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LA province de Quang-tong eft la plus confidérable

des provinces méridionales de la Chine; elle est bornée au nord-est par le Fo-kien; au feptentrion par le Kiang-fi; au couchant par le Quang-fi & le royaume de Tong-king. Tout le refte eft baigné des eaux de la mer.

Le pays est mêlé de plaines & de montagnes; les terres y font fi fertiles, qu'elles produifent deux fois l'année. Le commerce & la fécondité du fol raffemblent dans cette province tout ce qui peut contribuer aux délices de la vie ; elle fournit de l'or, des pierres précieuses, de la foie, des perles, du bois d'aigle, de l'étain, du vif-argent, du fucre, du cuivre, du fer, de l'acier, du falpêtre, de l'ébene, & quantité de bois de fenteur très-recherchés.

Outre une grande partie des fruits de l'Europe & de ceux qui croiffent dans les Indes, elle en a plufieurs qui lui font particuliers, tels que les Li-tchi, les Long-yven, dont nous parlerons dans la fuite. Toutes les côtes font très-poiffonneuses; elles fournissent une grande quantité d'huîtres, d'écrevisses, de crabes, de tortues d'une groffeur extraordinaire. Les Chinois emploient les écailles de celles-ci pour fabriquer de très-jolis ouvrages.

On nourrit dans cette province une multitude prodigieufe de canards domeftiques; les foins & l'industrie particuliere avec laquelle les Chinois de cette contrée les élevent, les ont multipliés plus que par-tout ailleurs; ils en

K

Province

de Quang-tong

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de Quang-tong.

font éclore les œufs dans un four ou dans du fumier, & ils
ne tiennent point cette pratique de l'Égypte. Ils en chargent
un grand nombre de petites barques, & les menent par
troupeaux paître fur le bord de la mer, où, lorfque fes
eaux font baffes, ces oifeaux trouvent des huîtres, des
chevrettes, & autres coquillages femblables. Ces petites.
flottes vont ordinairement de compagnie, & bientôt tous.
les canards fe mêlent fur le rivage; mais lorsque la nuit
vient, il fuffit de frapper fur un baffin pour les raffembler:
auffi-tôt toutes les bandes fe forment, & chacune retourne
au bateau qui l'avoit amenée. Les Chinois ont le fecret
de faler une grande quantité de chair de canards, fans
qu'elle perde rien de fa premiere faveur; ils favent auffi
en faler les œufs, en les couvrant d'un enduit d'argile
mêlé de fel. La faumure, dans laquelle on les laifferoit
tremper, ne pénétreroit point à travers les pores de la
coque; l'obfervation a fait connoître aux Chinois, que
l'argile seule, chargée de fel, a cette propriété. Ces œufs
falés font très-sains, & l'on en permet l'usage aux malades.

Quoique le climat de cette province foit très-chaud, l'air
y eft pur, & le peuple robufte & fain; il eft fur-tout très-
industrieux, & l'on ne peut lui refuser d'être éminemment
doué du talent de l'imitation; il fuffit de lui montrer la.
plupart de nos petits ouvrages d'Europe, pour qu'il en
exécute de femblables avec une jufteffe furprenante.

Quoique cette province ait beaucoup fouffert durant les guerres civiles, elle est aujourd'hui une des plus floriffantes de l'Empire; & comme elle eft la plus éloignée de la Cour, fon gouvernement eft un des plus confidérables. Celui qui en eft le Vice-Roi, l'est auffi du Quang-fi, & il réfide à

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Chao-king, afin d'être plus à portée d'expédier fes ordres dans l'une & dans l'autre province. Ce Gouverneur a toujours un certain nombre de troupes dont il difpofe pour arrêter les courfes des voleurs & des pirates, qui, fans cette précaution, se multiplieroient affez pour interrompre ou molester le commerce. C'est par la même raison qu'on a conftruit, le long des côtes & dans les terres, un grand nombre de fortereffes, dont la plupart font de grandes villes pourvues de nombreuses garnisons.

On divife cette province en dix contrées, qui contiennent dix villes du premier ordre, & quatre-vingt-quatre du fecond & du troisieme.

Quang-tcheou-fou, que les Européens appellent Canton, eft la capitale de cette province, & l'une des villes les plus peuplées & les plus opulentes de la Chine; elle est l'entrepôt de tout le commerce des Indes, & de celui que l'Europe entretient avec ce vaste Empire.

