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Vainement objecterait-on le droit acquis à l'agent contre la poursuite ou contre l'exécution de la condamnation.

De Droit acquis, il ne saurait y en avoir, tant que la prescription n'est pas accomplie, et, c'est avant son accomplissement, que la loi édicte des conditions nouvelles.

Vainement encore objecterait-on que, dans ce système, le ministère public peut être désarmé, par une loi nouvelle, de son droit d'action, au moment où il devrait compter qu'il avait encore un long temps pour l'exercer. En effet, cette objection ne peut s'adresser qu'à la loi qui abrège la prescription.-Elle n'est pas faite dans l'intérêt du prescrivant, mais dans l'intérêt contre lequel on prescrit. Eh bien, cette objection s'applique au troisième système comme au quatrième, puisque le troisième système s'attache à celle des deux prescriptions qui est la plus favorable au prévenu ou au condamné.--Or, l'objection n'a pas arrêté la Cour de cassation; elle n'a pas arrêté M. Merlin. C'est que l'intérêt social ne varie pas avec la date des infractions ou des condamnations, que cette date soit antérieure ou postérieure à la loi nouvelle.

Je comprends très bien que les théories qui voient dans la prescription une protection pour le prévenu ou pour le condamné, qui ne se préoccupent que de l'intérêt individuel, optent pour celle des deux lois qui fait à l'infraction et à l'infracteur la meilleure situation.

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Le principe qui régit la prescription en matière pénale est donc, suivant nous, absolument contraire au principe suivi dans l'art. 2281 pour les matières civiles. De ce conflit de principes peut naître une difficulté pour la prescription de l'action civile naissant de l'infraction. Elle naît dans le système qui professe que l'action civile, même devant la juridiction civile, ne survit pas à la prescription de l'action publique.

Il est bien évident que si la durée de la prescription ne changeait que par suite de la transformation du caractère de l'infraction, en vertu d'une loi nouvelle, parce que, par exemple, ce qui n'était qu'un délit serait devenu un crime, la position du prévenu on du condamné ne serait pas aggravée (Cassation, 25 novembre 1830, Sir.31-1-392).

NOTE POUR LA PAGE 176.

Ce principe que la loi nouvelle rétroagit quand elle profite aux accusés, est écrit dans le Code pénal du 25 septembre 1791, II part., tit. III, art. 4, § 2 et 3;

Dans la loi du 25 frimaire an VIII, art. 18 et 19;

Dans un avis du Conseil d'Etat du 29 prairial an VIII;

Dans un Décret du 23 juillet 1810, art. 6;

Enfin il a été consacré par de nombreux arrêts.

NEUVIÈME LEÇON.

DE L'INFRACTION.-Pensée de l'infraction.-Consommation de l'infraction. -Degrés intermédiaires. — Droit philosophique. — Art. 2 et 3 du Code pénal.-Précédents historiques.

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Confusion entre le crime tenté et le crime manqué.-Objection: cinq questions: 1o la résolution criminelle manifestée par des actes extérieurs, mais inoffensive dès son principe, soit par l'impuissance intrinsèque du moyen, soit par l'impossibilité du but, est-elle punissable comme la tentative ou comme le crime consommé subjectivé, qui n'a manqué son effet que par une circonstance extrinsèque, indépendante de la volonté de l'agent et autre que l'inefficacité absolue du moyen ou le défaut d'objet ? — Hypothèses diverses de M. Rossi et de M. Rauter. 2o Peut-on a priori et en pur droit, différencier les actes simplement préparatoires et les actes qui constituent le commencement d'exécution auquel la loi subordonne la criminalité de la tentative ? Hypothèses diverses de MM. Rossi, Rauter, Faustin-Hélie et Chauveau. - Discussion. -3° La tentative cesse-t-elle d'être punissable quand l'agent la suspend, dans la crainte d'être surpris, ou sous la crainte d'une dénonciation ?-4° A quels caractères est subordonnée la tentative, quand, par exception, elle est punissable en matière de délits ?-5° La loi pénale ne punit-elle pas quelquefois, par exception, les actes préparatoires?

MESSIEURS,

Vous savez quelle est l'étendue de l'empire de la loi pénale sous le rapport du lieu, sous le rapport des personnes, sous le rapport du temps.

La pénalité est la sanction du commandement violé.

Dans quels cas le commandement sera-t-il réputé violé ?

Quelles sont les conditions intrinsèques de l'infraction ?

Pour que le commandement soit réputé enfreint, faut-il que le fait qu'il avait pour but d'empêcher soit réalisé et que le préjudice qu'il voulait prévenir soit accompli, ou suffit-il qu'il y ait constatation de la pensée de violer la loi?

Entre la pensée de violer la loi et l'accomplissement du but final de l'agent, il y a une grande distance et bien des degrés intermédiaires.

Je constate d'abord le point de départ, les degrés intermédiaires et le point d'arrivée.

1° Pensée de violer la loi;

2o Résolution arrêtée de violer la loi ;

3° Acte préparatoire de la violation de la loi ;

4° Commencement d'exécution de la violation de la loi suspendu par la volonté de l'agent ;

5 Commencement d'exécution de la violation de la loi, paralysé par une circonstance fortuite, par un événement étranger à la volonté de l'agent;

6° Violation de la loi, mais sans que le préjudice que cette loi avait pour but de prévenir soit réalisé ; 7° Violation de la loi et réalisation du préjudice que cette loi avait pour objet de prévenir.

1o La pensée de violer la loi est à l'abri de la répres

sion du pouvoir social: Cogitationis poenam nemo patitur, a dit Ulpien (1).

Est-ce, comme on l'a trop dit (2), parce que le pouvoir social est impuissant à constater l'existence de la pensée tant qu'elle est réduite à l'état de pensée ? Non, ce n'est pas parce que la pensée échappe le plus souvent à l'oeil humain qu'elle n'est pas socialement punissable.

Si ce système généralement professé était vrai, lorsque la pensée de l'infraction serait susceptible de constatation parce que, par exemple, elle aurait été écrite dans des notes qui auraient été saisies sur l'agent, elle pourrait donc être passible d'une pénalité.

La pensée est impunissable par d'autres raisons: 1° parce qu'elle n'est pas toujours imputable à l'agent, que la pensée qui traverse l'esprit peut bien sans doute être combattue; mais qu'il n'est pas toujours loisible de la fuir ou de l'expulser; 2° parce que la pensée qui reste à état de pensée, fût-elle consentie et caressée, ne trouble pas assez profondément la société pour réclamer une expiation sociale.

2o La volonté, la résolution de violer la loi quand elle s'est trahie et révélée, a déjà quelque chose qui légitimerait plus l'exercice du pouvoir répressif: d'une part la résolution implique l'exercice de la

(1) Loi 18 Digest de pænis.

(2) Boitard, no 44.-Rauter, no 97.-Chauveau et FaustinHélie, chap. x, page 375.

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