Images de page
PDF
ePub

Dans le moment que je lui veux écrire! Par bonheur, j'ai fini, fans qu'il m'en ait coûté ; Et je rends grace à ma facilité.

J

SCENE I V.

LE MARQUIS, CIDALISE.

CIDALISE.

E vous y prens, Marquis. Ah! Voyons, je vous prie,
Les vers que vous écrivez là.

LE MARQUIS.

Ce n'en font point.

CIDALIS E.

Seul dans la rêverie!

Des Tablettes en main ! Surement en voilà.
Je fçai que Monfieur versifie

Comme jamais on ne verfifia,
LE MARQUIS.

( à part.)

Non. Ah! J'enrage.

CIDALIS E.

En vain votre bouche le nie;

Vous avez fur le front un air de poësie

Qui m'est un garant de cela.

Montrez donc. De les voir il me tarde déja.

J'aime les vers à la folie!

LE MARQUIS.

(à part.)

Les miens font trop mauvais. Comment les lui cacher

CIDALISE.

Treve de fauffe modeftie.
Faut-il donc vous les arracher?
LE MARQUIS.

(à part.)

(à Cidalife.)

Pefte de la fâcheufe! Eh, non, je fuis fincere.

CIDALISE.

Seriez-vous du nombre de ceux

Qui brûlent à la fois, & rougiffent d'en faire
Qu'on nomme Poëtes honteux ?
LE MARQUIS.

Si j'en faifois de bons, fi je pouvois le croire,
De les montrer je ferois gloire.

Il n'appartient qu'aux fots de rougir des talens.
Mais, par malheur, les miens font fi méchans
Qu'après les avoir faits, fouvent je les déchire,
Et qu'à moi feul j'ai le front de les lire.
CIDALISE.
Pour fi mal réuffir vous avez trop de goût
Et je ne vous crois point du tout.
Vos vers ne restent point dans une nuit profonde.
Vous en faites pour tout le monde ;

Pour vos amis fur tout.

LE MARQUIS.

Je vous l'avouë ici.

Pour un ami j'ai fait ceux-ci;
Mais j'avois juré de le taire,
Et de vous en faire un fecret,
Quoique vous en foyez l'objet.
CIDALISE.

Qui, moi? Je fuis l'objet de ce mistere?
Nouvelle raison pour les voir.

Ma curiofité n'en devient que plus vive.

LE MARQUIS.

Les voilà, puifqu'enfin vous voulez les avoir.
Sans cet incident qui m'arrive

Votre main par un autre eût dû les recevoir.

[blocks in formation]

LE MARQUIS.

De lui. Je n'ai fait fimplement

Que rimer ce qu'il penfe, ou plûtôt ce qu'il fent.
CIDALISE.
J'entens. C'est de fa part une galanterie.
LE MARQUIS.

Oh! C'est mieux que cela; jugez-en, je vous prie.

CIDALISE lit.

Depuis le tems que je vous vois,

Je languis en fecret, je brûle, je foupire
Si je pouvois vous en inftruire,

Et me rencontrer feul avec vous une fois,
L'aveu foulageroit l'horreur de mon martire.
Mais vous n'étes jamais fans témoin un inftant;
Et mon fupplice eft accrû doublement

Par la crainte de vous le dire,

Et la difficulté d'en trouver le moment. (après avoir lû.)

[ocr errors]

C'est un aveu d'amour en forme tout-à-fait.

LE MARQUIS.

Comment le trouvez-vous ?

[ocr errors]

Exceffivement tendre.

CIDALIS E.

Mais le jour l'autorife, & le lieu le permet,

Et comme un fimple jeu je fens qu'il faut le prendre.
LE MARQUIS.

Non, Léandre, pour vous, fent un amour parfait
Qui ne bleffe point votre gloire.
CIDALISE.
Marquis, vous badinez, & je ne puis le croire.
LE MARQUIS.

Je vous protefte ici qu'il eft, de vos beaux yeux,
Epris au point qu'il n'en dort point, Madame.
Son amour eft prodigieux;

lui.

Et puisque votre cœur ett inftruit de sa flâme,
Trouvez bon que mes foins intercedent pour
Parlez; qu'en fa faveur votre bouche prononce:
J'ofe, à titre d'ami, preffer votre réponse.
Songez bien que fa vie en dépend aujourd'huî.
CIDALIS E.

Ses feux font moins ardens, votre bouche exagere.
LE MARQUIS.

Je n'exagere point; il en mourra, d'honneur,
Pour peu qu'à fon amour votre arrêt foit contraire.

CIDALISE.

Mais quand on aime tant la fœur,
On ne veut point la mort du frere.
LE MARQUIS.

Ah! Je cours, à Léandre, apprendre fon bonheur.
Quels feront fes tranfports! Mais je le vois paroître.

SCENE

SCENE V.

LE MARQUIS, CIDALISE,

LEANDRE.

LE MARQUIS.

Ien, ton amour, Léandre, eft bien plus avan cé,

V Ien

Bien plus heureux qu'il ne croit l'être.
L'aimable objet qui l'a fait naître,

En eft inftruit fans en être offenfe.*
Sa bonté, qui plus eft, te permet l'efpérance.
Mon zele avoit promis de garder le filence;

Mais ces vers furpris dans mes mains;
Ont trahi le fecret de tes feux clandeftins.
Loin de t'être fatal, l'incident t'eft propice;
Et j'ai tant fait, par mon empreffement,
Qu'on vient de s'expliquer très-favorablement.
Adieu. J'ai, d'un ami, rempli pour toi l'office;
Et c'est à toi, prefentement,

De t'acquitter de celui d'un amant.

(Il fort.)

.

D

« PrécédentContinuer »