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« Vous savez dans quel abandon notre contrée a été laissée, que, dès le 8 août, toutes les autorités militaires l'avaient quittée précipitamment, qu'il n'y restait plus même un gendarme, et que Nancy, dépourvu de munitions et d'armes, n'avait, pour le maintien de l'ordre, que quatre-vingt-six fusils à silex transformés, mis entre les mains de ses pompiers.

« Vous savez que le Gouvernement annonçait que les passages des Vosges étaient défendus, et que la population devait être sans crainte.

« Vous savez que la dernière communication que nous avons reçue du ministre actuel de l'intérieur nous invitait, à l'approche de l'ennemi, à faire replier sur Châlons tous les hommes en état de porter les armes, et à abandonner ainsi sans défense et sans protection, nos femmes, nos enfants, nos vieillards.

« Et c'est nous qu'on accuse!... »

Le maire de Chalons écrivait de son côté

«La vérité, la voici. Que les plus sévères l'apprécient et nous jugent!

« Nous avions, en vue d'une invasion, demandé à grands cris des armes. Nous ne les avons pas obtenues. Nous n'avions ni un fusil ni une cartouche.

« 2° La veille du jour où l'ennemi envahissait Châlons, toute force et toute autorité militaire, depuis le général de division jusqu'au dernier gendarme, avaient évacué la ville.

« Une heure avant l'arrivée des dragons prussiens, une brigade tout entière de cavalerie française sortait de la ville, nous laissant sans défense possible. »

Le Corps législatif se réunit le lendemain 25 août. A l'issue de la séance, M. Gambetta proposa à la Chambre de se constituer en comité secret pour examiner la situation militaire et pour demander des explications au général Trochu, gouverneur de Paris, dont la proclamation du 18 août et la lettre au journal le Temps avaient excité une violente colère dans l'entourage de l'Impératrice. Les hommes qui, de concert avec MM. de Palikao, Rouher, Jérôme David et Chevreau (Commission d'enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, rapport de M. Saint-Marc Girardin, page 33), méditaient un coup d'Etat contre la Chambre, accu

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saient le général Trochu de trahison; ils affectaient de considérer les gardes nationaux mobiles comme les soldats d'une sorte de garde prétorienne que le général, de concert avec l'opposition, formait pour s'emparer de la dictature, le ministre de la guerre se tenait à l'écart, ne lui communiquait aucune nouvelle de l'armée, songea même à le remplacer par le général de Wimpffen. Quand, au comité de Défense, le général Trochu se fit, avec M. Thiers et le général de Chabaud-Latour, le chef de l'opposition contre la marche de l'armée de Châlons vers le Nord-Est, l'irritation contre lui fut portée au comble. Nominalement, le général Trochu resfait encore gouverneur de Paris. Mais, dans le fait, le général de Palikao avait annulé toute son autorité. C'est cette situation qui fut éclaircie dans le comité secret.

M. LE PRÉSIDENT SCHNEider. M. Gambetta.

M. GAMBETTA.

La parole est à

A propos de l'ordre du jour, je désirerais prévenir la Chambre de mon intention de la consulter demain pour savoir si elle ne jugerait pas opportun de se former en comité secret, et je lui dirai tout de suite mon sentiment.

Pour ma part, je crois que ce comité secret pourrait être consacré en grande partie à examiner la situation militaire que nous révèle, que constate très régulièrement la proclamation du général Trochu que, pour ma part, je trouve parfaitement normale, régulière, et en exécution des pouvoirs, dont il promet de faire un si patriotique emploi.

C'est précisément parce que cette proclamation ne fait que constater un état militaire et politique sur lequel nous nous étions déjà expliqués dans cette enceinte, que je demanderai à la Chambre et au gouvernement, s'il ne serait pas opportun d'appeler demain dans le sein du comité secret un commissaire délégué de M. le gouverneur de Paris, ou, ce qui me semblerait mieux, M. le gouverneur général lui-même. Nous pourrions ainsi lui demander des explications sur ce qu'il nous importe de connaître.

M. ESTANCElin.

nient.

M. GAMBETTA.

question.

