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elle lui montrerait un aspect particulier et saisissant du milieu où doit s'étendre sa bienfaisante

administration.

Jetée comme un navire au milieu de l'immensité des flots, la Corse, malgré les relations de plus en plus étroites qui l'unissent au continent, conserve une physionomie d'une frappante originalité. On dirait que, par l'effet de je ne sais quelle mystérieuse harmonie, les accidents de son sol si tourmenté se retrouvent dans le caractère de ses habitants. Un singulier mélange de qualités et de défauts en apparence contradictoires attire, au premier abord, l'attention de l'observateur. En les étudiant de près, on finit par acquérir la certitude qu'il existe entr' eux un rapport intime qui en forme un tout logique et indivisible. Nature impressionnable, ardente et passionnée, le Corse apporte une égale ténacité dans ses affections et dans ses haines. Ombrageux et méfiant, il se livre difficilement; mais quand il le fait, c'est sans réticences ni sous-entendus. Egalitaire par instinct, et cependant avide de domination, il abdique volontiers devant celui qui a su le conquérir, et sa soumission se change en dévouement. Susceptible à l'excès, le moindre froissement l'irrite, et

l'offense est à peine commise, qu'elle est déjà vengée. Le Corse professe un grand respect pour la justice. Mais il n'a pas toujours la patience d'en attendre les arrêts et préfère souvent les rendre luimême les armes à la main. Chez lui, le sentiment de famille a des racines si profondes, il s'en exagère tellement la portée qu'il se croit obligé d'épouser les querelles de ses parents les plus lointains; et l'on voit, dans ce pays, les inimitiés se transmettre d'une génération à l'autre, laissant derrière elles un sillon sanglant. S'il se plait aux choses de la politique, il les ramène habituellement à un point de vue personnel ou local, ce qui donne aux compétitions une vivacité inconnue ailleurs. A côté de cela, quelle finesse d'intelligence, quelle fécondité de ressources, quel patriotisme éprouvé! Nulle part, la grande patrie Française, cette chère et noble éplorée, ne compte des enfants qui lui soient plus indissolublement attachés et qui aient plus généreusement prodigué leur vie pour la défense et l'honneur de son drapeau.

La plupart de ces qualités et de ces défauts trouvent dans les luttes électorales une occasion naturelle de se manifester. La parole ne saurait

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y

donner qu'une idée imparfaite des trésors d'activité que l'on y dépense pour soi ou les siens. Il a là comme un vaste champ où toutes les facultés entrent en exercice et se développent avec une étonnante puissance. L'esprit s'arrête confondu devant ce déploiement formidable de moyens convergeant vers un but unique le triomphe. On commence à le rechercher dès la confection des listes, et on le poursuit sans relâche jusqu'au résultat final. Sous l'action de l'amour-propre, cet énergique stimulant, les efforts redoublent. Sollicitations incessantes, actes de pression et d'intimidation, dons, promesses, rien n'est négligé. Il faut vaincre à n'importe quel prix ! En dernier lieu, c'est la fraude qui apparaît dans l'infinie diversité de ses manifestations. Véritable Protée, elle emprunte toutes les formes, depuis les plus grossières jusqu'aux plus subtiles, elle cherche à se rendre insaisissable sous d'ingénieux déguisements. Que ne puis-je étaler devant vous les archives si nourries des Greffes et des Parquets et vous livrer leurs éloquents secrets! Vous l'y surprendriez vivante, agissante, victorieuse. Vous y constateriez que dans ce ressort toutes les infractions prévues ont été commises et que d'autres, en

grand nombre, sont demeurées impunies parce qu'elles avaient échappé à la vigilance des législateurs. C'est la Corse, Messieurs, qui a le plus efficacement aidé à former la jurisprudence par les espèces variées qu'elle a fournies aux décisions des magistrats. Peut-être ne serait-il pas inopportun de citer quelques-unes des manœuvres le plus généralement pratiquées ? Ne croyez pas qu'elles se produisent tout-à-coup, sans travail préparatoire, qu'elles naissent de l'inspiration du moment. Non. Elles sont le résultat d'une longue, habile et constante élaboration, si bien que, le jour de l'élection, toutes les mesures sont prises pour en assurer la réussite, et le parti hostile en a déjà comme le pressentiment. Voyez. Le bureau électoral est illégalement composé. On a eu soin de n'y placer que des parents et des amis, je devrais dire des affidés. La table est disposée de manière que tout contrôle soit impossible. Sous différents prétextes, on fait le vide dans la salle où il est interdit aux électeurs de stationner, et l'on relègue à l'entrée les agents de la force publique. Alors, en l'absence de toute surveillance, la fraude s'accomplira. Tantôt c'est le Président du collège qui ajoute des billets à la masse, ou

macule, en les prenant, ceux de ses adversaires politiques, à l'unique fin de les annuler plus tard comme portant des signes extérieurs. Tantôt des électeurs déposent, sous le regard encourageant d'un bureau complice, plusieurs bulletins à la fois, insérés l'un dans l'autre. Il y a eu dans quelques communes des substitutions de bulletins inexplicables. Dans d'autres, ils s'étaient multipliés au point qu'ils dépassaient le chiffre des votants et même des inscrits. Jadis on employait des boîtes à double fond pour recevoir les votes. On paraît aujourd'hui avoir renoncé à ce procédé. Mais, en revanche, on altère le procès-verbal des opérations en attribuant aux candidats plus ou moins de suffrages qu'ils n'en avaient obtenu.

J'en passe, et des plus odieuses. N'avons-nous pas vu des maires ajourner l'élection, après l'avoir commencée, transporter ensuite l'urne dans leurs appartements privés et procéder au dépouillement?

Certaines élections ont fourni matière à des anecdotes qui amèneraient le sourire sur les lèvres, si tout ici n'avait de la gravité. J'ai ouï conter l'histoire de ce magistrat municipal qui, en donnant lecture des suffrages exprimés, avait imaginé de substituer chaque fois son nom à celui d'un