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Voix nombreuses. - L'ordre du jour ! La clôture! la clôture!

M. LE PRÉSIDENT SCHNEIDER. La clôture de la discussion étant demandéc... (Oui! oui!) je la mets aux

voix

La clôture, mise aux voix, est prononcée.

SUR

LA RUPTURE DES NEGOCIATIONS AVEC LA PRUSSE

ET SUR

LE PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT POUR LES PRÉPARATIFS DE LA GUERRE

Prononcé le 15 juillet 1870

AU CORPS LÉGISLATIF

Nous croyons superflu de résumer ici le triste historique des deux premières semaines du mois de juillet 1870. La candidature du prince Léopold de Hohenzollern au trône d'Espagne, l'interpellation de M. Cochery, la déclaration provocatrice de M. de Gramont, ministre des affaires étrangères, le retrait de la candidature prussienne, les intrigues criminelles du parti de la guerre et des hommes de cour qui ne voyaient dans une guerre contre l'Allemagne qu'un moyen de consolider la dynastie des Bonaparte, les négo ciations d'Ems, le refus du roi de Prusse de s'engager pour l'avenir, le conseil des ministres tenu à Saint-Cloud dans la néfaste soirée du 14 juillet, toute cette histoire est connue dans ses grandes lignes 1. Le 15 juillet, au matin, le conseil se réunit pour arrêter définitivement les termes de la communication que l'on devait faire aux Chambres. Cette communication fut portée simultanément au Sénat par M. de Gramont, et au Corps législatif par M. Ollivier.

1. Voir surtout le tome premier de l'Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande par M. Albert Sorel, et les dépositions de M. Thiers devant la commission d'enquête sur les actes du gouvernement de la Defense Nationale.

On connaît le texte de cette déclaration. On a raconté mainte fois la scène si douloureusement dramatique qui suivit au Corps législatif la lecture de cette pièce, et quelle fut, au milieu des injures et des outrages de l'extrême droite, la courageuse attitude de M. Thiers suppliant la Chambre de décliner la responsabilité de la guerre, le cabinet de produire les pièces sur lesquelles on se fondait pour se dire insulté par le roi de Prusse. « J'étais sûr, a dit plus tard M. Thiers, que si nous gagnions vingt-quatre heures, tout serait expliqué et la paix sauvée. On ne voulut rien entendre. >>

M. Thiers jugeait le motif injuste et l'occasion mauvaise; il était persuadé que la France n'était pas prête; il déclarait qu'on devait se contenter de la renonciation du prince de Hohenzollern.

M. Ollivier monta à la tribune. Il avait autrefois soutenu contre M. Thiers la politique de la paix définitive avec l'Allemagne, la nécessité pour la France de se résigner à l'unité allemande. Il jugea opportun de le rappeler, et il crut se justifier en montrant la France attaquée, offensée, mais par la Prusse seule, et non par l'Allemagne. « Le roi de Prusse, dit « le garde des sceaux, a constamment refusé d'intervenir « pour amener ou faciliter la renonciation du prince de Ho«henzollern. Quand elle a été connue, il a affecté de s'y <«< considérer comme étranger, et quand enfin, voulant ob« tenir des assurances pour l'avenir, nous lui avons dit, dans «<les formes les plus respectueuses : Déclarez-nous que cette <«< renonciation est définitive, il nous a refusé. Malgré les <«< impatiences du dedans et du dehors, et quoiqu'on com«mençat à dire que nous étions le ministère de la honte, << nous avons continué à négocier. Au milieu de ces négociations, nous avons appris que, dans toute l'Europe, les « représentants prussiens annonçaient et faisaient annoncer << dans les journaux que le roi de Prusse avait envoyé un « aide de camp à notre ambassadeur pour lui déclarer qu'il «<refusait de le recevoir... » « Communiquez-nous la dépêche!» s'écria M. Jules Favre, et M. d'Andelarre : « Il faut que l'on nous communique la dépêche pour que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause. » M. Ollivier répondit sans broncher : « Ces communications sont faites, nous les avons mises dans notre exposé... »

M. Jules Favre proteste avec énergie: « C'est exactement comme pour le Mexique, on nous disait cela aussi, et on nous a indignement trompés! »>

M. LE GARDE DES SCEAUX. Nous n'avons reçu que des dépêches confidentielles, que les usages diplomatiques ne permettent pas de communiquer; nous en avons extrait tout ce qui était utile à communiquer; nous ne communiquerons rien de plus... (Vives réclamations à gauche.)

