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Cependant les conftructions à plusieurs étages ont été Arts du dessin à la mode pendant plufieurs fiecles, lorsque la Cour Impériale réfidoit dans les Provinces du Midi. Prefque tous les petits palais que ces Empereurs élevoient dans leurs jardins, étoient de cette efpece, & leur goût pour cette maniere de bâtir en vint au point de conftruire d'immenses corps-de-logis qui avoient, dit-on, depuis cent cinquante pieds de haut jufqu'à deux cents les pavillons ou tours, qui étoient aux extrémités, s'élevoient quelquefois au delà de trois cents pieds. Mais comme il eft difficile de lutter long-temps contre le climat, les Empereurs fe dégoûterent de cette architecture aérienne, même avant de quitter les Provinces du Midi. Cependant, foit pour en conferver le fouvenir, foit pour mettre plus de variété dans les conftructions, il existe encore aujourd'hui quelques bâtimens à plusieurs étages dans le parc de Yuen-ming-yuen, dans celui de Ge-ho-eulh, & même dans les grands jardins du palais de Pe-king. On en rencontre auffi quelques-uns dans les Provinces de Kiang-nan & de Tche-kiang.

Le grand nombre de rivieres & la multiplicité des canaux qui arrofent la Chine ont néceffité la construction d'une prodigieufe quantité de ponts, dont les formes font très-variées : les uns font en voûte exhauffée, fur laquelle on monte & l'on descend par des efcaliers trèsdoux, dont les marches n'ont pas trois pouces d'épaiffeur d'autres n'ont ni arches ni voûtes; on les paffe fur de larges pierres, pofées fur des piles comme des planches. Quelques-unes de ces pierres ont jufqu'à dix-huit pieds de longueur. Une partie de ces ponts eft conf

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truite en pierre, en marbre ou en brique; l'autre en bois, ou formée de bateaux. Ces derniers font d'une invention très-ancienne. Ils portent le nom de Seou-kiao, ponts flottans, & l'on en trouve plufieurs fur les grands fleuves Kiang & Hoang-ho.

Parmi les beaux ponts de la Chine, on distingue celui qui eft à trois lieues de Pe-king, & qui a deux cents pas de longueur fur une largeur proportionnée. Sa hauteur & l'inutilité apparente de la plus grande partie de ses arches paroiffent choquer d'abord la plupart des étrangers, parce qu'il ne couvre qu'une riviere médiocre. Mais lorfque celle-ci eft enflée par les pluies de la canicule, à peine toutes les arches du pont fuffifent pour laiffer écouler fes eaux.

Les anciens Livres Chinois parlent de plusieurs ponts ingénieux, dont la destination étoit vraiment utile: on en avoit imaginé qui pouvoient être exécutés en un jour,

pour fubvenir à la rupture fubite d'un autre pont, pour

remédier à une inondation, faciliter la communication d'une armée, ouvrir ou abréger le chemin aux vivres qu'on lui portoit. On avoit alors des ponts en arc-en-ciel, en levier, en balancier, à poulies, en couliffes, à double bafcule, en compas, en fagots encrés, en poutres empaillées, en barques renverfées, en cordes tendues, &c. Tous ces ponts, dont les noms fe retrouvent dans les Ecrits anciens, ne font plus connus aujourd'hui.

Croiroit-on que la construction des ponts ait été autrefois un goût de luxe, févérement reproché aux Empereurs? On cite celui qui fut construit en fer & en bronze au huitieme fiecle. Un Empereur de la dynastie des Soui

Arts du deffin.

en fit bâtir quarante, tous d'une architecture différente, Arts du deffin. dans la feule ville de Sou-tcheou. Les ponts de caprice & de fantaisie, auffi variés par leur forme que par leurs ornemens, se multiplierent à l'excès dans les parcs & les jardins de plaifance des Empereurs des Leang, des Soui & des Tang. Ces constructions bizarres, dont nous voyons aujourd'hui quelques imitations dans nos modernes jardins Anglois, donnerent lieu aux représentations d'un censeur de l'Empire, qui eut la fermeté courageufe de dire à Yang-ti, le Sardanapale de la Chine: » Plus les ponts » inutiles de vos jardins anciens & nouveaux s'embel»liffent & fe multiplient, plus les néceffaires fe détério» rent & diminuent dans toutes les Provinces. Les nom» breux effaims d'Artiftes qui accourent dans votre capitale de toutes les extrémités de l'Empire, ne feront " pas des foldats contre les Tartares qui nous mena» cent; & après avoir bâti un plus grand nombre de • ponts qu'aucun de vos prédéceffeurs, il est bien » craindre que vous n'en trouviez pas pour fuir leurs » victoires. Votre humble fujet en feche de douleur, & » ne dit ses justes craintes à Votre Majefté, que parce » qu'enivrée des menfonges de fes flatteurs, elle ne voit » que les fleurs de la coupe empoifonnée qu'ils lui pré» sentent. Songez, Seigneur, qu'un vieil Officier qui » vous dit la vérité au péril de fa tête, craint plus la » mort pour Votre Majefté que pour lui «‹.

