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met ensuite un délit; l'art. 58, quand l'agent, condamné par la juridiction militaire ou maritime à plus d'une année d'emprisonnement, pour un délit punissable en vertu de la loi pénale ordinaire, commet un second délit.

Ce paragraphe parle, en effet, non seulement des crimes, mais des délits; il eût été, ce semble, mieux placé à la suite de toutes les dispositions qui concernent la récidive.

C'est au juge chargé de l'application de la peine, et non au juge du fait, qu'appartient le droit de statuer sur l'existence de la récidive; la jurisprudence et la doctrine ont considéré qu'il s'agissait d'un élément extrinsèque à l'infraction, d'une qualité de l'agent, qui appelait une répression plus forte, mais qui ne se rattachait pas au fait.

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DIX-HUITIÈME LEÇON.

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COMPLICITÉ: degrés dans l'association à l'infraction.-Participation directe, immédiate à la violation de la loi. Participation indirecte, médiate, secondaire à cette violation.-Différence entre les coauteurs ou codélinquants et les complices.-Caractères essentiels des faits de complicité.-Droit rationnel.-L'ordonnateur du crime doit-il être considéré comme auteur principal, comme coauteur de l'agent d'exécution?-Dissidence sur ce point avec les théories en crédit. Pourquoi la résolution et les actes préparatoires, qui ne sont pas punis, en général, chez l'agent principal, sont-ils punis chez l'agent secondaire ?-Pourquoi le complice doit-il bénéficier du désistement de l'agent d'exécution ?-Le complice est-il responsable de toutes les chances attachées à l'exécution de l'infraction ?-Distinctions. – Dissidence avec des auteurs graves. —Le désistement du complice avant la consommation de l'infraction l'abrite-t-il contre la pénalité ?-N'est-il efficace qu'à la condition d'avoir été notifié à l'agent d'exécution ?-Discussion.-Rejet d'une solution trop absolue.-Le désistement postérieur à l'accomplissement de l'infraction serait sans valeur.-Les faits postérieurs à l'infraction peuvent-ils être considérés comme des faits de complicité ? -Le complice et l'auteur principal doivent-ils être punis du même genre de peine? Historique de la complicité.-Loi Romaine. Trois complicités complicité réelle, complicité présumée, complicité spéciale.— Quelques questions résolues par la ioi romaine. -Lois barbares.-Ancien Droit. -Loi des 19-22 juillet 1791.-Code pénal des 25 septembre-6 octobre 1791.-Code de 1810.-Trois complicités: complicité réelle, complicité présumée, complicité résultant de faits postérieurs à l'infraction, recel.—Questions diverses.-Définition limitative des faits de complicité.-Conséquence. -Les faits élémentaires de la participation comme coauteur ne sont pas définis.-Conséquence.

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MESSIEURS,

Je n'ai, jusqu'ici, mis en présence de la loi et de la pénalité que l'agent auteur du fait ou de la tentative

punissable : j'ai examiné quelles étaient les causes exclusives ou modificatives de l'imputation. Mais plusieurs agents peuvent s'être associés pour la violation de la loi ils ont tous participé directement, immé– diatement à l'infraction, ils sont tous auteurs principaux ou coauteurs; ce que j'ai dit de l'agent, auteur du fait punissable, s'applique aux coauteurs.

Mais la loi ne se borne pas, et ne doit pas se borner, à réprimer la participation directe, immédiate à l'infraction; elle punit, et doit punir, la participation secondaire, l'association au but coupable, n'eût-elle fourni son contingent qu'en secours, qu'en éléments accessoires, du moment que le résultat criminel qu'elle a préparé, facilité, protégé, s'est produit ou a pu se produire grâce, peut-être, aux encouragements et à l'assistance qu'il a obtenus.

Les agents dont la participation n'a été que secondaire et accessoire s'appellent des complices. Dans l'acception large du mot, des coauteurs, des codélinquants sont des complices, puisqu'ils sont des associés; mais, dans l'acception juridique, les complices sont des agents dont la participation à l'infraction n'a pas été assez directe pour qu'ils puissent être considérés comme coauteurs. Ils ne sont pas étrangers à l'infraction; ils l'ont couverte de leur patronage, lui sont venus en aide; ils ont essayé de sauvegarder ses auteurs; mais, à proprement parler, ils ne l'ont pas faite.

Le lien qui unit l'auteur, exclusif ou principal, à une infraction, c'est le lien de cause à effet; le coau

leur est lié à l'infraction par le même lien, bien que ce lien puisse avoir moins d'énergie et d'intensité. Le lien qui unit le complice à l'infraction n'est pas, lui, un lien de cause à effet; c'est un lien indirect, médiat; l'œuvre du complice a consisté dans des faits accessoires qui ne sont pas, par eux-mêmes, constitutifs de l'infraction, mais qui l'ont excitée, favorisée, avec l'intention qu'elle s'accomplit. Considérés en eux-mêmes et isolément de l'infraction à laquelle ils se rattachent, ils ne seraient pas punissables; ils sont, en effet, extrinsèques à l'infraction et ne la constituent pas; ils ne deviennent punissables que par le résultat auquel ils ont servi, par la part d'influence qu'ils ont exercée.

Voilà des principes dont la formule peut varier, mais sur lesquels, au fond, on est à peu près d'accord. Les difficultés et les controverses ne surgissent que lorsqu'on veut arriver à l'application.

L'agent qui provoque au crime, qui le commande ou qui donne mandat de le commettre, et paie l'exécuteur, l'agent, en un mot qui trouve un bras pour l'accomplissement de sa résolution, à lui, est-il auteur principal, coauteur de l'agent, son instrument, ou n'est-il que le complice de cet agent?

L'agent moral et l'agent physique, dit-on, doivent être placés sur la même ligne; ils sont des codélinquants. La participation morale, quand elle est directe, quand elle est la vraie cause impulsive, ne saurait être regardée comme une participation accessoire: l'auteur de la résolution criminelle est toujours aussi

coupable, et plus coupable souvent, que l'exécuteur de l'acte matériel: la résolution et le fait matériel étant les deux éléments du délit, celui qui est lié par un lien de cause à effet à l'un de ces deux éléments, quel qu'il soit, est auteur principal, il n'est pas un complice.

C'est là la théorie qu'un illustre écrivain, M. Rossi, a proposée aux législateurs.

Cette théorie, dont l'éminent publiciste ne s'est pas lui-même dissimulé les inconvénients politiques, est-elle juridique ?

Que l'agent moral ait toujours une criminalité subjective égale, et souvent supérieure, à la criminalité subjective de l'agent physique, je le reconnais pleinement. Mais la loi répressive n'atteint pas, pour ellemême, la criminalité subjective.—Les résolutions perverses, si fermes, si opiniâtres qu'elles aient été, se dérobent en général à la pénalité, tant qu'elles ne se sont pas traduites en faits, tant que criminalité objective n'a pas éclaté.

De quoi s'agit-il done? De punir, dans l'instigateur, un élément qui, en lui-même, n'était pas punissable, un élément qui ne tombe sous la prise du châtiment que par son association à un autre élément qui, lui, a été plus qu'une raison d'alarmes, a abouti à un préjudice social, ou s'est produit, au moins, dans des conditions de nature à réaliser ce préjudice.

Le provocateur, l'ordonnateur, le mandant sont donc punis pour des faits qui, en eux-mêmes, ne sont pas des infractions punissables; ils sont punis pour l'oeuvre d'autrui.

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