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que les moines qui font morts au monde, font indignes AN. 1096.

des fonctions facerdotales, & ne peuvent donner ni la pénitence, ni le baptême ou Pabfolution: mais ils fe trompent. Autrement faint Gregoire étant moine ne feroit pas monté fur le faint fiége, & fon difciple faint Augustin Papôtre des Anglois, faint Martin, & tant d'autres faints qui étoient moines, n'auroient pas été élevez à Pépifcopat. Auffi faint Benoît n'a point fait aux moines de telle défense : il a dit feulement, qu'ils ne devoient point se mêler d'affaires temporelles. Ce qui eft étroitement défendu aux chanoines auffi- bien qu'aux moines, puisque les uns & les autres font morts au monde. Les uns & les autres font femblables aux anges puifqu'ils annoncent les ordres de Dieu: mais les moines ressemblent aux Séraphins, dont leur habit représente les fix aîles: deux par le capuce, deux par les manches, deux par le corps. Nous ordonnons donc que ceux qui attaqueront les moines fur ce fujet, foient réprimez par Pautorité facerdotale. Des hommes, qui ont quitté le monde pour mener une vie apostolique, doivent avoir plus de pouvoir de délier les pechez que les prêtres féculiers: & font plus dignes de prêcher, de baptifer, de donner la communion & d'imposer la pénitence : c'est pourquoi nous leur permettons toutes ces fonctions.

Ceux que ce décret traite d'ignorans, auroient pû répondre, que les anciens, en diftinguant l'état des moines de celui des clercs, ne nioient pas que l'on ne trouvât fouvent entre les moines des fujets dignes de la clericature & même de Pépiscopat : mais alors ils changeoient d'état, & quittant leurs folitudes ils rentroient dans le commerce des autres fidéles, pour le fervice de Péglise : confervant toutefois les faintes pratiques de la vie mo

6.3.

naftique, autant que leurs fonctions le permettoient. AN. 1096. Ce qui paroiffoit nouveau & contraire aux anciennes maximes, c'est que des moines demeurant dans leurs monafteres, euffent la liberté d'exercer toutes les fonctions eccléfiaftiques, même à Pégard des féculiers, Chr. Malleac. c'est toutefois ce qu'Urbain II. femble autoriser. En ce même concile le roi Philippe ayant fait fatisfaction au pape, & promis de quitter Bertrade, fut absous de Pex

p. 213. Berthold. an.

1096.

ce.

XXXVIII.
Reliques de S.

Fulcon. ap. Bol

1.52.

communication.

&

De Nifmes le pape retournant en Italie, passa à saint Antoine en Fran- Gilles, à Avignon, à Vienne, où il ordonna de mettre dans une église les reliques de faint Antoine. Voici com17. Janu. to. 2. p. ment on dit qu'elles avoient été apportées en France. Joffelin feigneur de la Mote faint Didier en Viennois, alla à Jerufalem pour accomplir un vœu de fon pere, & au retour paffa à Conftantinople, où il fut bien reçû de l'empereur, & gagna fes bonnes graces. Il vifitoit fouvent une ancienne eglife, où l'on croyoit avoir le corps de faint Antoine, fans que l'on fçache comment il avoit été apporté d'Alexandrie à Conftantinople. Joffelin voyant que cette églife étoit en un lieu prefque abandonné, & les eccléfiaftiques qui la fervoient très-pauvres: leur perfuada de venir avec leur relique en France, où il les établiroit en un lieu commode & agréable, & où la relique feroit plus honorée. Il obtint la permiffion de l'empereur, & emporta ainfi le corps de faint An

v. Baillet. 17. Jan. n. 13.

toine.

Etant arrivé en Viennois, il étoit en peine de trouver un lieu propre pour mettre ce précieux dépôt; & en attendant il le portoit par-tout avec lui, même à la guerre. Enfuite il réfolut de bâtir une église de faint Antoine dans fa terre de la Mote: mais après en avoir

pa

mis les fondemens, il fut détourné de continuer, & mourut fubitement fans enfans. Guigues-Didier fon AN. 1096. rent lui fuccéda, & continua de faire porter par tout avec lui la châffe de faint Antoine, par la confiance qu'il y avoit. Mais le pape Urbain II. paffant par le Viennois, trouva indécent que ce faint corps fût entre les mains d'hommes laïques & portant les armes. C'eft pourquoi ayant pris connoiffance de l'affaire, il défendit à Guigues-Didier fous peine d'excommunication d'en ufer ainfi à Pavenir, & lui ordonna de mettre au plutôt le corps de faint Antoine en quelque lieu faint. Guigues réfolut donc d'achever léglife commencée par Joffelin; & en attendant il mit la relique à la place où devoit être le grand autel fous une petite chapelle qu'il fit bâtir à la legere. Il y mit des féculiers, pour recevoir les oblations des fidéles & les employer au bâtiment de Péglife. Mais quelques années après, il y fit venir des moines du monaftere de Mont-Majour, au diocéfe d'Arles, & la nouvelle églife devint un prieuré de Bénédictins. Tels furent les commencemens du culte de faint Antoine en Viennois,

