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même lieu de Goflar, & à la même occafion de placer les fiéges pour vêpres, la querelle fe renouvella, non plus par hazard comme la premiere fois, mais de desfein prémédité. Car lévêque d'Hildesheim, piqué de Paffront qu'il avoit reçû, avoit caché derriére Pautel le comte Ecbert avec des gentils-hommes bien-armez, qui, au bruit que firent les valets de chambre, accoururent auffi-tôt, poufferent à coups de poing & de bâton les gens de fabbé de Fulde, & dans la premiere surprise les chasserent aisément du sanctuaire. Ceux-ci crierent aux armes, & leurs camarades en ayant pris vinrent en troupe fe jetter dans Péglise au milieu du chœur & du clergé qui chantoit, & frapperent à grands coups d'épée.

Alors commença un combat furieux : l'église ne retentit plus que de cris menaçans ou de voix plaintives: on voyoit couler des ruiffeaux de fang & massacrer des hommes jufques fur Pautel. L'évêque d'Hildesheim s'étant faifi d'un lieu élevé, encourageoit les fiens au combat, les exhortant à n'être point retenus par le refpect du lieu, puisqu'ils agiffoient par fon ordre. Le jeune roi, qui étoit présent, crioit de son côté pour retenir le peuple, mais on ne l'écoutoit pas. Enfin ses ferviteurs lui confeillerent de fonger lui-même à la fureté de fa personne, & à grande peine put-il percer la foule pour fe retirer dans fon palais. Les gens de l'évêque qui étoient venus préparez au combat, curent Pavantage, & ceux de l'abbé qui avoient été furpris, furent chaffez de l'églife, dont on ferma auffi-tôt les portes. Les gens de Fulde s'étant raffurez & raffemblez, fe rangerent en bataille dans le parvis, pour attaquer leurs ennemis au fortir de l'église: mais la nuit termina le combat.

Tome X11.

AN. 1063.

ger

Le lendemain laffaire fut examinée avec beaucoup AN. 1963. de févérité; mais le comte Ecbert se justifia facilement par fon crédit auprès du roi, dont il étoit cousin main: tout le poids de Paccufation tomba fur Pabbé de Fulde. On foûtenoit qu'il étoit la feule cause du défordre; qu'il étoit venu à deffein de troubler la cour, puisqu'il avoit amené une fi grande fuite & des gens fi bien armez. Sa profeffion même & le nom de moine, odieux en cette cour, lui nuifoit; & il eût été privé de son abbaye, s'il ne se fût sauvé à force d'argent, aux dépens du monaftere, dont il épuisa les trésors en cette occafion. Cependant Pévêque d'Hildesheim excommunia tous ceux qui s'étoient déclarez contre lui, tant morts que vivans. L'abbé de Fulde retourné chez lui, eut à foutenir une violente rebellion de fes moines irritez depuis long-temps. Elle alla fi loin, que plusieurs fortirent en proceffion pour aller porter leurs plaintes au roi ; & Pabbé ne les foûmit que par la force du bras féculier.

<magne.

Lamb.

X.

L'éducation du jeune roi Henri & le gouvernement Eglifes d'Alle- de Pétat étoit entre les mains des évêques, dont les plus diftinguez étoient Sigefroi archevêque de Mayence, & Annon de Cologne. Ils joignirent à eux Adalbert de Brême, tant pour fa naissance & fon âge, que pour la dignité de fon fiége. Mais en peu de temps il gagna tellement Pefprit du roi, par fon affiduité à lui parler, fes complaifances & fes flatteries, qu'il prit le deffus fur tous les autres prélats, & gouvernoit presque absolument le royaume. Il étoit fecondé par le comte Vernher jeune homme emporté. Eux deux difpofoient de tout: c'étoit d'eux que Pon achetoit les évêchez, les abbayes & toutes les dignitez eccléfiaftiques & féculieres; le

mérite étoit inutile fi on ne leur faifoit de riches préfens..

Ils étoient un peu plus retenus à Pégard des évêques & des ducs: mais comme ils ne craignoient point les abbez, ils ne les épargnoient point; prétendant que le roi n'avoit pas moins de pouvoir fur eux, que fur fes fermiers & fes receveurs. Ils commencerent par diftri-buer à leurs partisans plufieurs terres des monafteres mêmes, fe les faifant donner par le roi, qui ne leur pouvoit rien refuser. L'archevêque de Brême en prit deux pour fa part, Loreisheim & Corbie en Saxe; & pour détourner l'envie, il en fit donner deux à Parchevêque de Cologne, un à celui de Mayence, fçavoir, Selingftat, Altaha à Otton duc de Baviere, & Kempten à Rodolfe duc de Suaube.

AN. 1063,

XI. Concile de Man

Lib. VII. ep. 10.
Ibid. ep.3.

