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tout ce qui dépendait de lui était accompli; seulement le but final n'était pas atteint. Je pense donc, au moins dans le cas de duel au pistolet, que la peine devait être appliquée aussi bien à celui qui avait reçu la blessure qu'à celui qui l'avait faite.- Dans la seconde espèce si l'on décidait que le but final n'était qu'une blessure, la loi subordonnant elle-même l'existence et le caractère de l'infraction au résultat, le blessé devait-être affranchi de toute responsabilité.

TROISIÈME QUESTION. Le désistement volontaire de l'agent, qui revient sur ses pas et laisse son œuvre interrompue, écarte la responsabilité pénale. Il n'est pas nécessaire que la volonté soit pure dans ses motifs, qu'il y ait remords, trouble ou hésitation de conscience au moins. La crainte du châtiment, l'inspiration de la peur, ne vicient pas, au point de vue social, la détermination qui recule devant la consommation du crime; la menace d'une dénonciation n'est même considérée que comme un mobile pour l'agent, que comme une excitation à user de sa liberté en un certain sens; on ne la regarde pas comme une contrainte, comme la cause étrangère qui a empêché la réalisation complète de l'infraction; le désistement n'est pas moins volontaire, M. Rauter en fait la remarque, parce qu'il a été provoqué, motivé par des raisons d'un plus ou moins grand poids (1).

Il ne faut cependant rien exagérer : si l'agent était,

(1) No 104, in fine.

pendant qu'il consommait l'infraction, tout à coup surpris et mis en présence d'une force dont il n'eût pu avoir l'espérance raisonnable de triompher, pour achever le crime, on devrait dire qu'il y a eu non pas un désistement, mais une interruption imposée, non point un acte de liberté, mais un fait de force majeure. Il y a encore là une question de fait qui domine le Droit.

QUATRIÈME QUESTION. Lorsque les tentatives de délits sont punissables, sont-elles régies par l'art. 2 du Code pénal? La répression ne peut-elle les atteindre qu'autant qu'elles ont eu un commencement d'exécution et n'ont pas été interrompues par la volonté de l'agent?

L'affirmative semble évidente; cependant des arrêts de la Cour de Cassation l'ont contredite; la doctrine est unanime, sur ce point, pour maintenir les principes.

Pourquoi, en thèse générale, les tentatives de délit sont-elles affranchies de pénalité? C'est, dit le rapport fait au nom de la commission du pouvoir législatif, parce que l'exécution des délits peut très bien avoir été préparée et commencée par des circonstances et des démarches qui en elles-mêmes n'ont rien de repréhensible, et dont l'objet n'est bien connu que lorsque le délit est consommé. Si, en matière de délits, le commencement d'exécution est, en général, trop équivoque pour autoriser la punition de la tentative, comment, quand par exception,

la loi punit la tentative, c'est-à-dire croit que les actes d'exécution seront assez caractérisés pour prévenir l'erreur sur leur signification, n'exigerait-elle pas le témoignage de ces actes extérieurs qui métamorphosent la résolution en infraction? Comment la loi serait-elle plus sévère pour les délits que pour les crimes (1) ?

La loi n'atteint-elle pas

CINQUIÈME QUESTION. quelquefois et par exception, des faits qui ne sont pas un commencement d'exécution, qui ne constituent pas une tentative? L'art. 89 du Code pénal punit la proposition de complot, même non agréée; il punit donc la résolution quand elle s'est constatée ellemême en essayant de se faire partager. Il punit, à plus forte raison, la résolution arrêtée et concertée entre plusieurs, de commettre l'attentat prévu par les art. 86 et 87 (2), et, si le complot a été suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, la peine est aggravée.

L'acte préparatoire, et même la tentative de l'acte préparatoire tombent sous la répression.

Voilà des exceptions que l'intérêt de la sécurité sociale, inséparable de la sécurité du pouvoir, justifie.

(1) Sic MM. Chauveau et Hélie, tome Ier, p. 411. — Achille Morin, Répertoire, Vo Tentative, no 12.

(2) Voir loi du 10 juin 1853.

Le plus souvent, quand la loi veut atteindre un acte préparatoire, elle fait de cet acte l'objet d'une incrimination spéciale; elle le punit comme infraction sui generis.

Est-ce un acte préparatoire que notre Code pénal frappe ainsi, à l'aide d'une incrimination exceptionnelle, dans les art. 132, 147 et 150, quand il punit la fabrication de monnaies fausses et le faux en écriture authentique ou privée ? Le véritable crime n'est-il que dans l'usage de la monnaie et de la pièce fausses?

Oui, ont dit de savants criminalistes (1).

Comment donc ! Est-ce que le fait duquel résulte la possibilité du préjudice n'est pas consommé? Est-ce qu'il y a certitude que la monnaie et la pièce fausses ne serviront qu'autant que l'infracteur ne se désisterait pas de son acte criminel et n'en abandonnerait point le profit? Non, le faussaire peut mourir, et son héritier, dans l'ignorance du crime, en parfaite bonne foi, mettrait peut-être en circulation les monnaies contrefaites ou se prévaudrait de l'acte faux. Le faux et l'usage du faux sont deux crimes distincts. Si le faux n'était que l'acte préparatoire de l'usage du faux, il n'offrirait, considéré isolément, et abstraction faite de son but, aucune chance de danger à la société. Ce qui caractérise, en effet, l'acte préparatoire, c'est qu'il ne devient dangereux que par l'ac

(1) MM. Chauveau et Faustin-Hélie, Théorie du Code pénal, tome Ier, p. 404, 2e édition.

complissement de l'œuvre coupable vers laquelle il est un acheminement.

Je ne vous entretiens pas des exceptions que reçoivent les art. 2 et 3 du Code pénal, parce que je dois me borner à l'explication des principes généraux (1).

(1) Voir, en sens contraire de l'arrêt cité page 218, un arrêt d'Agen, du 8 décembre 1849.-Journ. du Pal., 1852-1-657.

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