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Mais fa beauté, de loin, vient frapper mon regard.
Elle eft feule. Partez. Allez joindre Léandre:
Et moi, pour m'expliquer, fans plus long-tems attendre,
Je vais mettre à profit ce bienfait du hazard.

SCENE I I.

LE MARQUIS, LA COMTESSE.

A

LE MARQUIS.

Près huit jours de peine, inutilement prife, Enfin, Madame, enfin le fort me favorife: Je trouve cet instant fi doux, fi fouhaité Où je puis vous parler feul, avec liberté : J'ai mille chofes à vous dire,

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Qu'à tout autre qu'à vous je ne puis confier;
J'attendois, pour vous en inftruire,
Cet entretien particulier.

LA COMTESSE.

Eft ce un récit de vos voyages?
Je vais l'entendre avec plaifir;

Il doit, Monfieur, amufer, réjouir,
Et présenter aux yeux de riantes images.
LE MARQUIS.

Madame, mon récit eft plûtôt férieux,
Il vife au pathétique.

LA COMTESSE.

Il est donc merveilleux.

Auriez-vous abordé dans des Pays fauvages?
Ou feriez-vous tombé dans la captivité?

Oui.

LE MARQUIS.

LA COMTESSE.

Vous riez.

LE MARQUIS.
Je dis la vérité.

LA COMTESSE.

Vous n'avez point fait de naufrages?

Pardonnez-moi.

LE MARQUIS.

LA COMTESSE.

C'est donc au trajet de Calais
LE MARQUIS.

C'eft, fi j'ose risquer le terme,

En France même, en terre ferme.
LA COMTESSE.

Monfieur le Voyageur, ah! je vois, à ces traits,

Que vous vous égayez.

LE MARQUIS.

Non, je ne mens jamais.

J'ai fait naufrage en France, & je m'y vois esclave:
Mais, loin que je m'en plaigne, & loin que je les brave,
Je chéris, je refpecte, & j'adore mes fers.
De la perfonne que je fers

Apprenez donc le nom, que je ne puis plus taire ;
Tout me fait une loi de vous en informer:

Près d'elle votre appui me devient nécessaire.

C"eft, puifqu'il faut vous la nommer....

E iiij.

SCENE III.

LE MARQUIS, LA COMTESSE, CIDALIS E.

CIDALIS E.

E reviens vous caufer une aimable furprise,

JComtelle; J'ai tant fait auprès de la Marquife,

Que fon départ eft remis à demain.

LE MARQUIS à

part.) Où fuis-je ? Jufte Ciel! Je revois Cidalife!

Je me meurs ! C'eft un coup de mon astre malin.
CIDALISE à la Comteffe.

Partagez donc ma joie, & prenez l'air ferein.
LA COMTESSE.
Je la partage auffi dans cette circonftance.
Vous revenez, je parle en bonne foi,
Dans l'inftant que j'avois regret à votre absence
Et que je fouhaitois de vous voir près de moi.
CIDALIS E.

Que j'en ai de plaifir & de reconnoiffance be
Je ne puis l'exprimer. :

LA COMTESSE.

Vous ne m'en devez point.

Je ne confiderois que moi feule en ce point.

CIDALISE.

De votre accueil je fuis flattée;

Mais je fuis très furprise, & prefque révoltée
Du froid filence du Marquis.

Loin qu'en me revoyant il marque de la joie,
Sûr fon front étonné, le chagrin fe déploie,
Et vient glacer tous mes efprits.
LE MARQUIS.

Pardonnez, belle Cidalife
Votre prompt retour m'a furpris :
C'est l'étonnement où je fuis
Qui l'arrête, ou qui la déguise.

s'il faut que je le dife,

Je crains, d'ailleurs, pour vous,
Vous expofez votre fanté.

CIDALISE.

Pour être un jour de plus avec ma bonne amie,
J'expoferois ma propre vie.

LE MARQUIS.

Vous la rifquez auffi. Vous fçavez...

CIDALISE.

LE MARQUIS.

Je l'oublic.

Vous allez vous brouiller avec la Faculté.

CIDALIS E.

Ne m'entretenez, je vous prie

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Que de Bal, de plaifirs qui flattent feuls mon goût. Je n'en vais perdre aucun, & je ferai de tout. Parlons à prefent de la fête

Qui fait l'objet de tous mes vœux. Puifqu'aujourd'hui, par votre ordre, on l'aprête, Faites-en, près de moi, les honneurs un peu mieux. Dites-moi, tout au moins, que votre ame est ravie Que j'augmente, ce foir, la bonne Compagnie Qui doit compofer votre Bal. LE MARQUIS. Vous en ferez l'ornement principal. Mon compliment eft très-fincere.

CIDALISE.

Les mots en font flatteurs; mais le ton ne l'eft guere
Et vous les prononcez avec un phlegme Anglois
Qui m'afflige, & me défefpere.

Mais je vous le pardonne; entre nous, je connois
La fingularité de votre caractere ;

Et, qui plus eft, Marquis, je commence à m'y faire.
LE MARQUIS.

Pardonnez, mais en nous toujours l'extérieur,
Quelque effort que nous puiffions faire,

Se fent de la contrainte, où fe trouve le cœur.
Je ne puis plus long-tems vous cacher ce mistere
Et mon état present eft tel

,

Qu'il cause à tous mes fens obligés de fe taire,
Un fupplice continuel.

CIDALIS E.

Pour adoucir un tourment fi cruel,
Parlez, Monfieur, parlez; c'est un bien néceffaire.
LE MARQUIS.

Dans le moment que vous avez paru,
J'étois prêt d'implorer les bontés de Madame,
Et de nommer l'auteur des peines de mon ame.
CIDALIS E.

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Je vous ai donc interrompu?
LE MARQUIS.

Oui, devant vous, je n'ai plus fçû que dire;
Et mon embarras s'eft accru.

CIDALIS E.

Nous ne formons qu'une ame,

truire.

& vous pouvez

Que je ne vous arrête pas.

LA COMTESSE à Cidalife.

A votre vûë il fe fent interdire

l'inf

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