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Et je n'ai plus befoin de ta faveur.

M. DE LA JOIE.

Quel changement fubit! Et quels difcours flatteurs!
LE MARQUIS.

Je fuis autorifé, par mon pere lui-même,
A lui dire, tout haut, & cent fois, que je l'aime :
Je n'ai plus déformais à craindre de refus

Et je pourrai, du moins, fans qu'on me contrarie,
Avouer mon amour une fois en ma vie.

LEANDRE.

Apprens-nous le fujet de ces tranfports confus.

LE MARQUIS.

Oui, mon bonheur eft au-deffus

De tous les biens qu'on s'imagine';
Et la lettre que je reçois

M'apprend que la Comteffe eft enfin l'heureux choix !
Que ma famille me deftine ;

Er, qu'au retour des eaux, où j'ai dû la trouver, Nous formerons ces noeuds que tout doit approuver. Hem! Léandre, à préfent que je viens de t'instruire, Que me répondras-tu ?

LEANDRE.

Je n'ai rien à te dire.

M. DE LA JOIE,

Marquis, je vous l'avois bien dit,

Que vous feriez heureux: Un projet réuffit
Toujours fi-tôt que je m'en mêle.

LE MARQUIS à Léandre.
Pour furcroît de fortune & de bonne nouvelle
Mon pere, en même tems, m'écrit

Que ta fœur a gagné, d'une voix générale,
Son Procès, avec les dépens.

LEANDRE.

Mon cher Marquis, à ces inftans,
Ma joie, au moins, à la tienne eft égale!
LE MARQUIS.
Elle aura fon Arrêt par le prochain Courrier.
LEANDRE.

Mais je dois t'en remercier.
LE MARQUIS.

Je viens de charger fa Suivante
Du foin de l'informer, toute chose ceffante,
Que je venois de recevoir

Une nouvelle intereffante

Que je brûlois de lui faire fçavoir..
LEANDRE.

Mais ton attention m'enchante!
M. DE LA JOIE.

Pour le coup, les brouillards doivent s'évanouir
Voilà qui détruit votre obstacle.
LEANDRE.

Non. Je ne pense pas qu'on puiffe réuffir
A le lever, fans l'aide d'un miracle.
LE MARQUIS.

Comment! Léandre, à ma félicité,
Léandre trouve encor de la difficulté ?

LEANDRE.

Ma fœur qui vient, de cet oracle,'

Va diffiper l'obscurité.

л

(

SCENE I X. & derniere.

LEANDRE, M. DE LA JOIE,
LE MARQUIS, LA COMTESSE,
CIDALISE.

Q

LA COMTESSE.

Uelle nouvelle avez-vous à me dire?
Marquis, je viens l'apprendre avec empreffement.
LE MARQUIS.

Votre procès, Madame, eft gagné pleinement:
Mon pere vient de me l'écrire.
Du devoir de vous en inftruire
Je m'acquite premierement.
LA COMTESSE.

Mon procès eft gagné ! Ciel ! Puis-je bien le croire ?
LE MARQUIS.

Oui, vous en recevrez l'Arrêt inceffamment.

LA COMTESSE.

Vous comblez mon raviffement!

Ce jour, pour nous, Léandre, eft un jour de victoire.
LE MARQUIS.

Il en eft un, pour moi, de bonheur & de gloire.
J'apprens en même tems, vous m'en voyez ravi,
Que vous êtes l'heureux parti,

Dont mon pere a fait choix, pour moi, dans mon ab-
fence;

Et mon cœur, dans ce moment-ci.

Peut, enfin, rompre le filence.

LA COMTESSE.

Non, il le doit, plûtôt, garder sevérement;
Et la reconnoiffance eft le feul sentiment
Dont mon ame, Monfieur, puiffe payer la vôtre.
LE MARQUIS.

J'en efpere, Madame, & j'en demande un autre.
Pour l'obtenir, j'embraffe vos genoux.
LA COMTESSE.

Non, non, Marquis, arrêtez-vous.
Cette posture eft une offenfe.
LE MARQUIS.

Je ne puis concevoir la crainte où je vous voi.
L'hommage le plus pur...

LA COMTESSE.

Ne peut l'être pour moi.

LE MARQUIS.

Tant de rigueur a lieu de me furprendre.
Madame, je croyois que le fils de Cléon
Auroit reçû de vous un traitement plus tendre.
LA COMTESSE.

Je vous l'avoue avec confusion,
Je me vois, malgré moi, dans l'obligation
D'être ingrate à l'égard du pere,

Et pour

pour le fils d'être encor plus févere.
LE MARQUIS.

Donnez-moi, par pitié, cette explication.

CIDALISE.

Je n'entens rien à ce mistere.
Aujourd'hui tout le monde eft extraordinaire.
LA COMTESSE.

Marquis, Léandre eft votre ami:
Il fçait l'obftacle qui m'enchaîne.

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Il peut vous l'expliquer, & je le lui permets.
LE MARQUIS.

Non, il ne le fera jamais.

Etj'ai fait, près de lui, plus d'une inftance vaine. Inftruifez-moi vous-même, il me fera plus doux De m'en voir informé

par vous. LA COMTESSE.

De cet aveu, Léandre, épargnez moi la peine. ? LEANDRE.

De votre bouche, il convient qu'il l'apprenne.
LA COMTESSE.

Par vous, plûtôt, il doit être éclairci.
Ce n'eft plus le tems de vous taire.
Yous fçavez mon fecret. Parlez donc, mon mari.
LE MARQUIS.

Son mari! Qu'entens-je ?. O ciel!

LEANDRE..

Qui,

C'est le mot de l'énigme ; &, fous le nom du frere, L'époux s'eft caché jusqu'ici.

M. DE LA JOIE..

Monfieur parle à préfent fans voile & fans miftere,
Et l'on voit clair dans fon efprit.

LA COMTESSE.
Il eft tems, à vos yeux que je me justifie.
LE MARQUIS.

Léandre eft votre époux ! Par ce mot tout eft dit.
Je ne m'en prens qu'au fort qui lui feul me trahit.
CIDALISE.

L'avanture est, vraiment, finguliere & jolie.
Que je me fçai bon gré de n'être point partie !
Il me tarde d'aller en faire le récit.

Quel plaifir !

G

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