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Mais la religion, une fois admise, commande plutôt qu'elle ne cherche à convaincre. Sans doute, la religion, sans que nous nous en rendions toujours compte, exerce une influence considérable sur l'idée que nous nous formons de la loi morale, parce que la religion a contribué à développer, à fortifier, à mûrir notre raison, la raison de nos maîtres, de nos devanciers, et qu'en un mot, elle est au fond de l'éducation que nous recevons de tout ce qui nous en

toure.

Quoi qu'il en soit, l'idée de la religion et l'idée de la loi morale sont, non pas deux idées indépendantes, mais deux idées distinctes (1).

Eh bien! le Droit pénal est la sanction sociale, non pas de la religion, non pas même de toute la loi morale, mais de la partie de la loi morale socialement exigible, c'est-à-dire du Droit.-Comment étudier le moyen sanctionnateur, sans se rendre un compte exact de la règle sanctionnée ? Le Droit criminel, a dit Rousseau, est moins une espèce particulière de Droit qu'une de ses faces (2).

(1) Voir Somme Théologique de Saint-Thomas, question 91, art. 1, 2, 4 et 5 (Tome III, p. 386 de la trad. Drioux) sur la distinction entre la loi naturelle et la loi divine.

(2) Contrat social, liv. II, chap. XII.

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DEUXIÈME LEÇON.

SUITE DES PROLEGOMÈNES.

périodes.

QUESTIONS HISTORIQUES. · Division en cinq

1° Sources du Droit pénal du Ve au XIe siècle: Elément germanique. - Loi salique.-Loi des Ripuaires. Loi des Burgondes.-Lex salica emendata. -Capitulaires.

Élément romain: Breviarium Aniani; Papiani Responsa; Controverse quant aux compilations de Justinien. - Droit canon Codex canonum Ecclesiæ universæ; Corpus canonum ou Codex vetus Ecclesiæ Romanæ ; Fausses décrétales.

2° Caractère de la loi pénale: Etait-elle territoriale ou personnelle ?—Etaitce la loi d'origine de l'offensé ou de l'offenseur qui était appliquée ?—Principe de la pénalité.-Des guerres privées.-Des limites successives apportées au droit de vengeance individuelle.-Des Compositions. - Du Wehrgeld et du Fred.-Régularisation, mais non suppression du droit de vengeance.-Preuves.

MESSIEURS,

Quelles ont été les sources de la Législation pénale en France?

Quels ont été les principes, quelles ont été les idées qui ont animé ces sources ?

Voilà les deux questions historiques de nos prolégomènes.

Ces deux questions embrassent une période de quatorze siècles, c'est-à-dire l'histoire de monuments bien divers, de nombreuses vicissitudes, de grandes transformations.

Ne pas diviser ce long travail de tant de siècles, ce serait se condamner à la confusion.

Je diviserai les quatorze siècles, objet de notre étude, en cinq périodes inégales, et j'examinerai nos deux questions dans chacune de ces périodes.

Première période : du V au XI' siècle.-Je l'appellerai la période Germanique.

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Deuxième période du XI° au XIII' siècle. C'est la période Féodale.

Troisième période : du XIII au XVI° siècle.-C'est la période de transition et de rénovation, je serais presque tenté de l'appeler la première période Française.

Quatrième période du XVI° siècle jusqu'en 1789. -C'est la période Royale par excellence, la période des Ordonnances.

Cinquième période de 1789 jusqu'à nos jours.

Aujourd'hui j'examine :

1° Quelles ont été les sources de la Législation pénale en France du V° au XIe siècle ?

2° Quels ont été les principes, quelles ont été les idées qui ont animé ces sources ?

I.—Quelles sont les sources de notre Droit pénal du V au XI° siècle, c'est-à-dire pendant les périodes

mérovingienne et carlovingienne dont je, ne fais qu'une seule période ?

Pour bien vous faire suivre les détails que j'ai à vous donner sur les monuments législatifs de cette période, je dois vous rappeler brièvement certaines notions historiques.

Vous savez tous qu'au V° siècle le territoire, qui est devenu depuis, la France, était occupé, non par une population une, homogène, mais par des races très diverses d'origine, dont chacune a apporté son contingent à l'œuvre si lente et si laborieuse de notre nationalité; aucun de vous n'ignore qu'avant l'ère chrétienne la Gaule qui comprenait déjà trois races distinctes, les Belges au Nord, les Celtes au Centre, les Aquitains au Midi, avait été conquise par les Romains et était restée, malgré de nombreuses tentatives de soulèvement, sous leur domination jusqu'à l'époque des invasions germaniques.

Avant l'établissement territorial des Francs la domination romaine avait été refoulée, moins par la force des armes que par l'effet de négociations; elle avait fait place, au sud de la Loire, au royaume des Visigoths; à l'est au royaume des Burgondes, c'està-dire à des tribus germaniques, mais converties au christianisme.

Précédée d'incursions rapides qui s'étaient fré-quemment renouvelées depuis le IIIe siècle, d'incursions sans lien entre elles, qui n'annonçaient qu'une pensée de pillage et non une pensée de conquête, l'invasion des Francs Saliens eut sans doute un caractère

de violence que n'avait pas eu l'occupation des Visigoths et des Burgondes. Toutefois, cette invasion n'eut ni pour résultat ni pour objet de détruire radicalement, brutalement la société gallo-romaine tout entière, et d'implanter une organisation et des institutions absolument nouvelles. La conquête se fit, non d'un seul coup, mais graduellement, et si elle causa beaucoup de ravages et de dévastations, elle ne se proposa pas pour but l'extermination des vaincus. Aussi les conquérants s'exposèrent-ils à se laisser, sinon vaincre, au moins puissamment modifier par les idées, les mœurs, la foi religieuse et la supériorité de civilisation des populations conquises.

Les Francs Ripuaires, c'est-à-dire les Francs des bords de la Meuse, de la Moselle et du Rhin firent-ils au VIIIe siècle comme une seconde invasion, conquirent-ils les Francs Saliens et formèrent-ils comme une seconde couche germanique, sur la première couche qui s'était laissé trop imprégner de l'élément romain? M. Guizot dit oui, dans ses Essais sur l'histoire de France (1); M. de Chateaubriand dit non, dans sa préface des Études historiques (2). Quoi qu'il en soit, que les Francs Ripuaires aient seulement vécu à côté des Francs Saliens, ou qu'ils aient réussi à se superposer à eux, nous constatons la présence d'un élément de plus auquel va correspondre un élément législatif.

(1) Troisième Essai, p. 49 et suiv.
(2) Préface, p. 67, édit. Pourrat, 1834.

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