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Harvard College Library

From the Library of

Ferdinand Bocher

Gift of James H. Hyde
A gril

L'ÉCOLE DES FEMMES

COMÉDIE EN CINQ ACTES, EN VERS

1662

PERSONNAGES

ARNOLPHE, autrement M. DE LA SOUCHE, AGNÈS, jeune fille innocente, élevée par Arnolpho. HORACE, amant d'Agnès.

ALAIN, paysan, valet d'Arnolphe.

GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe.

CHRYSALDE, ami d'Arnolphe.

ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde.

ORONTE, père d'Horace et grand ami d'Arnolphe. UN NOTAIRE.

La scène est dans une place ae ville.

ACTE PREMIER

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SCENE PREMIERE

CHRYSALDE, ARNOLPHE.

CHRYSALDE.

Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main,

ARNOLPHE.

Oui. Je veux terminer la chose dans demain.

CHRYSALDE.

Nous sommes ici seuls, et l'on peut, ce me semble, Sans craindre d'être ouïs, y discourir ensemble. Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon cœur? Votre dessein pour vous me fait trembler de peur; Et, de quelque façon que vous tourniez l'affaire, Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.

ARNOLPHE.

Il est vrai, mon ami. Peut-être que chez vous,
Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous :
Et votre front, je crois, veut que du mariage

Les cornes soient partout l'infaillible apanage.

CHRYSALDE.

Ce sont coups du hasard, dont on n'est point garant;
Et bien sot, ce me semble, est le soin qu'on en prend.
Mais, quand je crains pour vous, c'est celle raillerie
Dont cent pauvres maris ont souffert la furie :
Car enfin vous savez qu'il n'est grands ni petits.
Que de votre critique on ait vus garantis ;

Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes,
De faire cent éclats des intrigues secrètes...

ARNOLPHE.

Fort bien. Est-il au monde une autre ville aussi
Où l'on ait des maris aussi patients qu'ici?
Est-ce qu'on n'en voit pas de toutes les espèces,
Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces?
Lun amasse du bien, dont sa femme tait pari
A ceux qui prennent soin de le faire cornard,
L'autre, un peu plus beureux, mais non pas moius infâms,
Voit faire tous les jours des présents à sa femme,
Et d'aucun soin jaloux n'a l'esprit combattu,
Parce qu'elle lui dit que c'est pour sa vertu.
L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères;
L'autre en toute douceur laisse aller les affaires ;
Et, voyant arriver chez lui le damoiseau,
Prend fort honnêtement ses gants et son manteau.
L'une, de son galant, en adroite femelle,
Fait fausse confidence à son époux fidèle,
Qui dort en sûreté sur un pareil appas,

Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas;
L'autre, pour se purger de sa magnificence,
Dit qu'elle gagne au jeu l'argent qu'elle dépense:
Et le mari benêt, sans songer à quel jeu,
Sur les gains qu'elle fait rend des grâces à Dieu.
Enfin, ce sont partout des sujets de satire;
Et, comme spectateur, ne puis-je pas en rire?

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