Images de page
PDF
ePub

L'effet, sur la mort civile, de la réhabilitation, de l'amnistie, de la grâce, je vous l'indiquerai quand je m'occuperai de ces matières. Je me borne, en ce moment, à vous dire, qu'aux termes de l'art. 32 du Code Napoléon, la prescription de la peine principale ne réintègre point le condamné dans ses droits civils pour l'avenir. C'est que la mort civile est une conséquence de l'exécution réelle ou fictive qui survit, comme fait, à la prescription, et que, si le condamné n'a pas effectivement subi la peine principale, il est au moins toujours resté sous le poids de la peine accessoire.

2o La dégradation civique : vous connaissez la dégradation civique comme peine principale, vous la connaissez donc comme peine accessoire; ses effets sont absolument les mêmes. Cette peine, comme vous le savez, ne s'attaque pas au patrimoine du condamné; elle ne confisque aucun de ses droits pécuniaires.

La dégradation civique est attachée, comme conséquence, à l'irrévocabilité de certaines peines, quand la condamnation est contradictoire ; à l'exécution par effigie de ces mêmes peines, quand la condamnation est par contumace.

Quelles sont les peines dont l'irrévocabilité ou l'exécution entraîne la dégradation civique ?

D'après l'art. 28 du Code pénal, ces peines étaient des peines temporaires; c'étaient les travaux forcés à temps, la détention, la réclusion et le bannissement. Or, la dégradation civique est une peine indéfinie dans sa durée; elle survit donc à la peine principale.

[ocr errors]

voilà

Avant la loi du 8 juin 1850 l'exécution de toutes les peines perpétuelles entraînait la mort civile ; pourquoi on n'avait pas attaché à ces peines la dégradation civique. Mais si les peines perpétuelles étaient remises ou commuées avant l'exécution, la mort civile n'était pas encourue, et, suivant des auteurs graves, la dégradation civique ne l'était pas non plus, au moins dans le silence des lettres de grâce ou de commutation, puisqu'il n'y avait pas eu condamnation aux peines temporaires qui l'entraînent. La dégradation étant une conséquence tacitement attachée à certaines peines, je serais porté à penser qu'elle est la condition de ces peines, quand le condamné les subit en vertu de lettres de commutation (1).

Aujourd'hui toutes les peines perpétuelles n'ont plus pour conséquence la mort civile. D'après l'art. 3 de la loi du 8 juin 1850, la déportation simple ou aggravée n'emporte plus que la dégradation civique qui date, soit de l'irrévocabilité de la condamnation, soit de l'exécution par effigie, suivant nos distinctions. La dégradation civique survit-elle à la prescription de la peine principale?

Oui, il faut appliquer par analogie l'art. 31 du Code Napoléon. Cette solution ne saurait être douteuse pour l'école qui fonde la prescription de la peine sur

(1) Sic, Paris, 25 août 1852. Pal., 1853-1, p. 675. Contrà, Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, p. 167, 3e édition.

[ocr errors]

une présomption d'expiation. En effet, si la dégradation civique survit à l'expiation légale, à plus forte raison doit-elle survivre à l'expiation présumée.

J'ajourne mes explications sur l'influence de la grâce, de la commutation de peine, de l'amnistie et de la réhabilitation.

Si le condamné par contumace à une peine, dont l'exécution fictive a entraîné la dégradation civique, se présente ou est arrêté dans les vingt ans, sa condamnation tombe avec tous ses effets (art. 476, Code d'instruction criminelle). La dégradation civique est cffacée; mais est-elle effacée pour le passé ? N'estelle point effacée pour l'avenir seulement ?

Il n'en est pas de la dégradation civique comme de la mort civile. L'effet de la dégradation civique n'est pas suspendu pendant cinq ans ; en revanche l'anéantissement de la condamnation par contumace, à toute époque, détruit rétroactivement la dégradation civique. Cela n'est pas sans importance; car si, par exemple, le contumax avait été témoin dans un acte, l'acte ne serait affecté d'aucun vice. Je ne crois pas que cette solution contredise celle que j'ai admise pour la privation de l'exercice des droits civils, dans le cas de l'art. 28 du Code Napoléon : en effet, l'incapacité de l'art. 28 n'est pas une peine accessoire attachée à une peine principale et devant, par suite, tomber avec sa cause : c'est une incapacité spéciale édictée, pour une situation temporaire, par la loi civile.

Quid si le condamné par contumace à une peine,

dont l'exécution fictive a entraîné la dégradation ci vique, mourait dans les vingt ans?

Un auteur grave (1) professe que la dégradation civique est rétroactivement effacée.

Il me semble bien difficile d'accepter cette solution. L'art. 476 du Code d'instruction criminelle n'anéantit la condamnation par contumace qu'autant que le condamné se représente ou est arrêté dans les vingt ans. Si la mort réelle, dans les cinq ans de l'exécution par effigie, prévient la mort civile, c'est que la mort civile n'était pas encourue; mais la dégradation civique date du jour de l'exécution par effigie. Il n'y a qu'une condition résolutoire la représentation volontaire ou forcée.

3° L'interdiction légale. L'interdiction légale ne doit pas être confondue avec l'interdiction de la totalité ou de partie des droits civiques, civils et de famille. L'interdiction légale, en effet, est une peine accessoire d'une autre peine afflictive et infamante. L'interdiction des droits civiques, civils ou de famille, est une peine correctionnelle principale.

L'interdiction légale est une peine d'un caractère spécial; elle dure autant que la peine à laquelle elle est attachée. D'après l'art. 29 du Code pénal, elle n'était attachée qu'à des peines temporaires, à la peine des travaux forcés à temps, à la peine de la détention et à la peine de la réclusion. Aujourd'hui, en vertu

(1) M. Demante, Cours analytique de Code civil, p. 148, n° 72 bis.

de la loi du 8 juin 1850, elle est attachée à la déportation simple et à la déportation aggravée.

Cette peine accessoire ne fait pas double emploi avec la peine de la dégradation civique. Cette dernière peine, vous le savez, laisse intact le patrimoine du condamné et n'enlève pas même le droit d'administration de ce patrimoine; ainsi le condamné pourrait user de ce droit d'administration pour paralyser ou pour adoucir au moins la peine afflictive: l'interdiction légale dépouille le condamné de l'exercice de ses droits sur sa fortune; elle substitue à sa gestion une gestion étrangère.

Pour les condamnations contradictoires l'interdiction légale date du jour de leur irrévocabilité.

De ce que l'art. 29 du Code pénal dit que cette interdiction a lieu pendant la durée de la peine, gardez-vous de conclure qu'elle ne commence que du jour où la peine principale reçoit son exécution effective. Si le condamné contradictoirement s'évade, se soustrait à la peine principale, il ne conquiert pas, par sa résistance à la loi, l'exercice du droit d'administration; c'est dans ce cas surtout qu'il importe de ne pas lui laisser la disposition de ressources qui encourageraient et alimenteraient sa désobéissance. Mais l'interdiction légale ne survivrait pas à la prescription de la peine.

L'interdiction légale est-elle une conséquence des condamnations par contumace à la déportation, aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclu

« PrécédentContinuer »