L'immenfe quantité d'argent que les vaiffeaux étrangers apportent journellement dans cette cité, y attire une foule continuelle de Marchands de toutes les provinces; en forte qu'on eft fûr de trouver dans ses magasins les productions les plus rares du fol, & ce qui fort de plus précieux des Manufactures Chinoifes. Cette ville eft d'ailleurs fituée fur une belle riviere, qui communique à toutes les provinces voifines par des canaux on nomme fon embouchure Hou-man, c'est-à-dire, Porte du Tigre; fes bords, les campagnes qu'elle arrofe, les collines même qui la dominent, font cultivées & offrent le coup-d'oeil le plus agréable. » On commence, dit le Pere de Prémare, à voir ce que "c'eft que la Chine, quand on eft entré dans la riviere

Province

de Quang-tong.

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de Quang-tong.

» de Canton. Ce font, fur les deux bords, de grandes »- campagnes de riz, vertes comme de belles prairies, qui » s'étendent à perte de vue, & qui font entre-coupées d'une » infinité de petits canaux; de forte que les barques qu'on » voit fouvent aller & venir de loin, fans découvrir l'eau » qui les porte, paroiffent gliffer fur l'herbe. Plus loin, dans » les terres, l'on apperçoit les côteaux couronnés d'arbres » & cultivés le long du vallon; tout cela eft mêlé de tant » de villages, de fites champêtres & fi bien variés, qu'on' » ne fe laffe point de regarder, & qu'on a regret de paffer. » fi vîte «..

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On entre enfuite dans une grande ville, qui eft comme un compofé de trois villes différentes, féparées par de hautes murailles, mais tellement jointes, que la même porte fert pour fortir de l'une & rentrer dans l'autre.. Ces trois cités réunies forment à peu près un carré; les rues en font longues, droites, la plupart pavées de pierresde taille & ornées d'arcs de triomphe de diftance ent distance; il en eft quelques-unes de couvertes, & c'est là que font les plus belles boutiques de la ville. Les maifons n'offrent rien de remarquable, qu'une grande propreté ; elles n'ont qu'un feul étage, & font fans fenêtres fur la rue. Les honnêtes gens fe font porter en chaife; le peuple remplit les rues, fur-tout les porte-faix, qui font la plupart têtes, jambes & pieds nus, & on les voit tous chargés de quelque fardeau: car il n'eft point d'autre commodité pour voiturer ce qui fe vend & ce qui s'achete, que les épaules des hommes.

Un nombre infini de barques de toute grandeur, qui nuit & jour couvrent la riviere, y forme une espece de ville

flottante; toutes ces barques fe touchent, font alignées, & forment des rues. Un peuple immense n'a point d'autre habitation; chaque barque loge une famille & les enfans de ses enfans. Dès la pointe du jour, tout ce peuple fort, soit pour aller à la pêche, foit pour cultiver la terre & travailler. au riz, dont on fait chaque année une double récolte.

C'est à quatre ou cinq lieues de Canton que fe trouve Fo-chan, ce village célebre, le plus grand & le plus peuplé de l'Univers; on l'appelle village, parce qu'il n'eft point: enfermé de murailles & qu'il n'a point de Gouverneur particulier, quoiqu'il s'y fasse un très-grand commerce, & qu'il contienne plus de peuple & plus de maifons que Canton même. On donne à cette bourgade trois lieues de circuit & un million d'habitans..

A l'entrée de la baie de Canton, on trouve le célebre port des Portugais, qu'on appelle communément Macao: il eft fitué fous le vingt-deuxieme degré douze minutes de latitude, & à trois degrés dix-neuf minutes de longitude oueft de Pe-king. La ville eft bâtie fur une péninfule, ou, fi l'on veut, dans une petite isle, parce qu'elle eft féparée: de la terre par une riviere où le flux & le reflux font fenfibles. Cette langue de terre ne tient au refte de l'isle que par une gorge fort étroite, qu'on a fermée d'une muraille. Les Portugais obtinrent ce port en récompense du fecours qu'ils donnerent aux Chinois, pour chaffer un fameux pirate qui infeftoit les mers voifines, & qui avoit formé le fiége de la capitale de la province; ils l'obligerent de fe retirer à Macao, où ils le prirent & le mirent à

mort.

Quelques Relateurs prétendent que cette ville n'étoit

Province

de. Quang-tong.

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