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Voilà des qualités qui affranchissent l'agent de certaines peines et qui cependant n'atténuent en rien ses actes; elles n'en modifient, sous aucun rapport, ni le caractère moral, ni le caractère légal.

Mais n'y a-t-il pas des qualités de l'agent qui sont, en quelque sorte, inséparables du caractère du fait, qui lui impriment un caractère plus ou moins odieux?

La qualité peut être une cause d'aggravation de la peine, parce qu'elle aggrave le fait; la qualité de fils, chez le meurtrier, donne au meurtre le caractère de parricide et entraîne une aggravation de châtiment; la qualité de l'agent peut être une cause d'atténuation de la peine parce qu'elle atténue le fait. La minorité de seize ans, alors même que la présomption d'irresponsabilité est exclue par une déclaration de discernement, fait encore supposer que l'agent n'a pas eu autant de liberté d'esprit que le majeur, qu'il avait moins de force de volonté et de résistance, moins d'empire sur lui-même, qu'il n'avait pas une conscience aussi nette du mal moral et social résultant de son infraction. Sous ce rapport il n'est pas vrai de dire que l'âge soit toujours et nécessairement une circonstance étrangère au fait luimême.

Mais, dit-on (1), l'âge ne change pas la qualification du fait. Le mineur de seize ans, condamné

(1) Nicolini, Principes philosoph. et pratiq. du Droit pénal, p. 163 à 174 de la TRADUCTION. Boitard, quatorzième leçon.

dans le cas des art. 67 et 68, est condamné en matière criminelle; de ce qu'il ne subit que des peines correctionnelles, on ne peut pas conclure qu'il n'ait commis que de simples délits, lorsque ces articles sont applicables.

Cette objection a deux vices: 1o elle suppose qu'il est unanimement admis que l'infraction qui, en thèse ordinaire, a le caractère d'un crime, ne dégénère pas en simple délit, quand elle est commise par un mineur de seize ans auquel, en cas de déclaration de discernement, on applique une peine, mais une peine correctionnelle seulement. Or, deux de nos criminalistes les plus justement accrédités professent que, dans notre droit, le caractère de l'infraction étant subordonné à la nature de la peine applicable, l'infraction dont le mineur de seize ans est jugé responsable ne peut constituer qu'un simple délit, et cette théorie, que je suis loin d'adopter, n'est pas sans quelque appui dans la jurisprudence (1).

2° L'objection suppose qu'il est de l'essence d'une

(1) MM. Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, t. Ier p. 313 à 315, 3 édition.-Ils invoquent deux arrêts de la Cour de cassation du 27 juin 1828 et du 9 février 1832 (Sir., 29— 1-42, 32-1-433.-Il y a, en effet, dans les motifs de ces arrêts, une énonciation favorable à l'opinion de ces honorables auteurs. Voir toutefois en sens contraire: Cass., 10 avril 1818 et 1er avril 1828 (Sir., 24-1-159, 28—1—275). M. de Molène, De l'humanité dans les Lois criminelles, p. 365, considère aussi que l'excuse change la qualification de l'infrac

excuse de changer la qualification de l'infraction ; mais aucune loi n'a dit cela, et, à mon sens, aucune loi ne devait le dire. Un crime excusable reste un crime, et c'est bien là ce qu'atteste la rubrique du paragraphe 2, section II, titre II, du livre III du Code pénal Crimes et délits excusables. De ce que l'excuse modifie souvent la nature de la peine, parce que sa cause diminue la criminalité subjective, on ne saurait légitimement conclure qu'elle métamorphose le caractère de l'infraction. Ce n'est pas parce que la loi punit les infractions d'une certaine classe de peines afflictives et infamantes, ou infamantes seulement, que ces infractions sont des crimes; c'est, au contraire, parce qu'à raison de leur criminalité objective, à laquelle correspond presque toujours une criminalité subjective aussi grave, ces infractions sont des infractions très dangereuses, que la loi frappe, en général, leurs auteurs de peines afflictives et infamantes, ou infamantes seulement (1)..

L'art. 65, Code pénal, proclame le principe que le crime ou délit ne peut être excusé ni la peine mi

(1) M. Molinier professe aussi que l'excuse ne change pas la qualification de l'infraction; il cite plusieurs arrêts en ce sens, notamment un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1833 (Sir., 33-1-413). M. Molinier arrive par d'autres arguments à la même solution que nous (Revue critique, 1851, p. 425 à 427).-Aux autorités citées par M. Molinier On peut ajouter un arrêt de la Cour d'Angers du 3 décembre 1849 (Dev., 50-2-290 (rapprocher cet arrêt de l'arrêt qui le suit).

tigée que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable ou permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse; mais cet article ne dit pas ce qui constitue, aux yeux du législateur, une cause d'excuse et ce qui constitue une cause de mitigation.

L'art. 66 indique ensuite les conséquences de la minorité de seize ans ; il indique les conséquences qu'

'elle a en cas de déclaration d'existence de discernement; il ne lui donne aucune qualification : la question est donc une question de pure doctrine.

Je ne vous ai fait connaître encore que la principale raison pour laquelle je donne à la minorité de seize ans le caractère d'une excuse; il y a une autre raison, qui n'est pour moi que secondaire ; cette raison est celle-ci c'est le juge du fait qui vérifie la minorité de seize ans et qui lui imprime sa conséquence, tantôt l'affranchissement de toute peine, tantôt l'at-` ténuation de la peine. Mais s'il en est ainsi, c'est done que la qualité de l'agent se lie au fait, qu'elle s'y incorpore en quelque sorte. Je sais bien que ce point a fait question, que le droit de vérifier l'existence de la minorité a été révendiqué par la Cour d'assises; mais la jurisprudence, aujourd'hui, n'hésite plus à reconnaître que le droit dont il s'agit fait partie des attributions du jury.

Je me résume et je conclus: la minorité de seize ans, quand elle n'est pas une cause exclusive d'imputation, est une excuse légale; mais je n'admets pas pour cela les motifs des jurisconsultes qui fondent la solu

tion que j'adopte sur ce que la minorité, change la qualification de l'infraction (1).

Quelles sont les autres causes d'excuse?

Les causes d'excuse n'annihilent point, n'effacent point la criminalité; elles la diminuent et en restreignent la gravité; ou elles la rachètent en partie et lui assurent des titres à l'indulgence; de là, deux classes d'excuses les excuses qui amoindrissent la criminalité et les excuses qui la rachètent en partie.

Ces deux classes d'excuses ont un caractère commun; elles n'écartent pas la pénalité, elles la modèrent; j'ajoute que leur existence doit être déclarée par le juge du fait.

Les excuses de la première classe sont l'objet des art. 321 et suivants, jusqu'à l'art. 326, inclusivement; ce sont : 1o le meurtre et les blessures provoqués par des coups ou violences graves envers les personnes; 2° le meurtre et les blessures provoqués par des tentatives de vol avec effraction ou escalade pendant le jour; 3° le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, surprise en flagrant délit d'adultère, et sur le complice; 4° la castration provoquée par un violent outrage à la pudeur.

(1) MM. Chauveau et Faustin-Hélie supposent, sans discuter la question in terminis, que la minorité de 16 ans, dans le cas des art. 67 et suivants, est une excuse, Théorie du Code pén., t. Ier, chap. XII; mais ces auteurs admettent que la minorité change la qualification de l'infraction. Voir aussi Répertoire du Droit criminel de M. Achille Morin, verbo Mineur, no 9, et M. Rauter, t. I..., no $3.

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