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touchant le Vexin, il tomba malade à Rouen, & fut traité entre autres médecins par Gilbert évêque de Li-AN. 1087. fieux & Gontard abbé de Jumieges. Il avoit trois fils, Robert, Guillaume & Henri : Robert s'étoit plufieurs fois révolté contre lui, & étoit alors auprès du roi de France : les deux autres étoient avec le roi leur pere. Se fentant près de fa fin, il les fit venir & quelques-uns des feigneurs ses confidens, & traita avec eux de la difpofition de fes états. Il laissa le duché de Normandie à Robert fon fils aîné, le royaume d'Angleterre à Guillaume le Roux fon fecond fils; & au troifiéme Henri cinq mille livres d'argent. Il donna le refte de fon tréfor aux églises & aux pauvres, & en régla lui-même la

diftribution.

Il parla long-temps aux affiftans; & premierement fe reconnut coupable de grands pechez, principalement du fang répandu en tant de guerres qu'il avoit foûtenuës. Il repaffa les principaux événemens de fa vie, & -ajoûta: J'ai toujours honoré l'églife, & n'ai jamais vendu les dignitez eccléfiaftiques, déteftant la fimonie; au contraire dans le choix des prélats, j'ai cherché les perfonnes les plus dignes, autant qu'il m'a été poffible, comme Lanfranc archevêque de Cantorberi, Anfelme abbé du Bec, Gerbert de Fontenelle, Durand de Troarn, & plufieurs autres. Je les ai attirez auprès de moi; & me suis fait un plaifir de profiter de leurs fages confeils. Mes peres avoient fondé en Normandie neuf abbayes de moines & une de religieufes; & grace à Dieu elles fe font augmentées de mon temps & par mes bienfaits. Depuis que je fuis duc, on a bâti dix-fept monafteres de moines & fix de religieufes, où l'on fait tous les jours beaucoup de fervice & de grandes aumônes. Ce

p. 658. D.

font les véritables fortereffes de la Normandie. J'ai aussi AN. 1087. confirmé gratuitement toutes les donations que mes barons ont faites à Péglife, tant en Normandie qu'en Angleterre. Il exhorta fes enfans à fuivre fon exemple, & à prendre toujours le confeil des hommes doctes & pieux.

On le pria de relâcher ceux qu'il tenoit en prison, ce qu'il accorda, à la referve d'Eudes évêque de Bayeux fon frere uterin, qu'il avoit fait arrêter quatre ans auparavant à cette occafion. Quelques forciers Romains chercherent qui feroit pape après la mort de Gregoire Ibid. p. 646.D. VII. & trouverent qu'il fe nommeroit Eudes. L'évêque de Bayeux Payant appris en Angleterre, où il étoit comme viceroi, envoya à Rome, y acheta un palais qu'il meubla magnifiquement, & fit de grands préfens aux fénateurs, pour gagner leur amitié. Il s'affura du comte de Chestre & d'un grand nombre de chevaliers, à qui il fit de grandes promeffes; & ils s'engagerent par ferment à le fuivre en Italie. Le roi Guillaume averti de ces préparatifs que faifoit Pévêque fon frere, crut fon deffein préjudiciable à Pétat, & pour Parrêter fe preffa de paffer en Angleterre. Le prélat de fon côté venoit en Normandie avec un grand appareil: mais il fut bien furpris de rencontrer le roi dans Pille d'Oüigt. Le roi affembla les feigneurs, & leur dit : Avant que de repasser en Normandie, je laiffai le gouvernement de PAngleterre à l'évêque de Bayeux mon frere, qui y a commis des véxations inoüies contre les peuples & contre les églifes mêmes qu'il a dépouillez ; & maintenant fur des efperances frivoles il a débauché mes troupes néceffaires à la garde du pays, pour les mener au-de-là des Alpes. Que me confeillez-vous de faire en cette

occafion? Comme perfonne n'ofoit dire fon avis, ni prendre l'évêque, quoique le roi l'eût commandé, il le prit lui-même. Le prélat s'écria: Je fuis clerc, on ne peut condamner un évêque fans jugement du pape. Je ne vous condamne pas comme évêque, dit le roi, mais comme comte, qui doit me rendre raifon du gouvernement du royaume que je lui ai confié. Il le fit donc mener en Normandie, & enfermer au château de Roüen, où il demeura quatre ans.

Le roi étant à Particle de la mort, comme on le preffoit de délivrer ce prélat, il dit : Vous devriez confidérer pour qui vous me priez: pour un homme qui méprife & deshonore la religion, pour un séditieux, qui ne fera pas plutôt en liberté qu'il troublera tout le pays & fera périr bien du monde. Toutefois je vois bien que quand je vous le refuferois, il fera bien-tôt délivré après ma mort: ainfi je Paccorde, quoiqu'à regret. Le roi Guillaume ayant ainfi donné tous les ordres, mourut le jeudi neuviéme de Septembre 1087. âgé de soixante-quatre ans, dont il avoit regné vingt-un comme roi d'Angleterre, & cinquante-fix comme duc de Normandie.

