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cette ville, eft un courant très-rapide qui a près de vingt lieues de long, & qui passe avec une extrême impétuosité à travers un grand nombre de roches femées à fleur d'eau: on court rifque d'y périr, à moins qu'on n'ait l'attention de fe faire conduire par des Pilotes du pays. Après ce paffage, la riviere devient fix fois plus large que n'est la Seine devant Rouen elle est continuellement couverte de barques & de bâtimens de charge à la voile.

Près des murs de la ville, eft un pont fort long, composé de cent trente bateaux; ces bateaux font liés & attachés les uns aux autres par de fortes chaînes de fer. Sur ce pont eft le bureau de la Douane, où fe trouve tous les jours un Receveur chargé de faire vifiter les barques, & d'examiner fi elles ont payé les droits impofés sur les marchandises qu'elles tranfportent. Ce pont eft tellement difpofé, qu'un ou deux bateaux mobiles s'ouvrent ou fe ferment, pour donner ou refuser le paffage aux barques : ils ne s'ouvrent que lorfque chaque barque a été examinée.

Le territoire de cette ville porte une grande quantité de ces arbres précieux d'où découle le vernis.

Son reffort, qui eft affez étendu, contient douze villes du troisieme ordre. Nan-ngan-fou eft fituée dans la partie la plus méridionale de la province; c'est une ville comme Orléans, belle, peuplée, marchande, & d'un très-grand abord. Elle n'a dans fa dépendance que quatre villes du troifieme ordre.

ARTICLE IV.

Province de Fo-kien.

CETTE province n'eft pas fort étendue, mais ses richesses

la mettent au rang des plus floriffantes de l'Empire. Le climat en eft chaud; cependant l'air y eft fi pur, qu'on n'y voit jamais régner de maladies contagieuses."

Le Fo-kien est borné au nord par la province de Tchekiang; au couchant par celle de Kiang-fi; au midi par celle de Quang-tong, & au levant par la mer de la Chine. On y trouve du musc en abondance, des pierres précieuses, du vif-argent, du fer, de l'étain; on y fabrique des outils d'acier pour tous les Arts, des étoffes de foie, & des toiles d'une fineffe & d'une beauté furprenantes: on prétend que cette province renferme des mines d'or & d'argent; mais il est défendu de les ouvrir, fous peine de la vie.

Cette province contient peu de plaines; mais l'industrie fertilife fes montagnes mêmes, la plupart difpofées en amphithéatres, & coupées en terraffes qui s'élevent les unes fur les autres. Ses vallées font atrofées de rivieres, de fources & de fontaines qui tombent des montagnes, & que le Cultivateur Chinois fait diftribuer avec adresse, pour abreuver le riz qui ne croît que dans l'eau ; a même le fecret d'élever l'eau jufque fur le fommet des montagnes, & de la conduire d'un côteau à l'autre par des tuyaux de bambou, dont on trouve une grande quantité dans cette province.

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Le commerce que les habitans du Fo-kien font au Japon, aux Philippines, à Java, à Camboye, à Siam & dans l'ifle

Province

de Fo-kien.

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de Fo-kien.

de Formose, rendent cette province extrêmement opulente. Les peuples y ont un langage différent dans la plupart des villes, qui ont chacune leur dialecte particulier : la Langue Mandarine eft la feule qui fe parle généralement par tout; mais très-peu de gens la favent dans cette province, ce qui n'empêche pas qu'elle ne produife un grand nombre de Lettrés.

Le Fo-kien contient neuf fou ou villes du premier ordre, & foixante hien ou villes du troifieme ordre.

Fou-tcheou-fou est fans contredit la plus considérable de la province, foit par la beauté de fa fituation, foit par le commerce qui s'y fait, foit par la multitude de fes Lettrés, foit enfin par la commodité de fes rivieres & de fon port, & fur-tout par la magnificence de fon principal pont, qui a plus de cent arches, conftruit en pierres blanches, & orné d'une double balustrade dans toute fa longueur. Cette ville eft la réfidence du Vice-Roi; elle a sous fa jurifdiction neuf villes du troifieme ordre.

