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se trouvant dans les conditions nécessaires pour avoir le droit d'être armés.

Maintenant, je demande la permission de ne pas entrer dans des détails que je ne connais pas d'une manière absolue; si M. le Ministre de l'Intérieur était là, il répondrait, je le répète, d'une manière plus complète que je ne puis le faire. (Très bien! très bien!)

DISCOURS

SUR LA COMMUNICATION DE M. KELLER

RELATIVE AU

BOMBARDEMENT DE STRASBOURG ET A L'ÉTAT DE L'ALSACE

Prononcé le 31 août 1870

AU CORPS LÉGISLATIF

Une note insérée au Journal officielle 31 août s'expliquait ainsi sur la situation de Strasbourg : « Une personne sortie vendredi de Strasbourg dit qu'un quartier de la ville a beaucoup souffert, que les munitions et les vivres sont suffisants et que le désir de résistance est général. »

Cette note écourtée n'avait pas préparé la Chambre aux terribles révélations que M. Keller, député du HautRhin, vint lui apporter dans la séance du même jour, séance lamentable dont l'analyse doit trouver sa place ici, pour mettre une dernière fois en pleine lumière et la servilité du Corps législatif, et la criminelle indifférence du Cabinet pour tout ce qui n'intéressait pas directement le salut de la dynastie, et combien l'opposition avait raison quand elle venait, chaque jour, dénoncer le mauvais vouloir que mettait le Gouvernement à armer le pays, alors que dix départements étaient déjà la proie de l'invasion.

M. Keller avait commencé par retracer devant le Corps législatif le tableau sinistre de Strasbourg incendié, croulant en ruines, bombardé depuis huit jours pendant huit heures de suite, et la Chambre, dans un mouvement d'émotion et d'enthousiasme, avait déclaré par acclamation que l'héroïque population de la ville assiégée avait bien mé

rité de la patrie, qu'elle ne cesserait jamais d'être française. Ce mouvement devait rester isolé. Le député du Haut-Rhin continua sa eommunication.

M. KELLER. Ce n'est pas tout, Messieurs; j'ai maintenant à vous rapporter des faits qui sont relatifs aux pays environnant Strasbourg, et qui doivent être aussi connus de la Chambre. Peut-être voudraitil mieux communiquer ces faits et les discuter en comité secret... (Oui! oui! Non! non!)

Si la Chambre le désire, je demanderai le comité secret; sinon je parlerai en séance publique.

Sur divers bancs. Le comité secret!

Sur d'autres bancs. Non! non! Parlez !

M. GAMBETTA. Parlez en séance publique ! Il faut soulever dans toute la France un mouvement de douleur et de vengeance légitime. Pour cela, il ne faut pas de comité secret.

A gauche. -Parlez, monsieur Keller, parlez !

M. KELLER. Le département du Bas-Rhin tout entier, et la lisière même du département du HautRhin qui l'avoisine, sont, en ce moment, rançonnés non seulement par des troupes régulières, mais, chose triste à dire, par des paysans badois. Ces paysans, sans fusils ni uniformes, simplement armés de sabres, passent le Rhin et viennent lever des contributions dans nos villages. (Sensation.)

Voix à droite. Ils nous le payeront!

M. KELLER.

suite.

- Il faut qu'ils nous le payent tout de

M. BELMONTET. Oui, oui, ils le payeront tout de suite!

M. KELLER.

Vous me demanderez, Messieurs,

comment le fait est possible. Le fait est possible, parce que, jusqu'à présent, on n'a pas cessé de refuser des armes à notre population!....

A gauche. C'est cela! Voilà la vérité.

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Que le sang français retombe

sur la tête de ceux qui ont refusé d'armer les citoyens!

...

M. KELLER. à cette population militaire et patriotique, car, en Alsace, tout homme a été soldat. Eh bien, jusqu'à présent, je le répète, on lui a refusé des armes.

M. JULES FAVRE. C'est une trahison! Oui, c'est une trahison! il n'y a pas d'autres mots pour qualifier le refus d'armer les citoyens !

Le président Schneider engage M. Keller à attendre, pour continuer sa communication, l'arrivée des ministres compétents.

M. Keller continue : « En ce moment, c'est à la Chambre que je parle, et, tout à l'heure, je formulerai une proposition à l'occasion de laquelle elle pourra entendre les explications du Gouvernement...

« Il y a là, je l'atteste, un pays désarmé, exposé, non pas aux ravages d'une armée régulière, mais aux incursions de véritables brigands qui viennent, sans uniformes et sans fusils, rançonner le pays.

« Cet état de choses ne peut pas durer. Dans ce département, la population tout entière est prête à se lever comme un seul homme, si on le lui permet. Ce que je viens demander, c'est précisément qu'on le lui permette.

« Je vais, maintenant, formuler une proposition très simple et très courte, en mon nom et au nom de mes collègues du Haut-Rhin. Nous demandons à la Chambre de Dommer une commission, de manière à éviter un débat plus long ou public; cette commission entendra les explications du Gouvernement sur la situation du département du Haut-Rhin. Ensuite, nous vous demanderons, Messieurs, et ici, je vous en conjure, laissons de côté les questions constitutionnelles qui ne doivent pas vous préoccuper en ce moment,

nous vous demanderons que cette commission de la Chambre, d'accord avec le Gouvernement, nomme un commissaire extraordinaire qui ait les pouvoirs suffisants, pour aller, dans le Haut et le Bas-Rhin, parer aux difficultés de la situation et encourager les populations qui n'attendent qu'un signal.

« Notre pays n'attend que ce signal pour se lever. »

M. Brame, ministre de l'instruction publique, seul membre du Cabinet présent à la séance, répond à M. Keller : il s'oppose au vote de sa proposition en l'absence de M. de Palikao et demande le renvoi au lendemain! « Dans la cour de ce palais, lui crie M. Tachard, il y a des citoyens de Strasbourg qui vous supplient à genoux de ne pas perdre une minute pour la défense de la place. » M. Brame insiste pour le renvoi.

M. GAMBETTA.

Je demande la parole.

M. LE PRÉSIDENT SCHNEider.

M. Gambetta.

La parole est à

M. GAMBETTA. Messieurs, il me semble qu'il est parfaitement possible de mettre d'accord l'urgence de la proposition de l'honorable M. Keller, les droits de la Chambre, et, en même temps, la possibilité de faire appeler les ministres.

Pour arriver à cet accord, il me semble que la Chambre devrait, suivant une proposition ouverte il y a quelques instants par son honorable président, déclarer que la proposition lui présente un caractère d'urgence tel, que l'on se réunira dans les bureaux pour nommer une commission, laquelle commis

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M. GAMBETTA. Enfin, Messieurs, il s'agit de savoir si vous voulez gouverner et sauver la patrie!

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M. VENDRE. Nous sommes ici pour remplir loyalement notre mandat de députés, c'est-à-dire pour faire des lois; nous n'avons que ce pouvoir; en prendre un autre serait une usurpation!

A droite.

A gauche.

M. VENDRE.

C'est vrai! Très bien !

Il s'agit de sauver le pays!

Loin de sauver la patrie, vos propositions incessantes peuvent la compromettre. (Appro bation sur plusieurs bancs. — Réclamations à gauche.)

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