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2.

DESCRIPTION

GÉNÉRALE

DE LA CHINE.

LIVRE PREMIER.

ou

TCHONG-KOVÉ Ou Royaume du milieu (*), est le nom que les Chinois donnent à leur Empire. Les Mongous

(*) Les Chinois fe regardent comme le peuple le plus favorifé de la Nature; avant que le commerce des Européens eût rectifié leur géographie, ils croyoient que la Chine occupoit le milieu de la terre, & que tous les autres Royaumes, dont ils faifoient monter le nombre à foixante-douze, étoient difperfés en forme de petites ifles autour de leur Empire, comme autant dé satellites destinés à décorer leur planete. L'habileté des Européens dans les sciences les étonna beaucoup; ils ne pouvoient concevoir comment ils étoient parvenus à les porter fi loin, fans le fecours des Livres Chinois. Ils en devinrent plus modeftes, car après s'être regardés long-temps comme le feul peuple à qui la Nature avoit donné des yeux, tandis que tous les autres hommes étoient aveugles, ils ne purent s'empêcher de convenir que les Européens avoient au moins un œil.

A

Occidentaux l'appellent Catay; les Tartares Mantcheoux, Nican-courou; les Japonois, Thau; & les peuples de Cochinchine & de Siam, Cin: c'eft probablement de cette derniere dénomination que nous avons formé la nôtre. L'Hiftoire Chinoife rapporte que la premiere Famille Impériale qui ait porté fes armes vers l'Occident, fe faifoit appeler Thin ou Tai-tfin. L'armée navale que l'Empereur Thin-chi-hoang fit paffer jusqu'au Bengale, aura dû faire connoître aux peuples de l'Inde le nom de Tfin, dont la puissance formidable se faisoit sentir fi loin; ce nom paffant enfuite des Indes en Perse & en Égypte, sera probablement parvenu jufqu'en Europe: c'eft ce qu'on peut rapporter de plus vraisemblable fur l'origine du nom que nous donnons à ce vaste Royaume.

La Chine proprement dite comprend, du nord au midi, 18 degrés, qui font 450 de nos lieues communes de France, de 25 au degré; fon étendue d'orient en occident eft un peu moindre. On ne comprend point dans cette mesure les pays adjacens, foumis à la domination Chinoife, tels que les ifles de Hainan & de Formofe, le Leaotong, la Tartarie : car fi l'on compte depuis la pointe la plus méridionale de l'ifle de Hainan, jusqu'à l'extrémité feptentrionale de la Tartarie, qui appartient à l'Empereur de la Chine, on verra que les États de ce Prince ont plus de neuf cents lieues d'étendue du nord au fud, & environ quinze cents d'orient en occident, en comptant depuis la mer orientale jufqu'au pays de Cafghar, conquis en 1759 par les

Chinois.

La Chine eft bornée au nord par la Tartarie, dont elle eft féparée par une muraille de cinq cents lieues.

d'étendue; à l'orient par la mer; à l'occident par de hautes montagnes & des déferts; & au midi par l'Océan, les Royaumes de Tong-king, de Laos & de la Cochinchine. On la divise en quinze provinces; celles du Nord font le Chen-fi, le Chan-fi & le Pe-tcheli; Chan-tong, Kiang-nan, Tche-kiang & le Fo-kien, s'étendent le long de la mer orientale. Les provinces de Quang-tong, de Quang-fi, d'Yun-nan, de Se-tchuen, bornent l'Empire au midi & à l'occident; le milieu eft occupé par celles de Ho-nan, de Hou-quang, de Koei-tcheou & de Kiang-fi. Nous allons donner la description topographique de ces quinze pro

vinces.

ARTICLE PREMIE R.

Province de Pe-tcheli.

LA province de Pe-tcheli, ou Tcheli, ou Li-pa-fou, eft la premiere de tout l'Empire; & Pe-king, fa capitale, est devenu le féjour ordinaire de la Cour Impériale. La figure de cette province est à peu près celle d'un triangle rectangle; elle est bornée au nord par la grande muraille & une partie de la Tartarie; à l'orient par la mer; au midi par les provinces de Chan-tong & de Ho-nan; & au couchant par les montagnes du Chan-fi.

Cette province contient neuf villes principales ou du premier ordre, dont plufieurs autres dépendent; celles-ci font au nombre de cent quarante, moins confidérables à la vérité, mais toutes environnées de murs & de foffés. Nous ne ferons mention que des cités du premier ordre:

Province

de Pe-tcheli.

Province

de Pe-tcheli.

outre que la defcription des autres nous meneroit trop loin, elle n'offriroit rien de piquant à nos Lecteurs.

Le Pe-tcheli contient peu de montagnes, mais le fol en est sablonneux & peu fertile en riz; les autres efpeces de grains y croiffent abondamment, ainsi que la plupart des arbres fruitiers que nous avons en Europe.

Cette province paye tous les ans à l'Empereur un tribut, qui, felon le rapport du P. Martini, confifte en 601,153 facs de riz, de froment & de millet; 224 livres de lin; 45,135 de foie filée; 13,748 de coton; 8737,284 bottes de foin & de paille pour l'entretien des chevaux de la Cour, & 180,870 pefées de fel (chaque pefée eft de 124 livres ). Nous verrons dans la fuite que ce tribut est bien moins confidérable que celui des autres provinces, qui font auffi beaucoup plus riches.

On remarque que les peuples de cette province ont moins d'aptitude aux fciences que ceux qui habitent les parties méridionales; mais ils font plus robuftes, plus belliqueux, & plus propres à foutenir les travaux & les fatigues de la guerre : il en eft de même de tous les Chinois répandus dans les autres contrées feptentrionales.

Le terrein plat & uni de cette province permet de faire ufage d'une forte de voiture, dont la construction paroît affez finguliere. Voici l'idée qu'en donne le Pere Martini, l'un de nos premiers Miffionnaires à la Chine: » Ils fe » fervent (dans la province de Pe-tcheli) d'un chariot qui n'a qu'une roue, fait en forte qu'il n'y a place » milieu que pour un homme, qui s'y tient comme s'il » étoit à cheval; le conducteur le pousse par-derriere, " & fait avancer le chariot, avec des leviers de bois, avec » autant de fûreté que de vîteffe: c'est peut-être de là

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