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SCENE I V.

OROSMANE, ZAYRE, FATIME
CORASMIN, NEʼRESTAN.

NERES TAN.

RESPECTABLE ennemi qu'eftiment les Chrétiens,

Je reviens dégager mes fermens & les tiens;
J'ai fatisfait à tout, c'est à toi d'y fouferire;
Je te fais apporter la rançon de Zaïre,
Et celle de Fatime, & de dix Chevaliers,
Dans les murs de Solyme illuftres prifonniers.
Leur liberté par moi trop long-tems retardée,
Quand je reparaîtrois leur dût être accordée ;
Sultan, tien ta parole, ils ne font plus à toi,
Et dès ce moment même ils font libres par moi.
Mais, graces à mes foins, quand leur chaîne eft brifée,
A t'en païer le prix ma fortune épuisée,

Je ne le céle pas, m'ôte l'efpoir heureux
De faire ici pour moi ce que je fais pour eux.
Une pauvreté noble est tout ce qui me reste,
J'arrache des Chrétiens à leur prifon funefte,
Je remplis mes fermens, mon honneur,
Il me fuffit. Je viens me mettre en ton pouvoir,
Je me rends prifonnier, & demeure en ôtage.

mon devoir

OROSMANE.

OROSMAN E.

Chrétien, je fuis content de ton noble courage,

Mais ton orgueil ici fe feroit-il flatté
D'effacer Orofmane en générofité ?

Reprend ta liberté, remporte tes richesses,
A l'or de ces rançons join mes justes largesses.
Au lieu de dix Chrétiens que je dus t'accorder,
Je t'en veux donner cent tu peux les demander.
Qu'ils aillent fur tes pas apprendre à ta Patrie,
Qu'il eft quelques vertus au fond de la Syrie;
Qu'ils jugent en partant, qui méritoit le mieux,
Des Français, ou de moi, l'Empire de ces lieux ?
Mais parmi ces Chrétiens que ma bonté délivre,
Lufignan ne fut point réfervé pour te fuivre ;
De ceux qu'on peut te rendre il est seul excepté,
Son nom feroit fufpect à mon autorité;

Il est du fang Français qui régnoit à Solyme,

On fait fon droit au Trône, & ce droit eftun crime.
Du deftin qui fait tout, tel eft l'arrêt cruel.
Si j'euffe été vaincu je ferois criminel.
Lufignan, dans les fers, finirá la carriére,
Et jamais du Soleil ne verra la lumiére.
Je le plains; mais pardonne à la nécessité;
Ce refte de vengeance & de févérité ;

Pour Zaïre, croi-moi, fans que ton cœur s'offense,
Elle n'est pas d'un prix qui soit en ta puissance;
Tes Chevaliers Français, & tous leurs Souverains
S'uniroient vainement pour l'ôter de mes mains.
Tu peux partir.

Tome .

E

NEREST A N.

Qu'entens-je ? Elle nâquit Chrétienne?

J'ai pour la délivrer, ta parole & la fienne ;-
Et quant à Lufignan, ce Vieillard malheureux,
Pourroit-il? ...

ORO SMA NE.

Je t'ai dit, Chrétien, que je le veux. J'honore ta vertu; mais cette humeur altiére Se faifant eftimer commence à me déplaire; Sors, & que le Soleil levé fur mes Etats Demain près du Jourdain ne te retrouve pas.

Néreftan fort.

FATIM E.

O Dieu, fecourez-nous!

OROS MANE.

Et vous, allez, Zaïre,

Prenez dans le Sérail un Souverain empire;
Commandez en Sultane, & je vais ordonner
La pompe d'un hymen qui vous doit couronner.

SCENE V.

OROSMANE, CORASMIN.

OROS MANE.

CORASMIN, que veut donc cet esclavé infidelet

Il foupiroit... ses yeux fe font tournés vers elle.

Les as-tu remarqués ?

CORAS MIN.

Que dites-vous, Seigneur?

De ce foupçon jaloux écoutez-vous l'erreur ?

OROSMAN E.

Moi, jaloux! qu'à ce point ma fierté s'aviliffe?
Que j'éprouve l'horreur de ce honteux fupplice
Moi, que je puisse aimer comme l'on fait haïr!
Quiconque eft foupçonneux invite à le trahir.
Je vois à l'amour feul ma maîtreffe affervie,
Cher Corafmin, je l'aime avec idolâtrie,
Mon amour eft plus fort, plus grand que mes bien
faits,

Je ne fuis point jaloux... si je l'étois jamais....
Si mon cœur... Ah! chaffons cette importune idée.
D'un plaifir pur & doux mon amc eft poflédée.

Va, fais tout préparer pour ces momens heureux

Qui vont joindre ma vie à l'objet de mes vœux :
Je vais donner une heure aux foins de mon Empir
Et le refte du jour sera tout à Zaïre.

Fin du premier Acte,

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