Tfuen-tcheou-fou ne cede en rien à la ville précédente; fa pofition, fon commerce, fon étendue, fes arcs de triomphe, fes temples, fes rues mêmes, toutes proprement pavées, lui assurent un rang distingué parmi les plus belles villes de la Chine. Elle a dans fon reffort sept villes du troisieme ordre. Dans le voisinage de cette ville, est un pont fort extraordinaire par fa grandeur & la fingularité de fa construction; il a été bâti aux frais d'un fimple Gouverneur. Voici ce qu'en dit le Pere Martini, témoin grave & connu pour fa bonne foi: » Je l'ai vu deux fois, dit-il, » & toujours avec étonnement; il est tout d'une même » pierre noirâtre; il n'a point d'arcades, mais plus de trois

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» cents piliers faits de fort grandes pierres; elles ont toutes » la figure d'un grand navire, finiffent & se terminent,

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de part & d'autre, en un angle aigu, afin de rompre » avec plus de facilité la violence de l'eau. Cinq pierres égales occupent toute la largeur d'un pilier à l'autre; chaque pierre a en longueur dix-huit de mes pas ordinaires, dont je me fervois pour les mesurer en me pro» menant. Il y a mille quatre cents de ces groffes poutres » de pierres tranfverfales, toutes femblables & égales. Ouvrage admirable pour le grand nombre de ces lourdes pierres, & pour la maniere dont on les foutient entre ces piliers! Il y a des garde-foux ou appuis de chaque côté, » faits de la même pierre, avec des lions au deffus, pofés » fur leurs bases, & plufieurs autres ornemens de cette » nature. Vous remarquerez qu'en cette description, je ne parle que d'une partie de ce pont; favoir, de celle qui » est entre la petite ville de Lo-yang & le château qui est » bâti fur le pont: car après avoir passé le château, on » trouve l'autre partie du pont, qui n'eft guere moindre >> que la premiere «.

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Kien-ning-fou est une de ces villes ordinaires, où l'on ne voit rien de remarquable. Dans le temps que les Tartares conquirent la Chine, Kien-ning foutint deux fiéges, & refusa constamment de se soumettre à la domination du Vainqueur; mais quelque temps après elle fut prise, & on passa tous ses habitans au fil de l'épée. Rétablie depuis par ces mêmes Tartares qui l'avoient faccagée, elle a été mise au rang des villes du premier ordre; ce qui eft d'autant plus étonnant, que rien ne la diftingue des cités communes. Elle a huit villes du troisieme ordre dans son district.

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Province

de Fo-kien.

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de Fo-kien.

Yen-ping-fou s'éleve en amphithéatre, sur la pente d'une montagne que baigne la riviere de Min-ho; elle eft fortifiée par des montagnes inacceffibles qui la couvrent, & toutes les barques de la province doivent paffer au pied de ses murs, pour se rendre aux différens lieux de leur deftination. Elle a fous fa jurifdiction fept villes du troisieme ordre, parmi lesquelles eft Cha-hien, qu'on appelle communément la Ville d'argent, à cause de l'abondance qu'y entretient la fertilité de fes terres.

Ting-tcheou-fou, Hing-hoa-fou & Chao-ou-fou ne présentent rien de curieux pour des Voyageurs. Sept villes du troisieme ordre relevent de la premiere, deux de la feconde, & quatre de la troisieme, qui est une place forte & une des clefs de la province.

Tchang-tcheou-fou eft une ville très-considérable par fon commerce avec les ifles d'Emouy, de Pong-hou & de Formofe. Les Miffionnaires y ont trouvé des veftiges de la Religion Chrétienne : le Pere Martini a vu chez un Lettré un vieux livre de parchemin, écrit en caracteres gothiques, où étoit en latin la plus grande partie de l'Écriture Sainte. Ce Jéfuite offrit une fomme d'argent pour l'avoir; mais le Lettré ne voulut jamais s'en deffaifir, parce que c'étoit un livre qu'on confervoit depuis long-temps dans fa famille, & que fes ancêtres l'avoient toujours regardé comme un objet rare & précieux.

Outre ces villes & quantité de forts qui en dépendent, la province de Fo-kien a dans sa jurisdiction un port célebre, appelé communément Hia-men ou Emouy, & les ifles de Pong-hou.

Le port d'Emouy n'eft proprement qu'une rade, refferrée

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