M. JULES FAVRE. C'est le gouvernement personnel de Louis XIV; il n'y a plus de pouvoir parlementaire !

M. HORACE DE CHOISEUL. Vous froissez la Chambre ! (Bruit.) Nous protestons!

M. GAMBETTA.

Monsieur le ministre, voulez-vous

me permettre une observation?

M. LE GARDE DES SCEAUX.

-

- Je vous écoute.

M. LE PRÉSIDENT SCHNEIDER. - M. Gambetta a la pa

role avec l'autorisation de l'orateur.

M. GAMBETTA. Je vous demande pardon de vous interrompre, mais il me semble que les paroles que vous venez de prononcer, à savoir que vous avez dans le mémorandum dont vous avez donné lecture à la tribune, exposé tout ce qu'il était nécessaire à la Chambre de connaître, contiennent à la fois un manque de véracité politique et une atteinte aux droits de l'Assemblée, ce que je demande à démontrer d'un mot. (Très bien! à gauche.)

Vous dites, et je n'entre pas dans le fond du débat, vous dites Nous ne vous communiquerons rien de plus; or, vous faites reposer toute cette grave, cette effroyable question, dont vous ne vous êtes pas dissimulé, pendant huit jours, les conséquences redoutables pour l'Europe et pour votre propre responsabilité, vous la faites reposer sur une dépêche notifiée, à votre insu, à tous les cabinets de l'Europe, par laquelle on aurait mis votre ambassadeur hors des

portes de la Prusse. Eh bien, je dis que ce n'est pas par extraits, par allusions, mais par une communication directe, authentique que vous devez en saisir la Chambre; c'est une question d'honneur, dites-vous, et il faut que nous sachions dans quels termes on a osé parler à la France. (Vive approbation et applaudissements sur quelques bancs à gauche.)

M. LE GARDE DES SCEAUX. Je réponds à l'honorable M. Gambetta. Il faut d'abord que je rectifie son assertion. Je n'ai pas dit, et personne n'a dit que l'ambassadeur de France avait été chassé de la Prusse. M. GAMBETTA. Je ne me suis pas servi de ces mots; je parle une langue correcte. J'ai dit qu'on lui avait refusé la porte du roi de Prusse...

Un membre. Voici vos propres paroles. Vous avez dit « Notre ambassadenr aurait été mis hors des portes de la Prusse.» (Oui! oui! c'est vrai !)

M. LE GARDE DES SCEAUX. - J'ai dit, car en pareille matière, il faut toujours énoncer la vérité mathématiquement, j'ai dit que le roi de Prusse avail refusé de recevoir notre ambassadeur, et que, pour que cette décision ne parût pas ce qu'elle aurait pu être en effet, un acte sans conséquence, pour que son caractère ne fût pas équivoque, son gouvernement avait officiellement communiqué cette décision aux cabinets de l'Europe; ce qu'il ne fait pas assurément pour toutes les audiences qu'il refuse aux ambassadeurs.

J'ai entre les mains les dépêches de deux de nos agents dont je ne puis citer les noms, car, le lendemain, ils seraient obligés de quitter les cours auprès desquelles ils sont accrédités. Ces deux dépêches nous apprennent le langage que M. de Bismarck tient auprès de tous les cabinets de l'Europe.

Voici la première : « On m'a communiqué ce matin un télégramme du comte de Bismarck annonçant le refus du roi Guillaume de s'engager comme roi de

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