Images de page
PDF
ePub

cette question un rapport remarquable dont les conclusions sont restées à l'état de projet (1).

Ce n'est pas seulement l'exécution de la déportation simple, c'est encore l'exécution de la déportation aggravée qui n'emporte plus la mort civile. La mort civile aujourd'hui n'est plus attachée, comme conséquence, qu'à l'exécution de la peine de mort et des travaux forcés à perpétuité.

Les effets de la mort civile sont indiqués dans l'art. 25 du Code Napoléon.

Cet article est-il limitatif? N'y a-t-il pas à distinguer entre les droits naturels et les droits purement civils?

Pour tout cela je vous renvoie au livre de notre savant maître, M. Demolombe. Je ne veux dire qu'un mot: c'est que l'expression de mort civile est bien impropre. Le condamné est si peu mort, même civilement, que la loi est obligée de prévoir le cas où il pourrait avoir des intérêts à débattre en justice et de lui organiser une représentation.

Quand la mort civile est-elle encourue?

Il faut distinguer entre les condamnations contradictoires et les condamnations par contumace.

La condamnation est-elle contradictoire? la mort civile n'est encourue que du moment de l'exécution ; si le condamné meurt, ou s'il obtient soit sa grâce, soit seulement une commutation de peine avant l'exécution, il n'aura jamais été frappé de mort civile.

(1) Revue critique 1853, p. 98.

Quand il s'agit de peine de mort, la mort civile ne date que du moment de la mort naturelle.

S'il s'agit de la peine des travaux forcés à perpétuité, la mort civile est encourue du jour de l'entrée au bagne.

Mais si les condamnations, quoique contradictoires, ne s'exécutent pas réellement, parce que le condamné se sera soustrait à leur exécution par la fuite, de quel moment datera la mort civile?

Du jour de l'exécution par effigie, répond l'art. 26 du Code Napoléon.

Mais qu'est-ce qui constitue l'exécution par effigie des condamnations contradictoires?

Le Code d'instruction criminelle est muet sur ce point. L'art. 472 de ce Code ne parle que de l'exécution par effigie des condamnations par contumace. Vous lirez cet article,c'est une sorte d'exposition fictive qu'il organise. On avait supprimé l'exposition réelle; une loi du 2 janvier 1850 a supprimé l'exposition fictive, et a déterminé un autre mode d'exécution des condamnations par contumace. C'est ce mode d'exécution qu'il faut transporter par analogie aux condamnations contradictoires quand elles ne peuvent s'exécuter que fictivement, et ce sera du moment de cette exécution que datera la mort civile.

La condamnation dont l'exécution emporte la mort civile est-elle prononcée par contumace? La mort civilene commence qu'après l'expiration des cinq années qui suivent l'exécution fictive prescrite par la loi du 2 janvier 1850. Si le condamné se représente, est

arrêté ou meurt avant les cinq ans, il n'aura jamais encouru la mort civile; il ne pourrait l'encourir que comme suite d'une nouvelle condamnation, s'il subissait une peine à laquelle elle fût attachée.

Est-ce à dire, toutefois, qu'il aura pu valablement exercer ses droits civils, s'il se représente, est arrêté ou meurt dans les cinq ans ?

Non; l'art. 28 du Code Napoléon enlève au contumax, que la mort civile ne doit atteindre qu'au bout de cinq ans, l'exercice des droits civils, et cet exercice est confié par la loi à l'administration des domaines (art. 471, Cod. d'inst. crim.).

Cette privation de l'exercice des droits civils n'est pas conditionnelle; elle n'est pas subordonnée à la non représentation ou à l'existence du condamné pendant les cinq ans. L'anéantissement de la condamnation par l'effet soit de la comparution volontaire, soit de l'arrestation, soit de la mort, pendant la période d'attente, n'empêche pas que le droit d'user de la capacité civile n'ait été temporairement paralysé ; il n'efface pas rétroactivement la privation de toute aptitude juridique active, parce que l'inertie à laquelle est réduit le contumax est, dans la pensée de la loi, la conséquence, non de la condamnation elle-même, mais de la contumace constatée par la condamnation, et est de plus le moyen de faire cesser cette contu

mace.

Les art. 29 et 31 du Code Napoléon ne sont, à mes yeux, qu'une explication de la véritable portée de l'art. 27 du même Code, aux termes duquel les con

damnations par contumace n'emportent la mort civile qu'après les cinq années qui suivent l'exécution du jugement par effigie.

Je crois cependant devoir vous rappeler que l'opinion générale est que la privation de l'exercice des droits civils, résultant de l'art. 28 du Code Napoléon, est subordonnée à l'événement ultérieur de la mort civile. Ce n'est qu'avec beaucoup d'hésitation que je m'écarte de cette opinion, qui est celle de notre maître, M. Demolombe, et aussi celle que finit par adopter M. Demante (1).

Si l'agent se présente après les cinq ans, et qu'il ne soit condamné qu'à une peine n'emportant pas la mort civile, ou qu'il ne soit pas même condamné du tout, il sera rendu à la vie civile pour l'avenir, mais il n'en aura pas moins été mort pour le passé. Ainsi un nouveau jugement, même une déclaration d'innocence, ne serait pour lui qu'une réparation stérile et dérisoire. Propriétaire, il ne retrouvera pas ses biens; époux, il ne retrouvera pas sa femme; s'il se réunit à elle, ce ne sera que par le consentement de celle-ci, et il faudra que la loi intervienne pour consacrer cette union qui sera une union nouvelle ; père, retrouvera-t-il ses enfants? Oui, puisqu'il rentre, pour l'avenir, dans la plénitude de ses droits civils, et que la rupture de ses liens de famille ne saurait être consi

(1) Cours de Code civil, tome Ier, n° 227. Cours analytique de Code civil, pages 125 et 129. Dans le sens de la leçon, Marcadé, sur les art. 29 et 31.

dérée comme un droit acquis pour les tiers; seulement la résurrection de ces liens ne rétroagira pas sur les conséquences accomplies dans le passé (1).

Si la condamnation nouvelle qui intervient, par suite d'une comparution ou d'une arrestation en dehors des cinq ans, emporte encore la mort civile, cette mort date du jour de l'expiration de là période quinquennale. Il n'y a pas eu d'interruption dans l'intervalle qui s'est écoulé depuis la représentation volontaire ou forcée (2).

La mort du condamné par contumace, après l'expiration de la période d'attente, n'anéantirait pas la condamnation. Cela est d'évidence ; je l'indique cependant, et vous verrez bientôt pourquoi, quand je m'occuperai de la dégradation civique et de l'interdiction légale, conséquences d'une condamnation par

contumace.

La mort civile a tous les effets de la confiscation à titre universel.

Aux termes de l'art. 33 du Code Napoléon, l'État hérite des biens acquis par le condamné depuis la mort civile, et cela, sous le prétexte qu'il n'a plus de famille; il n'a plus de famille ? oui, la loi la lui a enlevée.

[ocr errors]

(1) Sic, M. Demolombe, t. Ier, no 232.

(2) M. Demante, Cours analytique de Code civil, pages 134 et 135.-Zachariæ, tome Ier, page 326.-Coin-Delisle, art. 30, no 1er.

Contrà, M. Demolombe, no 229.

« PrécédentContinuer »