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ayant appris la mort de fon pere, il entra en telle fureur, qu'il renonça aux études & à la religion Chrétienne, paffa PElbe & fe jetta chez les Vinules payens, avec le fecours desquels il fit la guerre aux Chrétiens, & tua plufieurs milliers de Saxons pour venger fon pere. Bernard duc de Saxe le prit comme un chef de voleurs, & le mit en prison: mais voyant que c'étoit un brave homme, il fit alliance avec lui & le renvoya. Gothescalc alla trouver le roi Canut, paffa avec lui en Angleterre, & Y demeura long-temps. Il étoit rentré dans le fein de l'églife, & le roi Canut lui donna fa fille en mariage.

Etant retourné d'Angleterre, il étoit irrité contre les Sclaves, qui Pavoient dépouillé des biens de fon pere, & obligé à fe retirer en pays étranger; ainfi il leur faifoit la guerre & étoit la terreur des payens. Mais après qu'il fut rentré dans fes biens, il voulut faire des conquêtes pour Dieu, & ramener fa nation au Chrif tianifme, qu'elle avoit autrefois reçu & oublié depuis. Il venoit souvent à Hambourg accomplir des vœux. Son zéle étoit grand pour la propagation de la foi, il avoit réfolu de contraindre tous les payens à lembraffer; & il avoit déja converti le tiers de ceux, qui fous fon ayeul Mistivoi, étoient retombez dans le paganifme. Sous fon régne tous les peuples des Sclaves appartenant à la province de Hambourg étoient Chrétiens, & on en comptoit jusques à fept, entre lefquels étoient les Obodrites. Les provinces étoient pleines d'églifes, & les églises de prêtres, qui exerçoient librement leurs fonc tions. Le prince Gothescalc oubliant fa dignité, parloit souvent lui-même dans Péglife, pour expliquer au peuple plus clairement en Sclavon, ce que difoient les évêques & les prêtres.

AN. 1062.

Helm. lib. I.

C. 20.

AN. 1062.

C.25.

C.26.

Le nombre étoit infini de ceux qui fe convertiffoient tous les jours: on fondoit dans toutes les villes des convens de chanoines, de moines & de religieufes; & il y en avoit trois à Meclebourg capitale des Obodrites. L'archevêque Adalbert, ravi de cet accroiffement de Péglife, envoya au prince des évêques & des prêtres, pour fortifier dans la foi ces nouveaux Chrétiens. Il ordonna évêque à Aldinbourg le moine Eizon, à Meclebourg Jean Ecoffois, à Ratzebourg Ariston venu de Jérufalem, & d'autres ailleurs. De plus il invita Gothefcalc à venir à Hambourg, où il Pexhorta fortement à conduire jufqu'à la fin fes travaux pour JESUS-CHRIST,, lui promettant que la victoire Paccompagneroit par tout, & que quand même il fouffriroit quelque adverfité pour une fi bonne cause, il n'en feroit pas moins heureux.. L'archevêque exhortoit de même le roi de Danemarc, qui venoit fouvent le trouver fur la riviere d'Eider. Ce: prince Pécoutoit avec attention & avec profit; excepté fur Particle des excès de bouche & des femmes, dont il ne fe corrigea point. Enfin on auroit pû deflors con-vertir tous les Sclaves, fans Pavarice des feigneurs Saxons gouverneurs de la frontiére, qui ne fongcoient: qu'à en tirer des tributs.

L'archevêque Adalbert eut toujours grand foin de ses missions du Nord, même depuis qu'il se relâcha de fapplication à fes autres devoirs, par Paccablement des affaires temporelles, aufquelles il fe livra jufques à Pexcès. Il étoit fi affable & fi libéral envers les étrangers, qu'ils accouroient à Brême de toutes parts; & cette ville, quoique petite, étoit comme la Rome du Nord. Il y venoit des députez d'Islande, de Groenlande, des Orcades, demander à Parchevêque des mif

fionnaires, & il leur en envoyoit. L'évêque des Danois étant mort, le roi Sucin divifa fon diocéfe en quatre, & Parchevêque mit un évêque en chacun. Il envoya auffi des ouvriers en Suede, en Norvege & aux Illes.

LIVRE SOIXANTE-UNIE'ME.

EN

AN. 1063,

I. Schifme à Flo

rence.

