Images de page
PDF
ePub

bois, & y vécut quelque temps feul, travaillant fans cesse. Ensuite il vint à Naupacte ou Lepante,où un moine nommé Barthelemi se joignit à lui & ne le quitta plus. Ils s'embarquerent & pafferent à Otrante en Italie, & de-là en divers lieux, où Nicolas étoit traité, tantôt comme un faint, tantôt comme un infenfé. Il jeûnoit tous les jours jufques au foir, fa nourriture n'étoit qu'un peu de pain & d'eau, & toutefois, il n'étoit pas maigre. Il paffoit la plupart des nuits à prier debout. Il étoit vêtu feulement d'une tunique courte jufques aux genoux, les jambes & les pieds nuds auffi-bien que la tête. Il portoit à la main une croix légere de bois & en écharpe une gibeciere, où il mettoit les aumônes qu'il recevoit, & qu'il employoit principalement à acheter des fruits pour donner aux enfans qu'il menoit avec lui, chantant aufli Kyrie eleifon.

Ce fut en Italie, qu'on le furnomma Peregrinus, c'està-dire, étranger, & il -y fit plusieurs miracles, continuant toujours fon chant & exhortant tout le monde à la pénitence. Mais fes manieres extraordinaires le firent fouvent maltraiter, quelquefois même par fordre des évêques. Il paffa à Tarente, puis à Trani, où il tomba malade, & mourut le vendredi second jour de Juin 1094. étant encore tout jeune. On vint en foule le voir pendant fa maladie, & lui demander fa bénédiction: mais le concours fut encore plus grand à ses funerailles. Il fut enterré dans l'église cathédrale avec grande solemnité, & il se fit à son tombeau grand nombre de miracles. On Pinvoquoit particulierement pour les naufrages, comme faint Nicolas de Myre.

AN. 1094.

p. 246.

p. 248

P.250.

XIX.

Eglife d'Alle

Pendant la femaine fainte de la même année 1084, Gebehard évêque de Conftance & légat du pape en magie.

Berthold. to. x.

conc. p. 497.

y

Allemagne tint un concile dans fon église avec un grand AN. 1094 nombre d'abbez, de clercs & de feigneurs du pays. On renouvella les défenses d'entendre Poffice celebré par les prêtres fimoniaques ou incontinens. On ordonna que le jeûne du mois de Mars fe feroit toujours la premiere femaine de carême, & celui de Juin la femaine de la Pentecôte, comme nous Pobfervons encore. Jufques-là le temps de ces jeûnes n'étoit pas réglé, comme il paroît par le concile de Selingstat, tenu en 1022, qui Conc.Saleg. c.2. nomme le jeûne des quatre-tempsincertain. On ordonna encore à Conftance, qu'on ne fêteroit que trois jours, tant dans la semaine de Pâques, que dans celle de la Pentecôte au lieu qu'auparavant dans ce diocése on fêtoit la semaine entiere de Pâques, & un feul jour à

v. Sirm.ad Goffr. II. ep. 23.

Berthold.

la Pentecôte.

Il y eut cette année une grande mortalité en Baviere, qui s'étendit dans le refte de l'Allemagne, & même en France, en Bourgogne & en Italie: mais les plus fages ne jugeoient pas que ce fût un fi grand mal. Car comme prefque perfonne ne guériffoit de cette maladie, la plûpart de ceux qui en étoient attaquez se préparoient férieusement à la mort, & paroiffoient mourir dans de grands fentimens de pénitence. Ceux mêmes qui reftoient, s'abftenoient du cabaret & des autres divertiffemens, couroient à la confeffion, & ne ceffoient de fe recommander aux prêtres. Il y avoit alors en Alface un docteur nommé Manegold de Lutenbach, qui profta merveilleusement de cette occafion pour Putilité de la religion. Car pendant cette mortalité, qui fut longue, toute la nobleffe du pays venoit le trouver en foule, pour se faire abfoudre de Pexcommunication, en vertu du pouvoir qu'il en avoit reçu du pape, après quoi ils

recevoient la pénitence & Pabsolution de leurs autres pechez. Ils demeurerent tous très-fideles au pape Urbain, & ne vouloient point affister à l'office des prêtres fimoniaques ou incontinens. Manegold avoit fondé à Marbach un monaftere de chanoines réguliers, entre lesquels il vivoit lui-même en communauté. Le pape Urbain avoit déja moderé les excommunications à Pimitation de Gregoire VII. en exceptant plufieurs perfonnes de la néceflité d'éviter les excommunicz.

la

AN. 1094.

XX.

Concile de

S. P. vivi. an.

1094.