L'antipape Cadaloüs fe foûtenoit toujours; & il avoit même attiré à son parti Godefroi duc de Lorraine & toue. de Toscane, qui d'abord lui avoit résisté vigoureuse-Sup. liv. Lx. n. ment & Pavoit chaffé de devant Rome. Pierre Damien Payant appris, lui en écrivit une lettre très-forte, le preffant de reconnoître fa faute & de revenir à Pobéiffance du pape Alexandre. Il écrivit auffi fur ce sujet au jeune roi Henri, se plaignant de ses miniftres, qui fembloient tantôt reconnoître le vrai pape, tantôt prendre le parti de l'antipape. En cette lettre il parle ainfi des deux puiffances, la royale & la facerdotale : Comme elles font unies en JESUS-CHRIST, elles ont aufli une alliance mutuelle dans le peuple chrétien, chacune a befoin de l'autre : le facerdoce eft protegé par la royauté, & la royauté appuyée fur la fainteté du facerdoce. Le roi porte Pépée pour s'oppofer aux enne-mis de Péglife; le pontife veille & prie pour rendre.

AN. 1064.

Dieu propice au roi & au peuple. L'un doit terminer par la juftice les affaires terreftres, Pautre doit nourrir les peuples affamez de la doctrine célefte. L'un eft établi pour réprimer les méchans par Pautorité des loix; Pautre a reçu les clefs pour user ou de la sévérité des Lib. 111. ep. 6. canons ou de Pindulgence de Péglife. Pierre Damien écrivit aussi sur ce fujet à Annon archevêque de Cologne, dont il connoiffoit le crédit auprès du roi, le priant de procurer au plutôt la tenuë d'un concile univerfel, pour réprimer l'infolence de Cadaloüs & finir le schifme.

Lamb. an. 1064.

ap. Baron. an. 1064

On fçavoit à la cour de Saxe, que les Romains étoient toujours mal contens de ce que le roi avoit voulu faire Cadalous pape fans les confulter; & ils fsembloient difGesta pontific. posez à se révolter pour ce fujet. C'est pourquoi la cour jugea à propos d'envoyer à Rome Annon archevêque de Cologne. Il quitta donc les affaires d'Allemagne, entra en Lombardie, & traverfant la Tofcane, fe rendit promptement à Rome. Le pape le reçut humainement, & Parchevêque lui dit avec douceur & modeftie: Mon frere Alexandre, comment avez-vous reçû le pontificat fans Pordre & le confentement du roi mon maître? Car les rois font depuis long-temps en possession inconteftable de ce droit; & commençant par les patrices & les empereurs, il nomma ceux, par l'ordre & le confentement defquels plufieurs papes étoient entrez dans le faint fiége: mais Parchidiacre Hildebrand & les évêques cardinaux, dirent à Parchevêque de Cologne: Soyez fermement perfuadé, que felon les canons, les rois n'ont aucun droit à Pélection des papes ; & ils rapporterent plufieurs décrets des peres, entre autres celui de Nicolas II. foufcrit de cent treize évêques, Enfin après plusieurs contestations, Parchevêque de Cologne

Sup. liv. LX. 2. 30.

demeura fi bien convaincu, difent les Romains, qu'il AN. 1064 n'avoit rien de raisonnable à leur oppofer. Mais il pria le pape de vouloir bien célebrer un concile en Lombardie pour y montrer la justice de fon élection. Le pape prétendoit que cette propofition étoit nouvelle & contraire à fa dignité; toutefois considérant le malheur du temps, il convoqua le concile à Mantouë.

Petr. lib. 1.

Il voulut que Pierre Damien y affiftât, & pour cet effet, il lui ordonna de venir à Rome : mais Pierre déja epift. 16. vieux & attaché à fon défert de Fontavellane, s'en excufa, & promit feulement d'aller à Mantouë. Le temps Gefta pontif. marqué étant venu, le pape Alexandre s'y rendit avec les évêques & les cardinaux. Tous les évêques de Lombardie s'y trouverent, hors Cadaloüs, quoique Parchevêque de Cologne lui eût ordonné d'y venir. En ce concile le pape Alexandre fe purgea par ferment de la fimonie dont il étoit accufé, & prouva par de fi bonnes raisons la validité de fon élection, qu'il fe reconcilia les évêques de Lombardie, qui lui avoient été oppofez. Au contraire, Cadaloüs fut condamné tout d'une voix comme fimoniaque.

le

Sigebert. ann

1067.

Il ne fe rendit pas néanmoins, mais après que Parchevêque de Cologne fut parti, il vint à Rome une pon feconde fois en cachette ; & ayant gagné les capitaines, & diftribué de l'argent aux foldats, il entra de nuit dans la cité Leonine, & s'empara de léglise de faint Pierre. Le matin le bruit s'en étant répandu dans Rome, peuple accourut en foule à faint Pierre; ce qui épouvanta tellement les foldats qui étoient venus avec Cadaloüs, qu'ils Pabandonnerent tous, & se cacherent dans les caves & d'autres lieux. Alors Cencius fils du prefet, méchant homme, vint au fecours de Cadaloüs,

Lamb, Gefa

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