N Italie, il y avoit une grande divifion entre Pévêque de Florence & les moines. L'évêque nommé Pierre étoit de Pavie, fils de Theuzon Mezabarba,,Andr. Jan. to. 3. homme noble, mais fort simple. Comme il vint voir Pévêque fon fils, les Florentins lui demanderent artificieufement: Seigneur Theuzon, avez-vous donné beaucoup au roi pour acquérir à votre fils cette dignité? Par le corps de faint Syr, répondit-il, on n'obtiendroit pas un moulin chez le roi, fans qu'il en coûte cher. Par faint Syr, j'ai donné pour cet évêché trois mille livres comme un fol. Saint Syr eft compté pour le premier évêque de Pavie, & Péglife Phonore le neuvième de Décembre. Les moines oppofez à l'évêque Pierre avoient à leur tête faint Jean Gualbert, fondateur de la nouvelle congrégation de Vallombreuse, & fon autorité entraînoit une grande partie du peuple & du clergé. Il foûtenoit que l'évêque étant fimoniaque, & par conféquent hérétique, il n'étoit pas permis de recevoir les facremens de fa main, ni de ceux qu'il avoit ordonnez. Pierre Damien étant à Florence, tenta inutilement d'appaifer ce différend. Il n'approuvoit pas le fentiment des moines, & foûtenoit qu'on ne devoit pas le féparer de l'évêque tant qu'il n'étoit pas juridiquement

condamné.

AN. 1063.

Opufc. vi.

Comme les Florentins interprétoient mal fes fentimens, & Paccufoient de favorifer la fimonie, il leur écrivit une grande lettre pour s'en juftifier. D'abord il Opufc. xxx. protefte qu'il anathématife la fimonie, comme la premiere de toutes les héréfies: mais, ajoûte-t'il, nous croyons fermement que toute la plénitude de la grace appartient à Péglise : en : en forte que les méchans qui font dans fon fein peuvent conférer les facremens. Il renvoye Sup. I. LIX. à ce qu'il en a écrit dans le livre Gratiffimus; puis il continuë: Quant à votre évêque, quelques-uns croyent qu'il a acheté fa dignité, d'autres affûrent qu'il y eft entré gratuitement. Et qui fuis-je pour me jetter au milieu de deux partis fi échauffez fun contre Pautre, & pour charger un homme d'un tel crime avant qu'il en foit convaincu? Le concile que fon tient tous les ans à Rome eft proche; c'eft-là que doit s'adreffer quiconque croit avoir un jufte fujet de plainte contre fon évêque.

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Je m'adresse maintenant à mes freres les moines, que je n'ignore pas être les auteurs de cette querelle. Ils difent que tels évêques ne peuvent ni confacrer le faint crême, ni dédier des églises, ni ordonner des clercs,ni célébrer la meffe; & ils le foûtiennent avec une telle impudence, qu'en trois paroiffes ils ont obligé à baptifer les catéchumenes fans onction du faint crême. Cependant aucune héréfie, que je fçache, n'a jamais eu la hardieffe de féparer le crême du baptême. Que fi on emprunte le crême d'une autre églife, comme fait un prêtre de leur parti, c'est un facrilege & un adultere fpirituel. Et enfuite parlant toujours des mêmes moines: On dit que plus de mille perfonnes trompées par leurs vains difcours, font mortes fans recevoir le corps & le

Lang

fang de Notre-Seigneur. Il y a plufieurs églises dans lefquelles ils ne veulent pas entrer, ni même les saluer, les croyant confacrées par des évêques indignes.

AN. 1063.

c. 9.

Celui qui avoit le plus d'autorité fur ces moines & fur Jean Gualbert lui-même, étoit un réclus nommé Theuzon, qui paffa cinquante ans enfermé près le monaftere de fainte Marie à Florence, d'où il donnoit des confeils falutaires à ceux qui le venoient trouver. Il avoit un grand zéle contre la fimonie, & ce fut par Vira Jo. Gualb. fon confeil que Jean Gualbert alla crier en place publique, que Pévêque étoit manifeftement fimoniaque, ne craignant point d'expofer fa vie pour l'utilité de Péglife. L'évêque Pierre voyant une grande partie, de fon clergé & de fon peuple animée contre lui, crut les intimider en faifant tuer les moines, qui étoient les auteurs de la fédition. Pour cet effet, il envoya de nuit une multitude de gens à pied & à cheval, avec ordre de brûler le monaftere de faint Salvi, & faire main baffe fur les moines. Ce monaftere fitué près de Florence, étoit sous la conduite de Jean Gualbert, & lévêque croyoit qu'on ly trouveroit; mais il en étoit sorti la veille.

Les gens de l'évêque étant entrez dans Péglise où les moines célébroient les nocturnes, fe jetterent fur eux Pépée à la main. L'un reçut un coup au front, qui entroit jusques au cerveau: un autre eut le nez abbatu avec la mâchoire fupérieure, qui lui tomba fur la barbe, d'autres reçurent reçurent des coups dans le corps. Ces meurtriers renverferent les autels, pillerent tout ce qu'ils trouverent, & mirent le feu aux logemens. Enfin trouvant le reste des moines, qui étoient encore dans Péglise, sans fe défendre, ni rompre autrement le filence, qu'en Q

Tome XIII.

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