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créditait une école philosophique nouvelle, l'école qui a eu pour illustres représentants, MM. Royer-Collard, Guizot, de Broglie, Cousin, de Rémusat. Cette école s'occupa beaucoup du Droit de punir; elle subordonna ce Droit à quatre conditions:

1° Que le fait incriminé fût contraire à la loi morale; 2° Qu'il fût contraire à l'ordre social;

3° Que la peine ne dépassât jamais le degré d'expiation qu'exigeait la loi morale;

4° Qu'elle n'atteignît pas même ce maximum, si l'intérêt social ne l'exigeait pas.

A ces quatre conditions, suivant la nouvelle école, le pouvoir social était dépositaire et mandataire de la justice de Dieu. Ce sont les idées de Bentham et de Kant se limitant, qui forment le fond de cette théorie. M. Rossi en a été le brillant et quelquefois l'éloquent vulgarisateur.

La Révolution de juillet amena cette école au pouvoir, et ce sont ces principes qu'elle a essayé de réaliser dans la réforme du 28 avril 1832.

Je n'essaierai pas de dire quelles idées ont animé les monuments successifs du Droit pénal depuis 1848. -Ces idées ont été très diverses et peut être un peu mêlées. Elles appartiennent à un temps trop voisin de nous; elles sont trop liées au présent pour tenter leur appréciation.

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Ce que je puis, ce que je dois apprécier, au point de vue philosophique, se sont les principes qui ont successivement dominé le système pénal français jusqu'à la Révolution de 1848: à l'idée de vengeance in

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dividuelle a succédé l'idée de vengeance publique;l'idée de vengeance publique s'est fortifiée ou aggravée par la pensée de vengeance divine; eufin, l'exemplarité du châtiment et l'intimidation qu'il produit ont été comme une égide dont la société a cru avoir besoin pour se sauvegarder.

La fiction du contrat social ébranle, puis enfin renverse les vieilles bases de la pénalité. La pénalité est la condition de l'assurance mutuelle. Le matérialisme prévaut dans le Droit pénal, comme partout. Il produit une théorie qui demande à l'utilité du plus grand nombre la justification du châtiment social.-Le spiritualisme réagit; il se traduit et s'exagère dans le système de justice absolue; la peine est une dette envers cette justice. La réaction irait presque jusqu'à faire revivre l'idée de vengeance divine. Deux tentatives sont faites pour concilier le principe de l'utilité sociale et le principe de la justice morale. - Chacune de ces tentatives de conciliation a une part d'influence; la dernière surtout, celle qui se relie à la philosophie éclectique, devient prépondérante.

Voilà les idées au mouvement desquelles j'ai essayé de vous faire assister.

Sans doute l'histoire de ces idées, de leur action, c'est le plus sûr, c'est le meilleur des jugements; mais je n'ai fait ni pu faire leur histoire à proprement parler. Je ne vous ai présenté que quelques aperçus historiques; je ne me suis attaché qu'aux conséquences générales, je ne les ai pas suivies dans leurs développements,

L'appréciation philosophique, c'est-à-dire l'appréciation au point de vue rationnel et juridique de chacune des idées qui ont servi de base au Droit de punir, c'est le complément indispensable de mes prolégomènes.

Les principes qui servent de fondement aux lois pénales ne sont pas, en effet, des abstractions stériles; si leur étude n'était utile qu'au législateur je pourrais la négliger; mais elle est d'un grand secours pour l'interprète, et, sur un grand nombre de questions pratiques, de questions controversées, c'est à ces théories pour lesquelles une école qui croit que toute la science est dans les textes professe tant de dédains, que je demanderai souvent des solutions.

Cette étude critique des diverses théories du Droit de punir fera l'objet de ma prochaine leçon.

SIXIÈME LEÇON.

SUITE DES PROLEGOMÈNES.-Appréciation philosophique des divers principes assignés à la pénalité.—Pensée de vengeance individuelle, sociale ou divinc.- Exemplarité et intimidation.—Contrat social. - Deux théories produites par le principe du Contrat social. - L'une adoptée par les philosophes, l'autre par les jurisconsultes.— Utilité du plus grand nombre affranchie de toute loi supérieure. Droit de defensé appartenant à la société de son chef et en dehors de toute convention.

absolue.

tique.

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Justice morale limitée par l'utilité sociale.

· Justice morale

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Ecole éclecpas être cher

- Objections: le principe de la pénalité ne doit ché en dehors de la société. Il est une conséquence du droit de souveraineté inhérent à l'idée de la société.

MESSIEURS,

Je vous ai dit que l'étude des principes sur lesquels peut se fonder le Droit de punir, n'est pas seulement une étude d'homme politique et de législateur, que c'est encore une étude de légiste, une étude indispensable à l'intelligence des textes, à leur saine application.

Je ne vous ferai pas longtemps attendre mes preuves.—J'entamerai dans ma prochaine leçon l'ex

plication du Code pénal, et immédiatement je demanderai à la théorie que je vais aujourd'hui essayer de justifier, des moyens d'interprétation; aux théories que je vais combattre, des objections contre leurs solutions.

Six principes sont à examiner :-Le principe de la vengeance, qu'elle soit individuelle, sociale ou divine; le principe de l'intimidation; le principe du contrat social, avec les deux systèmes qui en sont l'expression; le principe de l'utilité du plus grand nombre; le principe de la défense appartenant à la société de son chef et indépendamment de toute convention; le principe de la justice absolue et enfin le principe de la justice limitée par l'utilité sociale.

Je puis être très bref sur le principe de la vengeance, si tant est qu'on puisse appeler l'idée de vengeance, qu'elle soit ou ne soit pas individuelle, un principe.

Un seul mot d'abord de la vengeance individuelle qui se présente la première dans l'ordre chronologique :

Si l'individu ne peut se faire justice à lui-même, parce que la justice dont il serait l'intermédiaire serait indépendamment de lui, trop personnelle, c'est-à-dire trop partiale, trop passionnée et qu'elle cesserait d'être, de la justice, à plus forte raison, ne peut-il exercer une justice individuelle qui ne se présente pas comme une justice, mais qui s'annonce comme une vengeance. Il n'y a pas, d'ailleurs, de société véritable avec les luttes brutales, les conflits san

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