L'architecture navale des Chinois paroît n'avoir fait aucun progrès depuis plufieurs fiecles : la fréquentation des Européens fur leurs côtes, & la vue de leurs vaisseaux, n'ont pu les déterminer à réformer ou à perfectionner

les leurs. Ces vaiffeaux, qu'ils nomment Tchouen, font appelés par les Portugais Soma ou Sommes. Les plus gros ne font pas au deffus du port de 250 ou 300 tonneaux, & leur longueur n'excede pas 80 à 90 pieds; ce ne font, à proprement parler, que des barques plates à deux mâts. La proue, qui eft coupée & fans éperon, fe termine, dans la partie fupérieure, par deux efpeces d'aîlerons ou cornes, d'une forme affez bizarre. La poupe eft fendue par le milieu pour faire place au gouvernail, qui se trouve renfermé dans une espece de chambre qui le met à l'abri des coups de mer. Ce gouvernail, large de cinq à fix pieds, peut aifément s'élever & s'abaiffer par le moyen d'un cable qui le foutient fur la poupe.

Les vaiffeaux Chinois n'ont ni artimon, ni beaupré, ni mâts de hune. Toute leur mâture se réduit au grand mất & à celui de mifene, auxquels ils ajoutent quelquefois un petit mât de perroquet, qui ne peut être que d'un foible fecours. Le grand mât occupe à peu près la place du nôtre; le mât de mifene eft fort fur l'avant. Celui-ci eft à l'autre dans la proportion de deux à trois; & le grand mât a ordinairement plus des deux tiers de la longueur du vaiffeau. Des nattes de bambou sont la matiere des voiles Chinoifes: elles font renforcées par des bambous entiers, couchés fur la largeur de la voile, à la distance d'un pied les uns des autres. Deux pieces de bois garniffent l'extrémité fupérieure & inférieure de la voile; celle d'en haut fert de vergue; celle d'en bas, large d'un pied fur cinq à fix pouces d'épaiffeur, contient la voile lorsqu'on veut la hiffer ou l'amener. Ces fortes de voiles peuvent fe déplier & fe replier comme

Arts du deffin.

des feuilles de paravent. Les bâtimens Chinois ne font Arts dudeffin. nullement bons voiliers; ils tiennent cependant beaucoup mieux le vent que les nôtres, les nôtres, à raison de la roideur de leur voilure qui ne cede point au vent; mais ils perdent bientôt cet avantage par la dérive qu'occafionne leur conftruction vicieuse.

Les Chinois n'emploient point, comme nous, le goudron pour calfater leurs vaiffeaux. Ils fe fervent d'une gomme particuliere mêlée avec la chaux, & cette compofition est si bonne, qu'un ou deux puits à fond de cale fuffisent pour tenir le vaiffeau fec. Ils puifent l'eau avec des seaux, car ils n'ont pas encore jusqu'ici adopté l'usage des pompes. Leurs ancres font faites d'un bois dur & pefant, qu'ils appellent Tie-ly-mou ou bois de fer. Ils prétendent que ces ancres font très-fupérieures à celles de fer, parce que celles-ci font fujettes à fe fauffer, ce qui n'arrive point aux ancres de Tié-ly-mou.

Les Chinois entendent affez bien la manœuvre, & font affez bons Pilotes côtiers; mais ils naviguent mal en pleine mer. Ce font les feuls Timonniers qui conduifent le vaiffeau; ils mettent le cap fur le rumb qu'ils croient devoir fuivre, &, fans s'inquiéter des mouvemens du navire, ils courent, pour ainfi dire, à l'aventure. Les Chinois prétendent avoir été les premiers inventeurs de la bouffole; mais il paroît qu'ils fe font peu occupés du foin de perfectionner cette intéressante découverte.

La Chine ne s'eft guere trouvée dans le cas de livrer des batailles navales que fur le Kiang, autour & près de fes côtes, ou dans le voifinage des ifles du Japon :

auffi

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