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guerre,

Leur temple le plus fameux eft à Upfal. Il est tout reAN. 1072. vêtu d'or, & on y révere les ftatuës de trois dieux : au milieu est le trône du plus puiffant qu'ils nomment Thor, des deux côtez font les deux autres, Vodan & Friccon. Ils disent que Thor gouverne fair, le tonnerre, la foudre, les vents, les pluyes, les faifons, les fruits. Ils lui donnent un fceptre, & c'eft comme le Jupiter des anciens Romains. Vodan eft le dieu de la armé comme Mars. Friccon donne la paix & les plaifirs, & eft représenté fous la figure infâme de Priape. Ils adorent auffi des hommes, qu'ils croyent être devenus dieux par leurs belles actions. Ils célebrent tous les neuf ans une fête folemnelle, où tous font obligez d'envoyer leurs offrandes à Upfal: perfonne n'en eft exempt : les Chrétiens mêmes font contraints à fe racheter de cette fuperftition. En cette fête on immole neuf animaux mâles de toute efpece, & on en pend les corps dans un bois proche du temple, dont tous les arbres paffent pour facrez. Un Chrétien m'a dit y avoir vû jufqu'à foixante corps humains mêlez avec ceux des bêtes.

Adaluard, que Parchevêque Adalbert avoit fait évêque de Sictone, ayant en peu de temps converti tous les habitans de cette ville & des environs, entreprit avec Eginon évêque de Scone en Dannemarc d'aller à Upfal, & s'expofer à toutes fortes de tourmens, pour faire abattre ou plutôt brûler ce temple, qui eft comme la capitale de l'idolâtrie du pays, efperant que fa ruine feroit fuivie de la converfion de toute la nation. Le roi de Suede Stenquil qui étoit très-pieux, ayant appris ce deffein des deux évêques, les en détourna prudemment, les affurant qu'ils feroient auffi-tôt condamnez à mort, qu'on le chafferoit lui-même du royaume, comme y

ayant introduit des malfaicteurs ; & que ceux qui étoient alors Chrétiens retourneroient au paganisme, comme il venoit d'arriver chez les Sclaves. Les deux évêques se rendirent à la remontrance du roi : mais ils parcoururent toutes les villes de Gothie, brifant les idoles & convertissant plusieurs milliers de payens.

AN. 1072.

XLIX. Suenon roi de

Saxo. Gram.

Le roi de Dannemarc, dont Adam avoit appris tant de faits importans, étoit Suenon furnommé d'Eftrithe, Dannemarc. à caufe de fa mere fœur de Canut le Grand. Il com- lib.xi. Pontan. lib. mença à regner vers lan 1048. & de peu temps après v. p. 180. le fiége de Rofchild ayant vaqué, on y mit Guillaume Anglois de naissance, qui avoit été fecretaire & chapelain du même Canut, & qui avoit la capacité & la vertu néceffaires pour Pépifcopat. Le pays de Schonen, qui jusques-là avoit été du diocese de Rofchild, commença du temps de ce prélat, à avoir des évêchez, & on en établit deux en deux villes fort proches, Lundon & Dalbi. Mais Henri évêque de Dalbi étant mort à force de boire, Egin évêque de Lundon réünit en lui toute Pautorité, & la mort honteufe du prélat causa la suppreffion du fiége.

Sous ce regne furent auffi érigez deux évêchez dans Pontan. p. 193. le Nord-Jutland, fçavoir, Vibourg, & Burglave depuis transferé à Albor. Suenon affermit beaucoup la religion dans fon royaume, par fa libéralité à orner & à bâtir les églises, & fon affection pour les eccléfiaftiques fçavans & vertueux : mais il deshonora ses vertus

par
fon incontinence. On compte jusques à onze fils &
une fille, qu'il eut de diverfes concubines, & pas un
enfant légitime. Car ayant voulu enfin se marier, il
époufa Guthe fa parente, fille du roi de Suede. Les deux
évêques Egin & Guillaume Pen reprirent avec fermeté,

AN. 1072.

Saxo. lib. xx. p. 189.

& firent tous leurs efforts pour Pobliger à rompre ce mariage : mais voyant qu'ils n'y gagnoient rien, ils porterent leurs plaintes à Parchevêque de Brême, qui preffa le roi de fe féparer de la princeffe. Le roi irrité menaça Parchevêque de lui faire la guerre, en forte que le prélat ne fe croyant pas en sûreté à Hambourg, fe retira à Brême. Enfin Pévêque Guillaume fit comprendre au roi Pinjustice de fon reffentiment, & lui persuada d'obéir aux loix de Péglise. Il renvoya donc Guthe, qui étant retournée chez fon pere, prit Phabit de veuve, & passa le refte de fa vie dans la continence, s'occupant à faire des ornemens pour les églises.

