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Les serfs étaient jugés par le propriétaire auquel ils appartenaient; les colons par le maître, le seigneur de la propriété qu'ils cultivaient; « entre eux et leur seigneur il n'y a pas de juge fors Dieu, » dit Pierre de Fontaines (1).

Les hommes libres étaient jugés savoir :-les bourgeois, par la justice de la commune dont ils faisaient partie;-les nobles, par le seigneur dont ils relevaient, mais par le seigneur, présidant un certain nombre de leurs pairs, leurs égaux dans l'échelle féodale. L'origine individuelle s'effaçait devant la loi personnelle au souverain.

3 J'ai dit que le fractionnement et l'éparpillement expliquent le principe en vertu duquel s'est faite plus tard la division de la France en Pays de Coutumes et en Pays de Droit écrit.

On comprend que les usages qui prévalaient dans chaque agrégation féodale s'imprégnaient plus ou moins de l'élément germanique ou de l'élément romain, suivant l'importance comparative de nombre et d'influence des races. Au nord l'élément germanique était prédominant; au midi l'élément galloromain était prédominant; de là, plus tard, au nord les pays de Coutumes, et au midi les pays de Droit écrit..

Quel est le principe qui domine le Droit pénal peudant cette période ? Le système des compositions, ce

(1) Voir M. Guizot, Histoire de la civilisation en France, 8 leç.; M. Laferrière, Histoire du Droit français, t. IV, p. 476-495.

système, si profondément empreint de l'idée de vengeance individuelle à laquelle il porte cependant une première atteinte, est grandement entamé et tend à disparaître.

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Les crimes désignés sous la dénomination de trahison et de foi mentie, les attentats aux liens hiérarchiques de la féodalité sont punis de mort et de la privation, sous le titre de commise, du fief ou de la subdivision du fief, source du droit violé. Cette peine, spéciale aux rapports féodaux, n'est pas seulement un accessoire de la peine de mort, elle est aussi édictée comme peine principale. Les atteintes moins graves aux devoirs de la féodalité sont punis d'amendes.

Les crimes d'assassinat, de viol, de rapt, d'incendie, de vol, de recel sont, en général, punis de mort; toutefois, le consentement de la partie lésée, avec l'adhésion du seigneur direct et de sou suzerain, pouvait convertir la peine capitale en peine pécuniaire.

Les délits moins graves n'entraînaient que des réparations en argent au profit des parties lésées, et des amendes au profit du seigneur justicier (1).

M. Ortolan considère qu'à cette époque le principe de la vengeance seigneuriale a remplacé le principe de la vengeance individuelle. Deux motifs nous portent à penser que le principe de la vengeance seigneuriale était bien loin de constituer un principe exclusif et même un principe prédominant.

(1) Théorie des lois politiques, deuxième partie, liv. Ier, chap. I, I, II et IV, p. 17 et suiv.

1° C'est d'abord la persistance du combat judiciaire, des gages de bataille;

2° C'est le fait que la partie lésée conserve le droit de réclamer l'application de la pénalité, qu'elle dispose de l'action répressive et que la poursuite d'office à la requête du juge n'est qu'une exception, que cette poursuite n'a lieu qu'à défaut de poursuite in-. dividuelle.

J'arrive à la période du XIII au XVI siècle, et je m'adresse encore ces deux questions :

1° Quelles sont les sources du Droit pénal du XIII• au XVI siècle ?

2° Quels principes ont animé ces sources?

I.-Je veux d'abord jeter avec vous un regard sur le mouvement politique qui caractérise cette période. Nous avons vu, dans la période précédente, la féodalité partout victorieuse et partout morcelant avec la souveraineté, la loi et la justice.

C'est à une réaction que nous allons assister; c'est un effort vers l'unité, c'est une œuvre de centralisation qui vont se développer devant nous.

La féodalité avait construit la royauté capétienne à son image et avait cru la condamner à n'être qu'une haute et suprême seigneurie.

A partir du XIII' siècle, la royauté ose être infidèle aux traditions de son origine; aidée des souvenirs et des notions du Droit romain, qu'elle veut faire revivre et propager, elle revendique un rôle plus

actif, des attributions plus larges; elle veut se mouvoir, non-seulement en dehors des règles, mais même contrairement aux règles de l'organisation féodale qu'elle avait mission de maintenir et dont elle semblait n'être que le couronnement. Elle convertit son Droit un peu trop désarmé de suzeraineté, en un véritable pouvoir central, attirant à lui, pour les gouverner, toutes les forces de la société ; elle se présente comme l'instrument qui doit donner satisfaction aux besoins généraux, comme le symbole de l'ordre public, la personnification de l'unité nationale.

Trois essais d'institution générale correspondent à cette tentative que fait la royauté pour ressaisir et concentrer les véritables droits de la souveraineté politique, à savoir le Parlement, les Etats-Généraux, et les Assemblées des notables.

Avant le XIIIe siècle, le roi de France avait eu, à un double titre, une grande cour féodale, d'abord parce qu'il était le suzerain de ses vassaux directs, des vassaux du duché de France,-et en second lieu parce qu'il était le suzerain des grands vassaux, c'està-dire des possesseurs des grands fiefs, dont se composaient les autres duchés.

Eh bien! l'ancienne cour féodale, la royauté la convertit, sous le nom de Parlement, en une institution complexe, tout à la fois politique, administrative et judiciaire.

Institution judiciaire, le Parlement était juge, non plus seulement de tous les rapports féodaux, mais de tous les intérêts qui, par leur importance, pouvaient,

de plano ou sous forme d'appel, s'élever jusqu'à lui.

Institution politique et administrative, le Parlement était en quelque sorte un conseil toujours en disponibilité pour la royauté.

Le Parlement ne devait pas conserver longtemps cette double nature; il devait bientôt se séparer en deux juridictions distinctes: la juridiction administrative, sous le nom de Conseil du roi, et la juridiction judiciaire proprement dite, qui conserva le nom de Parlement.

Les grands vassaux et même les vassaux directs du roi, qui ne voulaient pas, suivant le mot de Pasquier, « troquer leur épée contre une écritoire, » se tinrent à l'écart de l'institution judiciaire proprement dite et firent place à une classe d'hommes d'étude et de science, qui servirent sans doute activement la royauté, mais furent en revanche puissamment secondés par elle dans leurs efforts pour conquérir au sein du pays le rôle prépondérant.

Au commencement du XIVe siècle, les Etats-Généraux apparaissent et les trois ordres: clergé, noblesse, bourgeoisie ou tiers-état, sont constitués, puisqu'ils ont une représentation. La première convocation est de 1302.

Cette ébauche du gouvernement représentatif dont la constitution n'eut rien de régulier et de définitif, dut sa naissance à un intérêt fiscal et politique.— La royauté associait la bourgeoisie aux délibérations de la noblesse, d'abord dans un intérêt fiscal: il

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