Sanction évê que d'Orleans. Gall. Chr. to.2

P. 245.

Jean évêque d'Orleans étant mort, Raoul fon frere ar- XXXIX. chevêque de Tours, voulut faire élire pour lui fuccéder Jean archidiacre de la même église : mais la plus grande partie du clergé élut le doyen Sanction ou Sanfon. Ceux qui lui étoient oppofez écrivirent à Ives de Chartres, qu'il avoit été élû par fimonie & par la puiffance féculiere. Sur quoi Ives l'exhorta à fe retirer, s'il fe fentoit coupable, & ne fonger qu'à finir fes jours en paix : car il étoit fort âgé. Mais étant depuis mieux informé, il foûtint félection de Sanction & en écrivit ainfi à Hugues archevêque de Lyon, conjointement avec Guillaume de Paris & Gautier de Meaux.

ep. 51,

AN. 1096.

ep. 54.

epift. 53.

a

Après la mort de Jean évêque d'Orleans, Parchevêque de Tours avec quelques-uns des amis du défunt & des fiens, s'eft efforcé par des cabales fecretes, de donner l'évêché du confentement du roi, à un archidiacre nommé Jean, qui n'a ni l'âge, ni la science, ni la maturité des mœurs convenables à cette place, & que Pon accuse au contraire d'une familiarité honteuse avec l'évêque défunt, & avec quelques-uns de ceux qui défirent le faire évêque. La plus grande & la plus faine partie du clergé, voulant éviter les oppreffions qu'ils avoient fouffertes du temps du défunt évêque; a élu du confentement du roi, Sanction doyen de la même églife, homme grave, comme vous fçavez, par fon âge & par fes mœurs. Ils nous ont prié de la part de l'archevêque

de Sens, d'aller le facrer à Château-Landon : mais nous l'avons refusé, à caufe que cet archevêque rejette la primatie de Lyon & eft interdit par le faint fiége. Cependant les adverfaires de Sanction se font opposez à fon facre, l'accufant de fimonie & de brigue; mais ils ne font point venus à Chartres, où nous leur avions donné jour pour foûtenir leur accufation ; & Sanction s'en eft purgé par ferment lui feptiéme. C'est pourquoi nous l'avons facré, après qu'il vous a promis obeiffance, & nous l'avons envoyé à fon églife où il a été reçu avec toute forte de foûmiffion, fans contradiction de per: fonne.

Par une autre lettre d'Ives de Chartres, il paroît que Sanction, le jour de fon entrée à Orleans, délivra un clerc de prison, fuivant la coutume de la ville, comme il le dit expreffément; & cette coutume y dure encore. Cependant les pèlerins, qui s'étoient croifés pour Voyage des faire le voyage de Jerufalem, commençoient à mar

XL.

Croisez.

cher

cher de toutes parts. Les principaux étoient Hugues AN. 1096. furnommé le grand, frere du roi de France, & comte Guill. Tyr. 1. de Vermandois par fa femme : Robert duc de Norman- c. 17. die furnommé Courte-heufe, frere du roi d'Angleterre: Etienne furnommé Henri comte de Blois, de Chartres & de Troyes: Raimond comte de Toulouse & de faint Gilles: Godefroi duc de Lorraine, avec fes freres Baudouin & Eustache, & Baudouin du Bourg leur coufin, fils du comte de Retel. Il y avoit un grand nombre de moindres feigneurs, & une infinité d'autre nobleffe. Il y eut des évêques, entr'autres, Adhemar du Pui légat pour la croisade, & Guillaume évêque d’Orange, quantité de prêtres & d'autres clercs, quantité d'abbés & de moines, & même des reclus qui fortoient de leurs cellules.

C. 16.

Orderic. lib. 1%.

Ce mouvement fut fi grand, qu'il entraînoit le pctit peuple, & jufqu'aux femmes & aux enfans. Ils accouroient en troupes auprès des feigneurs croifés, pour les accompagner, avec promeffe de les fervir & leur obéir. Ils s'empreffoient à qui partiroit le premier & feroit plus promptement fes préparatifs. Les feigneurs vendoient ou engageoient leurs châteaux & leurs ter- P. 720. res, même à vil prix : chacun quittoit ce qu'il avoit de plus cher, femmes, enfans, pere, mere : les voleurs même & les fcélerats confeffoient leurs péchez, & cherchoient à les expier par la guerre fainte. Il eft vrai que tous les croisés n'étoient pas animés du même zèle. Quelques-uns s'engageoient par compagnie, pour ne pas quitter leurs amis: d'autres par honneur, pour n'être pas eftimés poltron, les uns par légereté, les autres par intérêt, pour éviter les pourfuites de leurs créanciers. Plufieurs moines quittoient leur habit pour porter les

Tome XIII.

Gggg

Berthold. an.

1095.

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