une Veuve. LA COMTESSE. Mon frere, en vérité, vous me touchez beaucoup. Oh! Mon frere ! Ce nom m'outrage pour le coup: Si vous vous mettiez à ma place, Et que vous aimalliez autant que je le fais, Mon cœur qui le voudroit, le peut moins que jamais. Qu'eft-ce donc qui vous embarraffe? Il n'eft point de Cléon à craindre dans ces lieux; Non, de plus d'un Argus je dois craindre les yeux; De Cidalife attachée à mes pas. Sur le champ fa main indifcrette, Et j'aimerois autant qu'il fût dans la Gazette. Depuis votre départ, puisqu'il faut vous l'apprendre, Et nous prefcrit, mon cher Léandre Le devoir d'être encor plus circonfpects tous deux. Mais deux époux, quoiqu'on exige d'eux, Quel obitacle plus fort nuit donc à mon repos? LA COMTESSE LA COMTESSE. Le fils de Cléon eft aux Eaux. LEANDRE. Quoi ! Le fils de Cléon, le Marquis de Florange Eft à Forge? LA COMTESSE. Qui. LEANDRE. L'avanture est étrange! C'est ce jeune homme aimable, & des plus opulens, Et qui donne pour vous des cadeaux si galans? C'eft contre mon aveu que fa dépenfe éclate. Plus que je ne voulois, ce difcours m'éclaircit ; Avec lui, qui plus eft, j'ai fait mes exercices, LA COMTESSÉ. Pour moi, de l'avoir vû, je me souviens à peine. Sans qu'il y foit rentré depuis. Il ne me connoît point, & ne fçait qui je fuis, LEANDRE. Mais votre nom a dû l'instruire Le parti que pour lui fon pere veut élire. LA COMTESSE. Non, Monfieur, il fçait fimplement B Qu'on le doit marier d'abord en arrivant ; Jugez combien il nous eft important LEANDRE. Allons, puifqu'il le faut, je veux bien m'y foumettre. Madame, le plaifir que j'ai dans ces inftans C'est trop rifquer, nous ferions vûs. Mais pour n'être point aperçus, 'Ayez auparavant la bonté de m'apprendre Si je me reverrai bien-tôt feul avec vous. LA COMTESSE. Mon amour en ce lieu vous donne rendez-vous... Tantôt ? Ce foir? Dites, ma chere. Le jour que j'apprendrai le fort de mon procès. Je ne vous verrai plus qu'en qualité de frere L.. LEANDRE. Ah, ce jour est encore loin Tant de rigueur me défefpere. Vous me traitiez moins durement; Souvent, pour adoucir la rigueur de ma chaîne♫ Songez qu'au fond la faveur n'eft pas grande. Dans une promenade où l'on eft vû de tous? Si vous étiez furpris, mon frere, à mes genoux, Partez, ou vous allez exciter mon courroux. Je ne demande plus qu'une grace légere: LA COMTESSE. Oui, mais c'est trop pour un frere. LEANDRE. Je l'obtiendrai, malgré votre rigueur. LA COMTESSE. Arrêtez; voilà Cidalife. Songez que je fuis votre fœur Aucune liberté ne vous eft plus permise. LEANDRE avec dépit. Son importunité m'eft contraire en tout tems! |