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C'est pour demain que je pose la

M. BUSSON-BILLAULT, ministre présidant le conseil d'État. Messieurs, en ce qui concerne la demande d'un comité secret pour demain, je n'ai rien à dire; mais, sur un autre point, j'ai une observation à présenter.

L'honorable M. Gambetta dit qu'il voudrait être éclairé sur la situation.

M. GAMBETTA.

monde le désire.

Pas personnellement! tout le

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Oui,

M. LE MINISTRE présidant le conseil d'État. pas personnellement. Et il a ajouté que la Chambre voudrait s'éclairer d'une manière plus complète encore sur la situation elle-même.

Je déclare que toutes les explications que nous croyons possibles, nous sommes prêts à les donner; mais je déclare aussi que nous seuls, et je parle du ministère tout entier, pouvons les donner à la Chambre. (Exclamations à gauche. Oui! oui! au centre et à droite.)

Après une courte discussion, la Chambre se forme immédiatement en comité secret Dour entendre le général Trochu.

DISCOURS

SUR LA PROPOSITION DES GAUCHES

A L'EFFET DE METTRE

LE RECRUTEMENT ET L'ARMEMENT DE LA GARDE NATIONALE DE PARIS DANS LES ATTRIBUTIONS DU GÉNÉRAL TROCHU

ET SUR

LE PROJET DE LOI RELATIF A L'ACTIVITÉ DES MILITAIRES DE TOUS GRADES

Prononcés les 27 et 29 août 1870

AU CORPS LÉGISLATIF

A la suite de la séance du comité secret, et pour les motifs impérieux que nous avons fait ressortir plus haut, M. Ernest Picard déposa, dans la séance du 27 août, cette proposition qui était signée par tous les députés de la gauche :

« Nous demandons que le recrutement et l'armement de la garde nationale de Paris soient dans les attributions exclusives de M. le Gouverneur de Paris. >>

Le ministre de la guerre répondit à M. Ernest Picard. Il dit que la position du général Trochu, d'après tous les règlements, n'était qu'une position militaire et nullement une position administrative, que la délivrance des armes devait se faire uniquement par l'administration de la guerre, et que lui, général de Palikao, il n'admettrait jamais qu'un de ses inférieurs, placé sous ses ordres, usurpat les fonctions qui lui revenaient.

La proposition de la gauche ne constituait en aucu ne

sorte une usurpation de fonctions. Le Gouvernement avait fait insérer au Journal officiel que le ministre de la guerre conférait au général Trochu, pour tout ce qui concernait la défense de Paris, la plénitude des pouvoirs dont le ministre de la guerre était investi pour le reste de la France. Ou cette note était sincère, et alors la proposition de la gauche devait être acceptée sans discussion; ou la note n'était pas sincère, et alors les défiances de la gauche n'étaient visiblement que trop justifiées: le Cabinet du 10 août continuait de subordonner les intérêts de la France à ceux de la dynastie, il ne voulait pas armer Paris, tout était à craindre, et cela fut démontré par la suite, -même un coup d'État. M. Gambetta se leva pour répondre à la déclaration menaçante du général de Palikao.

M. LE PRÉSIDENT SCHNEIDER. La parole est à M. Gambetta.

M. GAMBETTA. Je voudrais présenter à la Chambre une observation qui n'est qu'une observation de forme. Je lui garantis que je ne veux pas toucher au fond de cette grave question seulement, je veux la mettre en présence de deux déclarations officielles, l'une émanant de l'honorable ministre de la guerre, l'autre émanant du ministre de l'intérieur.

Le premier de ces honorables ministres a dit et fait insérer au Journal officiel qu'il conférait et transportait au gouverneur de Paris, pour tout ce qui touchait la capitale, la plénitude des pouvoirs dont il avait été investi pour le reste de la France.

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Eh bien, ce qui nous préoccupe dans ce momentci, que M. le ministre de la guerre veuille bien croire à la sincérité de mon langage, ce n'est certainement pas de porter une atteinte quelconque à sa situation dominante, c'est de réaliser la promptitude qui ne nous semble pas atteinte dans l'armement de la ville de Paris. Par conséquent, ce que je lui demande et ce que notre proposition a pour but d'atteindre, ce n'est pas le moins du monde pour troubler la hiérarchie des pouvoirs, c'est simplement

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