Images de page
PDF
ePub

besoin d'être prononcées, qui ne s'écrivent pas, qui ne doivent pas même s'écrire dans la condamnation, mais qui sont attachées, comme conséquence implicite, comme une sorte d'appendice, soit à l'exécution de certaines peines principales, soit à l'irrévocabilité de ces peines.

Les peines accessoires, en matière criminelle, sont au nombre de quatre la mort civile, la dégradation civique, l'interdiction légale et le renvoi sous la surveillance de la haute police :

1° La mort civile est un legs du Droit romain. Sous notre ancien Droit, la mort civile pouvait résulter de trois causes: 1° de la profession religieuse dans un ordre approuvé par les lois du royaume; 2° de l'expatriation; 3° de certaines condamnations judiciaires à des peines perpétuelles (Ordonnance de 1670, titre XVII, art. 29; ordonnance d'août 1747, titre Io, art. 24).

[ocr errors]

La mort civile, par suite de la première cause, n'a pas survécu au décret du 13-19 février 1790; la mort civile, par suite de la seconde cause, a été appliquée aux émigrés par le décret du 28 mars 1793. Ce n'était pas une peine accessoire, c'était une peine principale. A partir de la loi du 4 nivôse an VIII, l'expatriation a cessé d'entraîner la mort civile.

La mort civile a-t-elle été maintenue par la législation intermédiaire, par le Code pénal du 25 septembre 1791 et par le Code du 3 brumaire an IV, comme conséquence tacitement attachée aux condamnations à des peines perpétuelles?

La Cour de cassation, le 2 avril 1844 (1) a jugé que la condamnation à la mort naturelle entraînait la mort civile. Le Code de 1791 et le Code de l'an IV ne prononçaient pas d'autres peines perpétuelles que la

mort.

La question semble, au premier aspect, bien peu digne d'intérêt; qu'importe que la fiction s'ajoute à ́la réalité, que la mort civile accompagne la mort naturelle ?

Cela importe beaucoup, car de la solution de la question dépend le sort du testament du condamné.

La mort civile n'est pas, a-t-on dit, une peine isolée et indépendante; en maintenant la mort naturelle, on a maintenu tacitement la mort civile qui en était la suite. Elle a survécu par cela seul qu'elle n'a pas été abrogée. Enfin on a argumenté des art. 464, 480 et 481 du Code du 3 brumaire an IV qui traitent des contumaces.

Je crois qu'on peut et qu'on doit répondre que, si la mort civile est une peine accessoire, elle est cependant une peine; que, dès lors, elle ne peut résulter que d'un texte; que l'absence de texte est d'autant plus significative, qu'il y a eu une refonte complète de l'ancien système des pénalités. Quant aux textes invoqués du Code du 3 brumaire an IV, ils s'appliquent même aux contumaces condamnés à des

(1) Sirey 44-1-447. M. Demante, Cours analytique du Code civil, approuve cet arrêt. M. Achille Morin émet une opinion contraire, Répertoire, vo Mort civile; mais il ne cite pas l'arrêt de la Cour de cassation.

A

peines temporaires; donc ils règlent un état d'incapacité qui n'équivaut pas à la mort civile. L'art. 482 en est la preuve surabondante, puisqu'il n'ouvre la succession du contumax qu'au moment de sa mort naturelle, ou que cinquante ans après la date de sa condamnation.

Le Code Napoléon a rétabli la mort civile; il ne l'a attachée comme conséquence qu'à l'exécution de la mort naturelle; mais il annonçait que la mort civile pourrait être attachée comme conséquence à l'exécution de certaines peines perpétuelles (art. 23 et 24, Code Nap.).

L'art. 18 du Code pénal attacha la mort civile aux travaux forcés à perpétuité et à la déportation; cependant il déclara que les condamnés à la déportation pourraient obtenir, dans le lieu où ils seraient déportés, l'exercice des droits civils ou de quelques-uns de ces droits. Tant que la substitution de la détention à la déportation ne fut que l'œuvre du pouvoir exécutif, elle ne constituait pas une exécution légale, et, partant, elle n'entraînait pas la mort civile.

L'abolition de la mort civile fut vivement réclamée lors de la réforme de 1832. Cette question n'intéressait pas seulement la loi pénale; elle fut ajournée.

Le gouvernement garda le droit d'octroyer la jouissance des droits civils ou de quelques-uns de ces droits aux condamnés à la déportation. La déportation, cependant, ne devait s'exécuter, vous le savez, que fictivement. La détention était, de fait, substituée à la déportation.

Le condamné pouvait-il obtenir la jouissance des droits civils?

Oui incontestablement, si la concession était faite avant l'exécution de la peine; ce n'était, en effet, qu'une remise de partie de la condamnation, et la grâce aurait eu cet effet, indépendamment de toute réserve législative (Art. 26 Code Nap.)

Mais après l'exécution, c'est-à-dire après l'entrée dans la forteresse où le condamné devait subir fictivement la déportation, la mort civile était encourue, des droits étaient acquis aux tiers, et certainement la loi n'avait pas entendu investir le Gouvernement du pouvoir exorbitant d'anéantir ces droits. La réserve n'avait été faite, bien évidemment, que dans la prévision qu'un jour la déportation deviendrait une réalité; on pensait, avec raison, qu'il conviendrait d'appeler les déportés à la jouissance de certains droits civils, dans le lieu où la société les enverrait, pour y vivre d'une vie nouvelle.

En 1834, une proposition de remplacer la mort civile par des incapacités restreintes fut encore rejetée; elle était l'œuvre de l'initiative parlementaire. En 1849, l'Assemblée législative fut saisie, par un de ses membres, d'une proposition tendant à abolir la mort civile; cette proposition, objet d'un rapport favorable, n'eut pas de suites.

Une loi du 8 juin 1850 a été un premier pas vers cette abolition; elle peut être considérée comme une abolition partielle. Elle n'attache plus la mort civile

comme peine accessoire à l'exécution de la déportation; elle attache à l'irrévocabilité de la condamnation à la déportation, la dégradation civique dont je m'occuperai bientôt.

Il est bien évident que cette loi n'abolit pas la mort civile, en tant qu'elle a été encourue par l'exécution, sous les lois antérieures, de la peine de la déportation. Mais affranchit-elle de la conséquence de la mort civile l'exécution de la condamnation à la déportation, prononcée sous la loi ancienne, lorsque cette exécution n'a lieu que sous la loi nouvelle?

On pourrait être tenté de le croire en effet, la loi nouvelle est plus favorable; en second lieu il ne s'agit que de faire régir l'exécution et ses conséquences par la loi en vigueur au moment où la condamnation s'exécute.

Il n'en est pas ainsi pourtant: vous vous rappelez que l'art. 8 de la loi du 8 juin 1850 ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa promulgation. Eh bien ! quelle est la déportation dont l'exécution n'entraine pas la mort civile ? C'est la déportation de la loi du 8 juin 1850, c'est la déportation à Noukahiva ou dans la vallée de Vaïthau. L'ancienne déportation conserve tous ses effets; l'ancienne condamnation reste avec toutes ses conséquences.

Depuis la promulgation de la loi du 8 juin 1850, la pensée d'abolir la mort civile a encore été l'objet des préoccupations législatives. Un savant professeur de la faculté de Droit de Paris, M. Demante, a fait sur

« PrécédentContinuer »