La même année 1094. le dix-huitiéme de Septembre, on tint un concile à Reims par ordre du roi Philippe, Reims. qui efpéroit y faire approuver fon mariage avec Ber- .p.497. Chr. trade, vû que Berthe fa premiere femme étoit morte même année. Il s'y trouva en perfonne avec trois archevêques, Renauld de Reims, Richer de Sens & Raoul de Tours. Richer n'y alla qu'à Pinftante priere du roi, qui lui représenta, que Renauld étoit tellement incommodé de la goutte, qu'il ne pouvoit fortir de fon fiége; & Richer fut reçu à Reims avec le même honneur, que s'il en eût été Parchevêque. Huit évêques affifterent à ce concile, Geoffroi de Paris, Gautier de Meaux, Hugues de Soiffons, Elinand de Laon, Rabbod de Noyon, Gervin d'Amiens, Hugues de Senlis & Lambert d'Arras. Ce dernier étant revenu de Rome la même année, avoit été intronisé folemnellement dans fon église le jour de la Pentecôte ; & dans ce concile il fut enfin reçu par fon archevêque le jour de faint Matthieu, en lui promettant obéiffance. Manaffés élû archevêque de Cambrai ne fut pas fi-tôt facré, quoiqu'approuvé par le à caufe du fchifme formé en cette église par pape le parti de Parchidiacre Gaucher.

Ives de Chartres étant invité à ce concile, s'en excu- epist. 35.

AN. 1094.

Inn.

XXI. Concile d'Au

n.33.35.

fa, parce qu'il ne devoit point être jugé hors de fa province; car il fçavoit que l'on vouloit Py accufer: & comme cette accufation n'avoit autre fondement que la haine qu'on lui portoit, il appella au faint fiége. Je ne le fais pas, dit-il, pour éviter le jugement, ma justification eft bien facile. On m'accufe de parjure, & je n'ai jamais fait de ferment à perfonne; mais je ne veux pas donner lexemple de s'écarter des régles, ni m'exposer à un péril certain pour un avantage incertain; car j'ai demandé fauf-conduit au roi, & ne Pai pû obtenir. Or autant que je puis juger par les menaces qui m'ont été faites, il ne me feroit pas permis dans votre assemblée de dire impunément la vérité, puifque c'eft pour l'avoir dite & pour avoir obéi au faint fiége, que je fuis traité fi durement, & accufé de parjure & de crime d'état; mais, permettez-moi de le dire, on auroit plus de raifon d'en accufer ceux qui fomentent une playe qui ne peut guérir que par le fer & le feu; car fi vous aviez tenu ferme comme moi, notre malade feroit guéri. C'est le roi dont il parle. Il continue: Que le roi fafle contre moi tout ce que Dieu lui permettra de faire : qu'il m'enferme, qu'il m'éloigne, qu'il me profcrive: j'ai réfolu, avec la grace de Dieu, de tout fouffrir pour fa loi.

fe

Nous avons vu les plaintes de Hugues, archevêque de Lyon, contre le pape Victor III. & PexcommunicaSup, lib. LXIII. tion prononcée contre lui par ce pape au concile de Benevent en 1087. Après la mort de Victor, Hugues reconnut le pape Urbain, & foûtint qu'il ne s'étoit jamais 10. x. conc. p. féparé de la communion de l'églife Romaine. C'est ce. 416.ex to. vi. Spi- qu'il témoigne dans une lettre écrite à la comteffe Mathilde, où il se plaint des infultes qu'il fouffre de la part des moines de Clugni. Il dit, que le vendredi faint de

Pannée

Pannée précédente, leur abbé Hugues prononça publiquement Poraifon ordinaire pour l'empereur, quoiqu'on Peut omife depuis que Henri avoit eté excommunié & déposé par le pape Gregoire. Et quand je lui en demandai la raison, ajoûte-t'il, fe trouvant embarraffé, il répondit qu'il avoit dit cette oraison pour quelque empereur que ce fût. Et comme nous lui remontrâmes que cette oraifon ne fe pouvoit entendre d'un autre que de l'empereur Romain, il fe tût; mais il ne voulut point fe corriger de cette faute. Cette conduité de faint Hugues, abbé de Clugni, semble montrer qu'il reconnoiffoit toujours Henri pour empereur, nonobftant Pex

communication.

AN. 1094

epift. 12.

ep. 24. to. x. p.

Berthold. 1094.
Chr. Vird. p.

L'archevêque Hugues fe réconcilia fi bien avec Urbain II. que ce pape le rétablit légat en France, comme il avoit été fous Gregoire VII. Ives de Chartres approuva extrênrement ce choix, & encouragea Hugues à accep- 5oo. ter la commiffion; car il en faifoit difficulté, à caufe du trouble que le fchifme caufoit dans l'églife. Hugues 240. donc en qualité de légat, tint un concile à Autun le feiziéme d'Octobre de cette année 1094. où affifterent trente-deux évêques & plufieurs abbez : on y remarque entr'autres Raoul archevêque de Tours, & Hoël évêque du Mans. On y renouvella Pexcommunication contre l'empereur Henri, & Pantipape Guibert, & Pon excommunia pour la premiere fois le roi de France Philippe, pour avoir époufé Bertrade du vivant de fa femme légitime. On défendit aux moines de faire les fonctions de curez dans les églifes paroiffiales. On y jugea le differend entre Parchevêque de Tours & Pabbé de Marmoutier, qui ne vouloit point lui prêter ferment. Il en fut déchargé, & on ordonna aux parties de vivre Bbbb

Tome XIII.

« PrécédentContinuer »