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sociale serait convaincue d'impuissance, c'est-à-dire ne serait plus une loi, un lien coercitif.

En un mot, la pénalité est de l'essence de la souveraineté ; la pénalité sociale est socialement aussi juste que la pénalité morale.

L'agent avait la liberté et le devoir de se conformer à la loi sociale; s'il a commis un mal social en s'écartant de cette loi, il y a démérite social, et partant, prise au châtiment. La justice de la peine sociale est surtout dans la justice de la loi.

A notre sens, ce qui prédomine dans la peine, c'est le respect et le salut de la loi; si la loi est légitime, la peine qui frappe son infracteur est ellemême légitime, à cette seule condition, qu'elle ne dépasse pas le degré de sévérité qu'exigent l'efficacité et l'importance de la loi. Je ne mesure pas l'étendue de la pénalité sur le danger et les chances de retour des crimes que la loi frappe, je la mesure sur le caractère du commandement à sanctionner et sur le besoin d'assurer son autorité; y eût-il certitude que l'infraction commise ne pourrait se renouveler dans l'avenir, que je ne dirais pas, avec M. Target, que le coupable a droit à l'impunité.

En un mot, la peine doit être conforme à la justice, mais à la justice sociale; la considération des avantages qui résultent de l'application de la pénalité, comme effet préventif pour l'avenir, ne doit être que secondaire; elle n'est pas un hut, c'est une conséquence heureuse, dont la poursuite d'un autre but amène la réalisation : c'est là une seconde différence

qui sépare le système que je vous propose, du système du Droit de défense, appartenant à la société de son chef.

Aussi, pour moi, le pouvoir social qui édicte les peines et qui les fait appliquer est un supérieur, un juge impartial, et non pas une partie qui, de l'agent qu'elle frappe, fait un instrument pour se défendre, par anticipation, des ennemis à venir.

Je me sépare de l'école éclectique, en ce que je ne fais pas du pouvoir social le mandataire et le délégué de la justice éternelle. Je ne le charge pas, avec M. de Broglie, d'avancer, même dans la limite de l'intérêt social, le règne de Dieu sur la terre.

Pour moi, le pouvoir social, en punissant, ne représente que la société et n'use que de la répression sociale. Pour l'école éclectique, le maximum de la pénalité, c'est la mesure d'expiation que pourrait réclamer la loi morale; mais la société doit rceter en deça de ce maximum, si l'intérêt social n'exige pas ce degré de répression; je réponds: Comment le pouvoir humain pourrait-il déterminer la mesure d'une expiation dont il ne sait pas même la nature? Quelle serait d'ailleurs sa base pour la punition des infractions aux dispositions de la loi sociale, qui, sans être contraires à la loi morale, n'ont pas leur type dans cette loi ?

Il semble que, pour être logique, l'école éclectique devrait demander le rétablissement des peines arbitraires; qu'elle devrait investir le juge du pouvoir discrétionnaire de les élever ou de les abaisser, sans limites aucunes, suivant le degré de mal que l'agent

s'est fait à lui-même en commettant le mal social. Cet appel spécial, pour chaque cas spécial, aux inspirations de la conscience, serait le seul moyen, non pas de deviner les secrets de la justice divine, mais de tenir compte. d'après les règles de l'appréciation humaine, de toutes les épreuves expiatoires qu'aurait pu subir le coupable en dehors de l'action sociale. Le pouvoir de tempérer les peines par l'admission de circonstances atténuantes, devrait être insuffisant aux yeux de cette école.

Dans ma pensée, les peines doivent être édictées d'après la nature des infractions, c'est-à-dire d'après la nature des prescriptions. Seulement, comme le caractère social de ces infractions peut revêtir bien des nuances, suivant l'état intellectuel, le degré de liberté, les causes impulsives de l'agent, en un mot suivant les circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi le fait, il faut laisser au juge une certaine latitude pour qu'il puisse faire la part des considérations individuelles, et qu'il ait le pouvoir de faire fléchir ce qu'auraient de trop absolu les appréciations anticipées de la justice sociale.

Le système pour lequel le Droit de punir n'est que le Droit de défense sociale qui mesure, lui, la pénalité, non pas sur la perversité de l'agent, non pas même sur la perversité de l'acte, mais sur le danger de la société, doit logiquement appliquer à toutes les infractions qui ont le même caractère intrinsèque une peine égale; il doit enchaîner la liberté et la conscience du juge, le déshériter de tout pouvoir discré

tionnaire, remplacer le maximum et le minimum par la même et inflexible mesure de châtiment. C'était ce qu'avait compris et consacré la logique de la Constituante (1).

(1) Voir, pour les développements, mon Etude sur le Droit de punir, 1850.

SEPTIÈME LEÇON.

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EXPLICATION DES TEXTES DU CODE PÉNAL.— Définitions de l'Infraction.
Ses divisions. Critique de MM. Rossi, Lerminier, Boitard. Ré-
ponse. Empire de la Loi pénale comme Loi territoriale. Pourquoi
la Loi pénale est applicable à l'étranger en France? — Rejet d'un motif
de M. Portalis et de M. Faustin-Hélie, - Rejet d'un motif de M. Mangin.
-La Loi pénale n'a-t-elle pas un caractère personnel? Droit philoso-
phique.-Précédents législatifs et doctrinaux.-Art. 5 et 7 du Code d'ins-
truction criminelle. — Importance de la question de principe. La Loi
pénale française peut-elle atteindre les faits de l'étranger à l'étranger ?—
Droit philosophique.-Précédents.-Art. 5 du Code d'instruction crimi-
nelle.-Discussion au conseil d'État. Ses conséquences. -Portée du prin-
cipe de la territorialité de la Loi pénale.-Exceptions à ce principe.

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MESSIEURS,

Je vous ai dit que toute loi pénale se composait essentiellement de deux parties, d'une loi de fond et d'une loi de procédure, que la loi de fond a pour objet de déterminer les faits punissables et les pénalités applicables; — que la loi de procédure, 1° organise des institutions chargées de découvrir et constater les infractions, d'en rechercher, saisir et convaincre les auteurs, de prononcer et faire exécuter les peines; -2° détermine le mode d'action

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