Images de page
PDF
ePub

SCENE VI

LEANDRE, CIDALIS E.

LEANDRE.

JE voudrois fort vous cacher ma surprise ;

Mais le Marquis me charge, aimable Cidalife
D'un rôle, qu'aujourd'hui, quoiqu'il foit des plus doux,
Je ne m'attendois pas de jouer près de vous.
CIDALIS E.

Un tel difcours à rien ne vous engage,
Et ne doit point étonner vos efprits:
Je n'ai reçû, Monfieur, que comme un badinage
Les vers galans que le Marquis,

En fecret, à votre priere,

Vient, pour vous, de mettre en lumiere
Dans ce Bois où je l'ai furpris.

LEANDRE.

La vérité m'oblige de vous dire
Qu'il ne les a pas faits

pour moi,
Et fon difcours a dû produire
L'éronnement où je me voi.

Pour faire des vers de commande;

Je n'ai jamais recours à la veine d'autrui ;
Et j'ai, fans vanité, l'aifance la plus grande
D'en faire, quand je veux, tout auffi mal que lui,
Il a, j'en fuis certain, travaillé pour fon compte ;
Car ce matin, du feu qui le furmonte

Puifqu'il faut l'avouer, il m'a lui-même inftruit.

[merged small][ocr errors]

Mais pourquoi donc, Monfieur, ne me l'a-t'il pas
LEANDRE.

C'eft, de fa part, une mauvaise honte,
Ou plûtôt un travers, un caprice maudir.
En voyageant, Madame, il s'eft gâté l'efprit.
De tant de Nations les divers caracteres..
Ont à tel point brouillé le fien,

Que dans fes fentimens, comme dans fes manieres
On a beaucoup de peine à le démêler bien.
Il a, du fin Italien,

Pris les détours, & l'art impénétrable,
Et de l'Anglois indéchifrable,

La fingularité qui ne reffemble à rien.

CIDALISE.

dict

Il eft vrai que fon air, quoiqu'il n'ait rien qui choque
Et qu'il prévienne même, eft pourtant équivoque;
Et qu'à le bien envifager,
Ila, quoique François, un vernis étranger.
LEANDR E.

Comme il craint d'être au ton des autres,
Par un de fes rafinemens

Il n'a fait, fous mon nom, parler ses sentimens,
Que pour mieux pénétrer les vôtres 3

Que pour voir, fans rifquer, (le rour est bien conçu
Comment un tendre aveu feroit de vous reçu.

CIDALISE.

Mais s'il eût agi pour lui-même,

M'eût-il preffée avec tant de chaleur
D'être fenfible à votre ardeur ?

LEANDRE.

Eh, c'eft cette chaleur extrême

Qui doit précisément vous prouver aujourd'hui
Que, fous le nom d'un autre, il vous parloit pour lui,
D'un ami, Cidalife, à quelque point qu'on l'aime,
Avec moins de tranfport on fe montre l'appui.
Si je l'avois chargé des vers qu'il vient de faire,
Moi-même qui fuis éclairci

Qu'ils ont eu le don de vous plaire

A le défavouer m'obstinerois-je ici?
Je ferois, en votre préfence,

Briller plûtôt ma joie, & ma reconnoiffance.
Mais j'abuferois vós efprits;

Et je penfe trop bien, je fuis trop galant homme;
Pour ufurper un droit qu'un autre s'eft acquis.
J'aurois trop à rougir, fi je volois la pomme
Que votre belle main doit donner au Marquis.

CIDALIS E.

Mais dans fes procédés j'ai peine à le comprendre;
Et s'il vouloit la recevoir,

Il fe déclareroit fans plus long-tems attendre.

LEANDRE.

Il fe déclarera ce foir;

Et s'il retarde, au fonds, c'eft pour mieux vous furprendre,

Ou pour fuivre, plûtôt, cet efprit fingulier

Dont je vous ai parlé, qui lui fait toujours prendre
Un chemin tout particulier.

Faites-moi l'honneur de m'en croire;

Par vos attentions ménagez cet amant :
Vous y trouverez fûrement

Votre fortune & votre gloire.
CIDALISE.

Ma fortune!

LEANDRE.

Oui, vraiment, je vous parle en ami.

Un jeune homme amoureux n'aime pas à demi.
L'efprit d'une Maîtreffe habile
Tourne fon cœur & fes vœux à fon gré;
Rend, par fon art, chaque moyen facile,
Et le conduit à l'himen par dégré.
Faites réfléxion fur cet avis utile.

CIDALIS E.

Je commence à vous croire, & j'en profiterai.

LEANDRE.

Par inclination, moi, je vous aiderai.

Je vous confeille bien, & vous gagnez au change.
Le Marquis eft mieux fait & plus riche que moi
Si vous le voulez bien, vous obtiendrez fa foi.
Je vous fais compliment, Madame de Florange)
CIDALISE.

Je n'ofe me flatter fi-tôt d'y parvenir.

LEANDRE.

Oh! Vous y parviendrez, charmante Cidalife.
Mais à propos, je dois vous avertir
Que ma fœur vous attend chez la jeune Marquife;
Pour aller voir les petits Hollandois.
Ils font charmans; je les connois.

CIDALISE.

Ils font ici !

LEANDRE.

Leur troupe arrive;

Et chacun, à la voir, montre une ardeur très-vive:

CIDALISE.

J'en fais autant. Adieu. J'y vole de ce pas.

(Elle fort.)

SCENE VII.

LEANDRE feul.

[ocr errors]

On, je l'envoye où ma femme n'est pas.

SCENE VIII

LEANDRE, LE MARQUIS.

LE MARQUIS riant.

EH bien, es tu, mon cher, contert de ta Maî

tresse ?

En beau chemin j'avois mis ta tendreffe.
Parle. T'en es-tu bien tiré ?

LEANDRE.

Je t'ai payé du même zele.

LE MARQUIS.

Te voilà, par mes foins, fon Amant déclaré :
Il eft de ton honneur de fervir cette Belle.

LEANDRE.

Va, j'ai plus avancé tes affaires près d'elle:
Tu n'as lié, pour moi, qu'un fimple amusement.
LE MARQUIS.

J'ai, Léandre, entre vous formé l'engagement
D'un amour férieux, d'une parfaite flâme.
J'en ai fait ta Maîtreffe, ayant droit fur ton ame.

« PrécédentContinuer »