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LE MARQUIS.

D'une recherche superflue Epargnez-vous cette peine affidue ; Finette, je vous prie, en dédommagement, De recevoir ce diamant,

FINETT E.

Cette offre généreuse a lieu de me furprendre.
Je n'ai perdu qu'un fort petit rubis,
Et vous m'offrez, Monfieur, un diamant de prix:
Le préfent eft trop beau pour que j'ofe le prendre!
LE MARQUIS.

Non, prenez hardiment.

FINETTE.

Vous m'en dispenserez.

Je n'ai rien fait pour vous, Monfieur, qui puiffe....
LE MARQUIS.

Mais aifément vous vous acquitterez,

Si vous voulez, par un fervice
Qu'en cet inftant vous me rendrez.
FINETTE.

Monfieur, quel eft donc cet office?
LE MARQUIS.

Simplement vous vous chargerez
D'un billet que je vais écrire,

Et qu'en fecret vous remettrez ....
FINETTE.

A qui, Monfieur? Ayez la bonté de m'inftruire,
LE MARQUIS.

Finette, vous le donnerez

De ma part à votre Maîtreffe,
FINETTE.

A Madame, un billet! Vous me furprenez fort.

LE MARQUIS.

Mais vous êtes furprise à tort:

Je prétens éclaircir un point qui m'intéresse.
FINETTE.

De dîner avec vous à l'instant elle fort.

Que ne lui parliez-vous, vous qu'elle voit fans ceffe? LE MARQUIS.

Belle Finette, il eft des chofes qu'on écrit,

Entre nous deux, bien mieux qu'on ne les dit.
FINETTE.

Ce difcours devient clair, & je dois vous entendre:
Cette lettre dont il s'agit,

Eft, je n'en doute plus, une miffive tendre.
LE MARQUIS.

Qui, ma chere, il eft vrai: Si vous voulez la rendre,
Et me fervir dans mon amour,
Comptez fur ma reconnoiffance

Et fur ma bourse, dans ce jour :

Par ce brillant, d'abord, fouffrez que je commence.
FINETTE.

Pour le prendre, Monfieur, j'ai trop de conscience.
LE MARQUIS.

Je vous en fais préfent.

FINETTE.

Non, il ne m'eft pas dû:

Ce feroit un préfent perdu.

Je ne reçois jamais rien des perfonnes
Que je fai ne pouvoir servir.

Vous étes dans le cas.

LE MARQUIS.

Mais vos raifons....
FINETTE.

Sont bonnes;

Et, pour vous le prouver, & mieux vous éclaircir,
Apprenez que Madame eft d'une humeur sévére
Et ne lit point de tels billets.

Sachez, en même tems, qu'attentive à lui plaire,
Moi, qui vous parle ici, je n'en porte jamais.
LE MARQUIS.

Voilà des fcrupules, Finette....
FINETTE.

Non, c'eft de la fincérité;

Et, quoique je ne fois qu'une fimple Soubrette,
Je me pique de probité.

Si je fervois une coquette,
J'accepterois vos dons fans balancer:
Sûre que vos poulets feroient bien reçûs d'elle ̧
Et que je devrois voir de droit récompenser
Mon fervice effectif, & mon utile zéle
Qui dans les mains les feroient tous paffer.

Mais aujourd'hui que je me vois aux gages
D'une Maître le des plus fages,

Qui ne voit les Amans que d'un œil de courroux,
Monfieur, auprès d'elle, pour vous,
Mon miniftére eft inutile.

Si je me chargeois, entre nous,
De lui rendre vos billets doux
Je tromperois votre amour trop facile
Et je volerois vos bijoux.
LE MARQUIS.

Mais cet amour eft pur autant qu'il eft extrême.
FINETTE.

Monfieur, expliquez-vous vous-même.
LE MARQUIS.

Je ne faurois près d'elle en trouver le moment.
Effayez de donner....

FINETTE.

C'eft inutil ewen.

Je ne fervirois pas votre flâme,

Et je me mettrois mal dans l'efprit de Madame.
LE MARQUIS.

1

Recevez la bague toujours:
Si votre foin, à ma tendreffe,
Ne peut être d'aucun fecours,

De la reftituer vous ferez la maîtresse.

Par cet accord....

FINETTE.

Non, Monfieur le Marquis:

Voilà ce que jamais on ne me verra faire,
Car jamais je ne rends ce qu'une fois j'ai pris ;
C'est encore là mon caractére.

LE MARQUIS.

Je vois que mon préfent eft trop mince à vos yeux;
J'y joins la boëte d'or que ma main vous préfente.
FINETTE.

Ah! Vous êtes, Monfieur, un homme dangereux;
Et, de peur qu'à la fin tant d'éclat ne me tente,
Je me retire vîte, & fuis votre fervante.

Il faut

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(Elle s'enfuit.)

SCENE III.

LE MARQUIS feul.

O

que

H! Pour le coup, mon malheur eft affreux,
Et j'en fens un dépit horrible:
tout exprès, il se trouve pour moi

Une Suivante incorruptible,

Dont la droiture foit la loi!

Mais la Fortune aura beau faire,

Mon amour n'en veut pas avoir le démenti;
Et je vais prendre le parti

D'être de mon ardeur, moi-même l'émiffaire.
En vain j'ai contre moi, dans cette occafion,
Freres, Amis, Cidalifes, Soubrettes.
Soyons plus forts que tout: Trouvons l'invention
D'apprendre, en dépit d'eux, mes fouffrances secrettes
A l'objet de ma paffion.

Faifons en vers ma déclaration,

Et l'écrivons fur ces tablettes.
Grace à la Nature, j'en fais
Facilement de fort mauvais;

J'en ai même donné des preuves très certaines.
J'étois un des meilleurs Poëtes du Marais,
Dont j'ai fait les plaifirs le cours de fix femaines.
Comme, avec eux, les vers portent leur paffeport,
Et qu'on les croit fans conféquence,

Pour les faire accepter, il faut bien moins d'effort:
La plus févére en badine d'abord;

On y dit ce qu'on veut, fans qu'elle s'en offense.
Je trouverai, ce foir, fûrement les moyens,
A la faveur d'un peu d'adreffe

De donner, ou du moins de faire voir les miens
A mon adorable Comteffe;

Et j'aurai l'avantage, en prenant cet Emploi,
De n'être, d'un tel bien, redevable qu'à moi....
Mais voilà Cidalife! Ah! Qui peut la conduire?
Elle n'eft pas contente, obftinée à me nuire,
De m'empêcher de lui parler,

Elle la quitte exprès pour venir me troubler,

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