L'autorité de l'évêque Guillaume fur le roi parut principalement en cette occafion. Dans un feftin que le roi donna aux grands, il découvrit que quelques-uns d'entre eux avoient mal parlé de lui en fecret, & en fut tellement irrité, qu'il les fit tuer le lendemain matin jour de la Circoncifion, dans l'église cathédrale dédiée à la Trinité. L'évêque Guillaume ne témoigna à personne la douleur qu'il fentoit de ce facrilege, & fe prépara à officier pontificalement. Mais quand on Pavertit que le roi venoit à l'églife, il n'alla point le recevoir; & quand il voulut entrer, il Parrêta avec fa croffe, dont il lui appuya la pointe contre leftomac, le traitant de bourreau, qui venoit de répandre du fang humain. Enfin il le déclara excommunié.

Les gardes du roi environnerent le prélat Pépée à la main, le voulant tuer, mais le roi les en empêcha; & reconnoiffant fa faute retourna à fon palais, où il ôta fes ornemens royaux, & prit un habit de pénitent. Cependant, Pévêque fit commencer la meffe, & comme il alloit chanter Gloria in excelfis, on lui dit, que le roi

étoit

étoit à la porte en pofture de fuppliant. Il fit ceffer le chant, & s'étant avancé, il demanda au roi pourquoi il s'étoit mis en cet état. Le roi prosterné confessa son crime & en demanda pardon, promettant de réparer le fcandale qu'il avoit donné ; & Pévêque leva aufsi-tôt Pexcommunication, releva le roi en Pembraffant, effuya fes larmes, & lui ordonna d'aller reprendre fon habit royal. Après lui avoir impofé fa pénitence, il fit avancer le clergé pour le recevoir en chantant, & Pamena jusques à Pautel, où il continua la meffe. Le peuple témoigna fa joye par de grands applaudiffemens.

Le troifiéme jour après, le roi vint encore à Péglife en habit royal, & pendant la meffe il monta à la tribune, & ayant fait faire filence par un héraut, il confeffa publiquement la grandeur de fa faute & du scandale qu'il avoit donné. Il loüa Pindulgence de Pévêque, & déclara; que pour réparation du crime commis par fon ordre, il donnoit à Péglise moitié de la province de Steffen. Depuis ce temps, le roi honora & aima l'évêque de plus en plus, & ils vécurent toujours dans une parfaite union.

AN. 1072.

L.

S. Annon rentre en faveur.

Après la mort d'Adalbert archevêque de Brême, faint Annon archevêque de Cologne, reprit en Allemagne la principale autorité. Car le roi Henri, étant Lambert. venu à Utrecht celebrer la Pâque, qui étoit le huitiéme d'Avril 1072. y reçut de grandes plaintes des injuftices qui fe commettoient par tout fon royaume, de Poppreffion des innocens & des foibles, & du pillage des églifes & des monafteres. Touché de ces défordres ou fatigué des clameurs du peuple, il pria Parchevêque de Cologne de prendre fous lui le foin de Pétat. Tous les feigneurs joignirent leurs inftances à celle du roi : mais Ff

Tome XIII.

Parchevêque résista long-temps. Il se souvenoit des AN. 1072. mauvais traitemens qu'il avoit reçus ; & d'ailleurs étant tout occupé de Dieu, il avoit peine à s'embarrasser d'affaires temporelles il ceda toutefois au bien public, & au defir unanime du roi & des seigneurs. On s'apperçut bien-tôt de ce changement: la violence fut reprimée, la justice reprit le deffus, & le faint archevêque parut n'être pas moins digne de la royauté que du facerdoce.

L I.
Concile d'An-

gleterre.
Sup. n. 36.
Lanfranc. ep.3.

1213. 1211.

Le pape Alexandre avoit renvoyé au concile d'Angleterre la connoiffance du différend entre les deux archevêques de Cantorberi & d'Yorc; ce qui fut ainfi &to. ix. conc. p. execute. A Pâques de cette année 1072. le roi Guillaume tint fa cour à Vincheftre où fe trouverent quinze evêques, plufieurs abbez & plusieurs seigneurs, avec Hubert lecteur de Péglife Romaine & legat du pape. Ils s'affemblerent en concile dans la chapelle du roi, qui étoit préfent, & qui les conjura par la foi qu'ils lui avoient jurée, d'écouter cette affaire avec une grande application, & de la juger fans favoriser les parties. Ils Sup. lib. xxxv1. promirent Pun & Pautre. On apporta Phistoire eccléfiafn. 40. lib. x. tique de Bede, & on en lut des paffages par lesquels il

n. 11.

parut, que depuis faint Auguftin premier évêque de Cantorberi jufques à la fin de la vie de Bede, qui eft un espace d'environ cent quarante ans, les archevêques de Cantorberi avoient eu la primatie fur toute la grande Bretagne & PIrlande: qu'ils avoient fouvent célebré des ordinations d'évêques & des conciles dans la ville même d'Yorc & dans les lieux voifins où il leur avoient plû; qu'ils avoient appellé les archevêques d'Yorc à ces conciles, & quand il avoit été befoin, les avoient obligez à rendre compte de leurs actions. Quant aux évêques

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