Son corps fut porté à Caën, pour être enterré dans Pabbaye de faint Etienne qu'il avoit fondée. Guillaume archevêque de Rouen fit la cérémonie des funerailles, affifté des fix évêques fes fuffragans & de plufieurs abbez. Après la meffe & avant l'inhumation, Gilbert évêque de Lifieux monta en chaire & fit Poraison funebre, après laquelle il exhorta le peuple à prier pour le prince défunt, & à lui pardonner, s'il avoit offensé quelqu'un d'entre eux. A ce difcours plufieurs répandirent des lar-· mes: mais un nommé Afcelin fils d'Artus fe leva dans

AN. 1087.

p. 660.

la foule, & dit à haute voix : Cette place où vous êtes AN. 1087 étoit la cour de la maifon de mon pere, que celui pour qui vous priez, n'étant encore que duc de Normandie, lui ôta par violence, & fans en faire aucune justice y bâtit cette églife. Je reclame donc cette terre, & je défens de la part de Dieu, de Dieu, que le corps de Pufurpateur foit enterré dans mon héritage. Les évêques & les feigneurs ayant appris des voifins qu'il étoit ainfi, appaiferent Afcelin par la douceur, & lui donnerent fur le champ foixante fols pour la feule place de la fépulture: promettant de le fatisfaire pour le refte, comme ils firent peu de temps après. En faifant Pinhumation le cercueil fe trouva trop court; en forte qu'il fallut plier le corps pour ly faire entrer, ce qui fit crever le ventre, car il étoit très-gros; & il répandit une odeur qui ne put être corrigée ni par l'encens, ni par les autres parfums. On fe preffa de finir la cérémonie ; & cet accident fit faire de triftes réflexions fur la vanité des grandeurs humaines..

XXXIX.

Fin de faint Ar

36.

Sup. n. 19.

Vita lib..11. c.

En France faint Arnoul évêque de Soissons, mounoul de Soiffons. rut un mois avant le pape Victor. Quand il revine à fon diocéfe en 1084. comme il y étoit extrêmement defiré, il fut reçu avec une joye universelle. Mais il apprit bien-tôt la mauvaise conduite du roi Philippe, qui ne fe mettoit point en peine de réprimer les crimes, & donnoit fans choix les évêchez & les abbayes. Mabill. obf. p. Pour furcroît d'affliction, il voyoit l'église de Reims fa métropole, après la dépofition de Manaffés, abandonnée à Elinand évêque de Laon, qui fous Pautorité du roi, la pilla plutôt qu'il ne la gouverna, pendant deux ans. On ne tenoit point de conciles, & on ne rendot point de jugemens eccléfiaftiques. Saint Arnoul voyant

505.

donc qu'il ne pouvoit faire aucun bien dans fon diocéfe, renonça à Pépiscopat, & retourna à son ancienne réclufion au monaftere de faint Medard de Soiffons, ne voulant plus fonger qu'à fe préparer à la mort.

AN. 1087.

Hilgot fut fait à la place évêque de Soiffons, & en to. x. p. 406. cette qualité il affifta à un concile tenu à Compiegne en 1085. où préfida Renauld archevêque de Reims, & où se trouverent neuf autres évêques, fçavoir Elinand de Laon, Roger de Châlons, Urfion de Beauvais Urfion de Senlis, Roricon d'Amiens, Ratbot de Noyon, Gerard de Cambrai, Geofroi de Paris, & Gautier de Meaux. Il y avoit auffi dix-neuf abbez. En ce concile on dépofa Evrard abbé de Corbie, & on confirma les privileges de Péglise de faint Corneille de Compiegne, fervie alors par des chanoines. Le nouvel archevêque Marlot. to. 2. Renauld étoit auparavant tréforier de Péglise de Tours, lib. 1. c. 4. homme distingué par sa vertu, par sa doctrine & sa fa nobleffe, car il étoit de la famille du Bellai. Il commença à rétablir la discipline dans Péglise de Reims, dont il tint le fiége au moins dix ans.

Il n'y avoit guères que deux ans que faint Arnoul Vita c. 27. étoit rentré dans fa réclufion, quand les plus nobics de la ville d'Outtembourg vinrent avec un moine dù monastere qu'il y avoit fondé, le prier de retourner en Flandres, appaifer les défordres qui recommençoient. Le faint homme, quoique perfuadé que fa mort étoit proche, ne laiffa pas d'aller avec eux, avec eux, & arriva à Outtembourg le dix-huitiéme de Juillet 1087. Il demeura fept jours en fanté, prêchant la parole de Dieu; mais le jour de faint Jacques, après avoir célébré la messe, il commença à fe trouver mal, & après trois semaines de maladie, le samedi veille de PAffomption il se fit

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