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La foule des honnêtes gens.

Quelque part qu'elle foit, fa douceur naturelle
Son humeur gaïe, & fes foins complaifans
Attirent, fans coquetterie,

Les deux Sexes en même tems..

La volonté d'autrui foumet fes fentimens,
Et fait la regle de fa vie.
LEANDRE.
Son efprit trop liant la porte à recevoir
Toute forte de Compagnie :
Elle feroit mieux de l'avoir
Moins nombreuse, mais plus choifie.
FINETT E.

Oh! Le grand nombre divertit.
LEANDRE.

Je trouve plûtôt qu'il ennuïe.
FINETTE.

Sa variété qui me rit,

Amufe les regards & diffipe l'efprit.

LEANDRE..

Cidalife, dis-moi, n'eft-elle point partie ?

FINETTE.

Non; elle n'a garde, vraiment:

Elle ne quite point Madame un feul moment.

Tant pis.

LEANDRE..

FINETTE.

C'eft fa meilleure amie;

Elles n'ont toutes deux qu'un même appartement.

LEANDRE.

Qu'un même appartement! C'est un attachement

bien forr.

FINETTE.

Oui, chaque inftant l'augmente.
LEANDRE.

La Comteffe eft trop complaifante.
FINETTE.

Mais Cidalife a beaucoup d'agrément;
Elle eft vive, fpirituelle ;

Avec des perfonnes comme elle,
L'entretien ne tombe jamais;
Elle a, pour en faire les frais,
Des reffources continuelles :
C'eft un recueil vivant de toutes les nouvelles;
LEANDRE.

Mai, j'en ferois beaucoup de cas,
Sans un défaut qui dans elle me blesse;
On voit toujours qu'elle s'empreffe
D'être par-tout où l'on ne la veut pas :
Sans vous connoître, elle se livre,
Et vient, hors de propos, toujours yous acofter,
S'attache-t-elle à vous? Rien ne peut l'écarter;
Elle eft la premiere à vous fuivre,

Et la derniere à vous quitter.

Quelque foin que l'on prene, & quelque part qu'on

aille,

On la trouve toujours, on a beau l'éviter;
Elle eft en même tems à Paris, à Verfaille;
Elle a le don de fe multiplier.

Par fon activité qui tient de la Magie,
Elle eft de chaque fête & de chaque partie,
Sans qu'on prenne jamais le foin de l'en prier.

Je

FINETTE.

porte envie à son bonheur extrême,

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Et peut, comme elle veut, promener fon deftin;
Ce foir à Forge, à la Ville demain.
Mais Madame a près d'elle une autre compagnie,
Qui fans doute vous plaira mieux

Qui donc ?

LEANDRE.

FINETT E.

Un Marquis jeune & des plus gracieux, Qui, pour former fon goût, depuis quatre ans voyage, Et qui vient, en paffant, vifiter ce féjour. Il fait grande dépenfe, & met tout en ufage Pour amufer Madame, & lui faire fa cour.

LEANDRE.

Je fuis charmé de voir, qu'en mon absence,
Tout contribue à la bien divertir,

FINETTE.

Notre Médecin qui s'avance

N'eft pas homme à me démentir.

Demandez-lui, Monfieur.

LEANDRE.

Va, je t'en crois, Finette.

Cours avertir ma fœur, qu'en ces lieux, fans témoin, Je veux l'entretenir d'une affaire fecrette.

FINETT E.

Je vais, fans différer, m'acquitter de ce foin.

SCENE I I.

LEANDRE. M. DE LA JOIE

L

M. DE LA JOIE.

A fête pour le coup, Monfieur, fera complette,
Et foyez le bien arrivé.

Votre fœur vous attend, & l'air dont je la traitte,
Doit être par vous approuvé.

Le plaifir que j'ordonne eft ma grande recette;
Et tout mon art confifte à le bien varier.
Pour prouver la vertu parfaite,
J'en fais l'effai tout le premier.
LEANDRE.

J'approuve fort cette méthode;

Et Monfieur de la Joie a trouvé la façon
D'être un Médecin à la mode
Et de juftifier fon nom.

L'ufage du plaifir eft bon;

Tout le monde s'en accommode,

Mais il veut être pris avec précaution.
L'excès du bien même indispose;
Et vous outrez fouvent la dofc.
M. DE LA JOIE.
Non, le plaifir renferme en foi tant de bonté,
Qu'on n'en fçauroit jamais trop prendre ;
Et de moi vous devez apprendre

Qu'on ne se porte bien qu'à force de gaité.
Quelque loin qu'on la pouffe, elle ne fçauroit nuire

J'en connois trop la qualité.

Un excès de plaifir ne peut jamais produire,
Mettons la chofe au pis, qu'un excès de fanté.
LEANDRE.

Pour le coup votre efprit badine.
M. DE LA JOIE.

Non point du tout, je dis la vérité.
Par goût & par état vers le plaifir j'incline,
Un Profeffeur en Médecine

N'eft

Eft un Docteur en volupté;

Et mon art, puifqu'il faut dévoiler ce miftere,
que l'art d'amufer, d'égayer, & de plaire.
Nous devons mettre nós efforts
A divertir l'efprit pour rétablir le corps.

Un Médecin, au fonds, n'eft qu'un homme agréable.
De notre fçavoir admirable,
Voilà les plus fecrets refforts,
Et l'hiftoire très-véritable.
Le refte n'en eft que la fable.
LEANDRE.
Vous êtes le plus vrai de tous les Médecins,
Par conféquent le plus aimable.

M. DE LA JOIE.

Oh! Mon fyftême eft d'autant plus louable Que perfonne jamais ne meurt entre mes mains. LEANDRE,

Par quel expédient ?

M. DE LA JOIE,

Par un des plus certains.

Pour ne pas me conduire en bête,

Je ne traitte jamais que des gens en fanté,
Qu'allarme un leger mal de tête
Ou la moindre incommodité.

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