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d'un côté
par l'ifle dont il tire fon nom, & de l'autre
la terre ferme; mais son étendue eft fi grande, qu'elle peut
contenir plusieurs milliers de vaiffeaux, & la mer y est si
profonde, que les plus gros navires peuvent s'approcher du
bord avec fûreté.

On y voyoit aborder, au commencement de ce fiecle, beaucoup de vaiffeaux Européens; ils y vont très-rarement aujourd'hui, & tout le commerce se fait à Canton. L'Empereur y entretient fix ou fept milles hommes de garnison, que commande un Général Chinois.

En entrant dans la rade, on double une roche qu'on trouve à l'entrée, & qui la divife en deux, comme à peu près le Mingant partage la rade de Brest: la roche est visible, & s'éleve de quelques pieds au dessus de l'eau. A trois lieues de là eft une petite ifle qui a un trou, travers lequel on voit le jour d'un côté à l'autre : c'eft fans doute pour cette raison qu'on la nomme l'Isle percée.

L'ifle d'Emouy est particuliérement célebre par la magnificence de fon principal pagode, confacré au Dieu Fo. Ce temple eft fitué dans une plaine, qui fe termine d'un côté à la mer, & de l'autre à une montagne fort élevée. La mer forme devant ce temple, par différens canaux, une nappe d'eau, bordée d'un gazon toujours verd; la façade de cet édifice a trente toifes de largeur; son portail eft grand & orné de figures en relief, qui font les ornemens les plus ordinaires de l'architecture Chinoife. On trouve, en entrant, un vaste portique pavé de grandes pierres carrées & polies, au milieu duquel est un autel, où l'on voit une ftatue de bronze doré, qui représente le Dieu Fo, fous la figure d'un coloffe affis les jambes croifées. Aux

Province de Fo-kien.

Province

de Fo-kien.

quatre angles de ce portique font placées quatre autres ftatues, qui ont dix-huit pieds de hauteur, quoiqu'elles repréfentent des perfonnes affifes; elles n'ont rien de régulier; mais on ne peut affez en admirer la dorure. Chacun de ces coloffes eft fait d'un feul bloc de pierre; ils portent à la main différens fymboles qui défignent leurs qualités, comme autrefois, dans Athènes & dans Rome, le trident & le caducée défignoient Neptune & Mercure. L'un tient entre ses bras un ferpent qui fait plufieurs replis autour de fon corps; l'autre porte un arc bandé & un carquois; les deux autres préfentent, l'un une espece de hache d'armes, l'autre une guitare ou quelque inftrument semblable.

Après avoir traversé ce portique, on entre dans une avant-cour carrée & pavée de longues pierres grifes, dont la moindre a dix pieds de longueur & quatre de largeur. Aux quatre côtés de cette cour s'élevent quatre pavillons qui fe terminent en dômes, & qui fe communiquent par un corridor qui regne tout autour. L'un renferme une cloche qui a dix pieds de diametre; on ne peut trop admirer la charpente qui fert de support à cette lourde masse. Dans l'autre on voit un tambour d'une grandeur démefurée, & qui fert aux Bonzes pour annoncer les jours de la nouvelle & pleine lune; il faut remarquer que le battant des cloches Chinoises eft en dehors, & qu'il est fait de bois en forme de marteau. Les deux autres pavillons renferment les ornemens du temple, & fervent souvent de retraite aux Voyageurs, que les Bonzes font obligés de recevoir & de loger.

Au milieu de cette cour eft bâtie une grande tour isolée, qui fe termine auffi en dôme; on y monte par un escalier conftruit de belles pierres, lequel regne tout autour. Le

dôme contient un temple où l'on admire une grande propreté; la voûte eft ornée de mofaïques, & les murailles font revêtues de figures de pierre en relief, qui repréfentent des animaux & des monftres. Les colonnes qui foutiennent le toit de cet édifice font de bois verniffé, & aux jours folennels on les orne de banderoles de diverses couleurs. Le temple est pavé de petits coquillages, dont les compartimens offrent des oiseaux, des papillons, des fleurs, &c.

Les Bonzes brûlent continuellement des parfums sur l'autel, & entretiennent le feu des lampes qui font fufpendues à la voûte du temple. A l'une des extrémités de l'autel, on voit une urne de bronze fur laquelle ils frappent, & qui rend un fon lugubre. L'extrémité oppofée eft occupée par une machine de bois creuse & faite en ovale, qui fert au même usage, c'est-à-dire que le fon de l'un & de l'autre inftrument accompagne leurs voix, lorsqu'ils chantent les louanges de l'idole tutélaire du pagode.

