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La répugnance de ton cœur ?

Inftruite de mes feux, ton amitié fidelle
Devroit plutôt parler en ma faveur.

LEANDRE.

Sincerement pour toi je m'intereffe
Et fuis, à te fervir, extrêmement porté,
Mais, il faut que je le confeffe,
Malgré ma bonne volonté:
Dans mon chemin je me vois arrêté
Par la barriere infurmontable
De ce qu'on nomme impossibilité.
LE MARQUIS.

Ton ame eft donc impitoïable?
LEANDRE.

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C'est la rigueur du fort qui contraint, en fecret,
Mon cœur d'être infléxible en dépit qu'il en ait.
LE MARQUIS.

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Ah! De mes feux tu te moques toujours

Par ton langage impénétrable.

SCENE

SCENE V I.

LEANDRE

LE MARQUIS,

V

M. DE LA JOIE.

LE MARQUIS à M. de la Joie.
Enez, mon cher Docteur, venez à mon fecours,
Pour fléchir un ami, dont le cruel difcours
Me furprend & me défefpere.

Au lieu de fervir mon ardeur,

Il fe fait une joie, une étude fincere

De me nuire auprès de fa fœur,

A moi, qui mets ma gloire, & qui mets mon bonheur
A m'unir de plus près, à me voir fon beau-frere.
M. DE LA JOIE.

Je vais, pour vous, agir avec chaleur :
Je compte, qui plus eft, fur un fuccès flatteur.
Apprenez, cependant, qu'un Courrier vous demande;
Il est très empreffé. Partez vite, Monfieur.
LE MARQUIS.

Adieu, je vais fçavoir ce qu'un pere me mande.
A votre art je me recommande;

Qu'il fe fignale en ma faveur.

Faites, à mes defirs, que Léandre fe rende.
Si votre effort n'eft pas plus heureux que le mien;
Je fuis perdu, mes jours ne tiennent plus à rien.

(Il fort.)

F

SCENE VII.

LEANDRE, M. DE LA JOIE.

AH!

M. DE LA JOIE.

H! Je fuis effrayé d'une telle menace.
Voulez-vous, dans mes mains, voir mourir votre ami?
Et me caufer une difgrace,

Que j'ai pris foin d'éviter jufqu'ici?
Non, pour le permettre, Léandre,

fenfible & trop tendre.

Votre cœur eft trop bon, trop
Le remede que je prétens
Apporter à fes maux preffans,
Sur la fanté de tout le monde
Doit influer en même tems;

Et c'eft fur la raison que mon efpoir fe fonde.
D'un ami, le bonheur certain

Doit vous rendre joyeux, par conféquent plus fain.
En rappellant à la lumiere'
Son Amant languiffant, par un oui gracieux,
Votre four doit y gagner la première,
Et s'en porter quatre fois mieux.

Une Veuve comme elle, & qui fe remarie
Avec un Epoux jeune & fait pour les amours,
Doit redoubler de fanté tous les jours;

Par la même raifon, en être plus jolie :
Le plaifir qu'elle en a, renouvelle fa vie,
Et de vingt ans, au moins, en prolonge le cours.

Dès

LEANDRE.

Votre éloquence est merveilleuse,
Et votre remede eft fort bon;

Mais, du Marquis, la crise eft fi fâcheuse,
Que je crains pour fa guérifon.

M. DE LA JOIE.

que vous admettez la bonté du remede,
Vous ne devriez pas douter de fon effet
A fa vertu, Monfieur, il n'est rien qui ne cede.
LEANDRE.

Je crains qu'il ne foit pas applicable au fujet,
M. DE LA JOIE.
Applicable au fujet ! Votre crainte m'étonne.
Quelle eft donc la raifon que votre efprit en donne
Je ne puis la comprendre en aucune façon.
LEANDRE.

Je fçai que dans le fond ma raifon eft très bonne..
Mais elle eft compliquée ; & je n'ai pas le don
D'expliquer, comme vous, fur le champ, mes idées :
Dans mon efprit confus par des brouillards fréquens,
Elles font toujours retardées.

Ce n'eft qu'au bout d'un certain tems,
Et par dégré, qu'elles fe développent,
Et que, pour les faifir, tous mes efprits galopent.

M. DE LA JOIE.

Ah! Vous me payez

de jargon,

Moi, de qui le métier eft d'en payer les autres!

LEANDRE.

Mes fens, je vous l'ai dit, font plus lents que les vôtres; Je pourrai, dans un mois, expliquer ma raifon.

M. DE LA JOIE.

Du Marquis la fiévre est pressante;

Dans huit jours, au plus tard, elle l'emportera.

Fjj

Si votre fœur favoit le mal qui le tourmente,
Et le reméde heureux que ma main lui préfente,
Son ame n'auroit pas cette dureté-là,
Et feroit plus compatiffante.

Je ne fuis pas

LEANDRE.

fon maître; ainfi confultez-la.
M. DE LA JOIE.

Du moins, plus nettement elle s'expliquera.

LEANDRE.

Non, Docteur, dans notre famille,
Nous nous expliquons tous très-difficilement:
Ma fœur a, là-deffus, l'embarras d'une fille.
M. DE LA JOIE.

Je ne dois plus garder aucun ménagement.
Je vais, pour le Marquis, lui parler tout à l'heure:
Il périclite en ce moment;

Et, fans un prompt fecours, je crains fort qu'il n'en

meure.

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SCENE

VIII.

LEANDRE, M. DE LA JOIE,
LE MARQUIS.

LE MARQUIS arrêtant M. de la Jaie.

Non,

(à Léandre.)

On, il n'en mourra pas. Non, malgré ta rigueur,
Et, pour déclarer à ta fœur

Le feu fecret qui me dévore,
Va, ce n'est plus toi que j'implore,

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