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LEANDRE.

Mes nœuds ont plus de force & de folidité
Car je dois en faire ta femme

Et vous unir tous deux à perpetuité.
LE MARQUIS.

Oh! ne badinons pas !

LEANDRE.

Je l'ai defabulée

Entierement fur mon fujet.

LE MARQUIS.

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Et j'ai parlé fi-bien en ta faveur, Marquis,
Qu'elle croit ton ame embrafee.
LE MARQUIS.

Ah! le tour eft perfide! Et tu vas m'engager
LEANDRE.

Pour la nôce, mon cher, tâche de t'arranger;
Car déja de ta part j'ai porté la parole.

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Plus que jamais cette importune folle.
LEANDRE.

Tu n'as qu'à l'époufer pour fortir d'embarras.
LE MARQUIS.
Peux-tu porter fi loin? Et dans la circonftance;
LEANDRE.

Je fuis toûjours outré dans ma reconnoiffance..
Quand on veut me donner, puifqu'il faut parler net,
Des Maîtreffes à moi, fans avoir mon fuffrage;
Je donne fur le champ, c'eft toûjours mon usage,
Des Femmes malgré qu'on en ait.

LE MARQUIS.

En me rendant un fi mauvais office,
Tu n'en peux efperer aucune utilité.
Au lieu qu'à mon deffein fi tu t'étois prêté,
J'aurois pû, de ce jeu, tirer un grand fervice.
C'étoit le moïen d'écarter

La perfonne qui m'eft nuifible.

Va, renouë au plutôt.

LEANDRE.

Ceffe de t'en flatter.

Je te l'ai déja dit, la charge eft trop pénible.
LE MARQUIS.

Puifque tu ne sçaurois feindre de foupirer
Pour cet objet commun de notre antipathie;
Faifons mieux tous les deux. Lions une partie
Pour hâter fon départ, & pour nous délivrer
De fa fâcheufe compagnie.

LEANDRE.

A ce projet, taupe de tout mon cœur !
LE MARQUIS.

Pour mieux conduire l'entreprise,
A nous prêter la main, engageons le Docteur.
LEANDRE.

Oui, comme, pour un rien, l'efprit de Cidalifo
Prend l'allarme fur fa fanté,

Un Médecin fur elle a grande autorité.
Mais eft-il en état de nous rendre service?

LE MARQUIS.

Oui, fa recette a réuffi très-fort.

Il s'eft au mieux trouvé du Champagne propice Qui chez lui, du Bourgogne, a réparé le tort. Pour l'engager à cet office,

Je cours le joindre, & je reviens après

Te faire part de nos projets.
LEANDRE.

Je t'attens; pars donc au plus vite.
LE MARQUIS.

Léandre, avant que je te quitte;
Il me reste à te demander

Un plaifir que tu peux aifément m'accorder
Pour mon répos il eft de conféquence,
Et tu n'y dois avoir aucune repugnance.
LEANDRE.

Di, quel plaifir ?

LE MARQUIS.
Tien, prens cela.

LEANDRE.

Qu'est-ce donc ?

LE MARQUIS

C'est pour ta fœur une Lettre,

Que tu lui rendras.

LEANDRE.

Non, je ne puis la remettre.

LE MARQUIS.

Je t'en prie. Elle vient. Saifi ce moment-là.

(Il fort vite.)

SCENE IX.

LEANDRE, LA COMTESSE

D1

LA COMTESSE.

Ites-moi, quel papier tenez-vous là, Léandre?

LEANDRE.

Mais c'eft, ma femme, un Billet doux
Que le Marquis, ici, m'a chargé de vous rendre
LA COMTESSE.
Mais, la commiffion eft charmante pour vous.
LEANDRE lui préfentant le Billét.
Fidélement, je m'en acquitte :
Vous l'allez lire, fans tarder,
Pour y répondre encor plus vite,

Et d'un ton à ne pas devoir l'intimider;
Car je dois, de fa part, vous le recommander.
Son inftance vraïment n'a pas été petite;
Et c'eft une faveur qu'il lui faut accorder.

LA COMTESSE.

Il doit fort fe louer de votre complaisance,
De votre zéle à le fervir,

Et vous devez auffi lui faire ce plaifir,
Et par juftice, & par reconnoiffance.
Puifqu'il compofe & donne en votre nom
Des Vers galans à Cidalife

Et qu'il fert d'Emiffaire à votre paffion,
Vous pouvez vous charger, cette peine est bien prise,
De me faire accepter un Billet de fa part;
Il mérite trop cet égard.

LEANDRE.

Quoi! Sérieusement vous êtes dans l'idée
Que le Marquis a fait ces Vers pour
LA COMTESSE.

Oui, j'en fuis très-persuadée.
LEANDRE.

Pouvez-vous penser ....

LA COMTESSE.

moi?

Je le doi

Quand le Marquis tout haut lui-même le déclare ;
Le bruit de cet amour eft fi fort répandu

Que tout Forge en eft convaincu.
LEANDRE..

Ce bruit injufte autant qu'il est bisarre
Me fâche beaucoup en secret,
Puifqu'il fait une injure à mon amour parfait :
Mais d'un autre côté, je l'avouë, il me charme;
Puifque votre efprit s'en allarme,

Et qu'il m'eft, de vos feux, un garant des plus doux.
Je fuis für d'être aimé, votre cœur eft jaloux;
Le mien en eft ravi: rien n'égale sa joïe;
Devant vous fans referve, il faut qu'il la déploïc.
LA COMTESSE.
Je fens à ce difcours redoubler mon dépit;
Mon efprit n'en eft plus le maître.
LEANDRE.
Ne craignez pas de le faire paroître :
A mes yeux il vous embellit ;

Oui, chez-vous il devient une grace piquante.
LA COMTESSE.
Léandre, finiffez! Car je fens qu'il augmente.
LEANDRE.

Plus vous m'en ferez voir, plus vous ferez charmante!
LA COMTESSE.

Sçavez-vous bien, Monfieur, que fi j'olois,
Sincerement je vous battrois ?
LEANDRE.

Si je fuivois ma fantaisie,

Pour moi, de tout mon cœur, je vous embrafferois: A votre égard, contentez votre envie ;

Vos coups

feront pour moi d'un goût flatteur,
Et d'une douceur infinie.

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