Le Dieu Poussa est placé au milieu de cet autel; il a pour base une fleur de bronze doré, & tient un jeune enfant entre fes bras; plufieurs idoles (qui font fans doute des Dieux fubalternes) font rangées autour de lui, & marquent par leurs attitudes leur respect & leur vénération.

Les Bonzes ont tracé fur les murs de ce temple plufieurs caracteres hiéroglyphiques à la louange de Poussa. On Y voit un tableau hiftorique ou allégorique, peint à frefque, qui représente un étang de feu où femblent nager plufieurs hommes, les uns portés fur des monftres, les autres environnés de toutes parts de dragons & de ferpens ailés. On apperçoit au milieu du gouffre un rocher escarpé, au haut duquel le Dieu eft affis, tenant un enfant entre fes bras,

Province de Fo-kien.

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qui femble appeler tous ceux qui font dans les flammes de l'étang; mais un vieillard, dont les oreilles font pendantes, & qui a des cornes à la tête, les empêche de s'élever jusqu'à la cime du rocher, & paroît vouloir les écarter à coups de massue. Au refte, les Bonzes ne favent que répondre aux queftions qu'on leur fait fur ce tableau. On trouve derriere l'autel une espece de bibliotheque, dont les livres traitent du culte des idoles.

Lorsqu'on eft defcendu de ce dôme, on traverse la cour, & l'on entre dans une espece de galerie dont les murs font lambriffés: on y compte vingt-quatre ftatues de bronze doré, qui repréfentent vingt-quatre Philofophes, anciens difciples de Confucius. Au bout de cette galerie, on trouve une grande falle qui eft le réfectoire des Bonzes; on traverse ensuite un assez vaste appartement, & l'on entre enfin dans le temple de Fo, où l'on monte par un grand escalier de pierre. Il est orné de vases de fleurs artificielles, ouvrage dans lequel les Chinois excellent, & l'on y trouve les mêmes instrumens de musique dont on a déjà fait mention. On ne voit la statue du Dieu qu'à travers une gaze noire, qui forme une espece de voile ou rideau devant l'autel. Le reste du pagode confifte en plusieurs grandes chambres fort propres, mais mal percées; les jardins & les bosquets font pratiqués fur le côteau de la montagne, & l'on a taillé dans le roc des grottes charmantes, où l'on peut se mettre à l'abri des chaleurs exceffives du climat.

Il y a plusieurs autres pagodes dans l'ifle d'Emouy; il en est un, entre autres, qu'on appelle pagode des dix mille pierres, parce qu'il eft bâti fur le penchant d'une montagne, où l'on a compté un pareil nombre de petits rochers, fous

lefquels les Bonzes ont pratiqué des grottes & des réduits très-agréables. On Y voit régner une certaine fimplicité champêtre, qui plaît & qui féduit.

Ces Bonzes reçoivent les Étrangers avec assez de plaisir: on peut entrer librement dans leurs temples; mais il ne faut pas chercher à fatisfaire entiérement fa curiofité, ni entrer dans les appartemens où ils ne vous introduifent pas eux-mêmes, fur-tout lorsqu'on eft mal accompagné : car les Bonzes, à qui le commerce des femmes eft interdit fous des peines rigoureuses, & qui en gardent souvent dans des lieux fecrets, pourroient, dans la crainte d'être accufés, venger d'une curiofité trop indifcrete.

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Les ifles de Pong-hou forment un archipel entre le port d'Emouy & l'ifle Formofe; on y tient une garnison Chinoise, avec un Mandarin de Lettres, dont le principal emploi est de veiller fur les vaisseaux marchands qui vont ou qui viennent de la Chine à Formofe, & de Formofe à la Chine.

Comme ces ifles ne font que fables ou rochers, on doit y porter tout ce qui est nécessaire à la vie. On n'y voit ni buiffons ni brouffailles; un feul arbre fauvage en fait tout l'ornement. Le port y eft bon & à l'abri de toutes fortes de vents; il a environ vingt à vingt-cinq braffes de profondeur. Quoiqu'il fe trouve dans une ifle inculte & inhabitée, il est abfolument néceffaire pour la confervation de Formofe, qui n'a aucun port où les vaiffeaux, tirant plus de huit pieds d'eau, puiffent aborder.

Province de Fo-kien.

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