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Brague. C'est ainsi que la France fournit des évêques AN. 1097. à PEspagne auffi-bien qu'à la Sicile, pour y religion après l'oppreffion des Musulmans.

rétablir la

Sup. n. 13.

p. 214.

Cependant Pierre I. roi d'Arragon, prit Huefca fur Chr. Malleae. eux, après qu'ils Peurent poffédée plus de trois cens ans, & gagna une grande bataille à la mi-Novembre 1096. Le pape y rétablit l'évêque qui avoit été transféré à Jaca; & le jour de Pâques, cinquième d'Avril de Pannée fuivante 1097. Amat archevêque de Bourdeaux dédia la mosquée d'Huesca, pour en faire une église.

XLIV. Daim bert arche

vêque de Sens.

Chr. S. P vivi. to. 2. Spicil. p.

En France, Richer archevêque de Sens mourut à la fin du mois de Décembre 1096. après avoir tenu ce fiége près de trente-cinq ans. Daïmbert vidame de la même églife, homme noble & confideré, fut élu par tout le 749. clergé & le peuple pour lui fuccéder; mais il demeura quatorze mois fans être facré, par l'opposition de Hugues archevêque de Lyon, qui prétendoit que Daïmbert lui devoit prêter ferment comme à fon primat. Quoique cette élection eût été faite sans confulter les Ivo. ep. 584. évêques de la province, le clergé de Sens écrivit à Ives de Chartres, pour le prier d'ordonner prêtre Daïmbert le jour de la Purification 1097. car il n'étoit que diacre, & de le facrer évêque le dimanche fuivant; mais Ives leur représenta, que fuivant les canons les ordinations ne fe devoient faire qu'aux quatre-tems, & qu'il avoit befoin de conférer avec fes confreres fur cette affaire, & avec Pélu même. Ainfi fon ordination fut re- epift. 59 mise au commencement du carême. Surquoi Ives de Chartres écrivit à Hugues de Lyon, pour fçavoir ce qu'ils devoient faire, & après avoir reçu fa réponse, il lui écrivit encore ainfi :

Vos ordres ont été suivis, nous nous fommes abfte- erin.co.

nus de sacrer Parchevêque élu de Sens, & nous avon? AN. 1097. envoyé vos lettres aux évêques de notre province, pour obéir à l'autorité apoftolique. Mais nous vous prions & vous confeillons d'ufer à Pavenir de cette autorité avec plus de retenue; de peur qu'en nous prescrivant des chofes impoffibles, vous ne nous mettiez dans la néceffité de défobéir. Quant aux ordres du faint fiége, qui regardent la confervation de la foi, ou la correction des mœurs, nous fommes réfolus à les obferver, quoi qu'il nous en coûte. Mais quand vous nous enjoignez fi expreffement des choses indifférentes pour falut, ou quand vous changez comme il vous plaît ce qui eft établi par la coutume & par l'autorité des peres: regardez à qui l'on doit plutôt obéir, aux peres, ou à vous, qui prétendez ne faire que fuivre leurs traces. Il rapporte enfuite plufieurs autoritez des papes, qui déclarent qu'ils ne veulent rien innover contre la tradition & Pautorité des canons: puis il ajoûte :

Les canons ayant donc réglé comment un métropolitain doit être ordonné, nous nous étonnons que vous prétendiez que Pélu de Sens vous doive être présenté avant fon facre, & vous promettre obéiffance en vertu de votre primatie : ce qui n'a jamais été observé, ni dans la province de Sens, ni dans aucune autre. D'où

vient que le pape Nicolas écrit à Raoul archevêque de Bourges, que les primats ou les patriarches n'ont aucun privilége au-deffus des autres évêques, qu'autant que les canons ou la coutume leur en donnent. Au reste celui dont il s'agit eft, fuivant ce que nous en avons oui dire, d'une naiffance noble & fuffifamment inftruit, ceux qui le connoissent en rendent bon témoignage ; & il étoit diacre dans fon église, quand il a été élu gra

tuitement

tuitement & tout d'une voix. Mais s'il cédoit mainte

nant à ce que vous exigez de lui, on diroit qu'il auroit AN. 1097. achete fa confécration par cette complaifance.

Quant à ce que vous avez écrit, qu'il a reçu de la main du roi l'inveftiture de Pévêché, nous n'en avons point de connoiffance; mais quand il Pauroit fait, nous ne voyons pas en quoi cette cérémonie nuit à la religion, puifqu'elle n'a aucune force de ferment, & qu'il n'y a aucune défense aux rois de la part de faint fiége d'accorder les évêchez, après l'élection canonique. Au contraire nous lifons que les papes ont quelquefois intercédé auprès des rois, pour les évêques élus, afin qu'ils leur accordaffent les évêchez ; & qu'ils ont différé le facre de quelques-uns, parce qu'ils n'avoient pas encore obtenu la conceffion des rois. Nous en aurions rapporté les exemples, fi nous n'avions craint la longueur. Le pape Urbain lui-même, felon que nous Pavons compris, n'exclut les rois que de l'inveftiture corporelle, non de l'élection, en tant qu'ils font chefs du peuple, ou de la conceffion; & qu'importe que cette conceffion se faffe de la main, ou par un figne de tête, ou de la bouche, ou par une croffe? puifque les rois ne prétendent rien donner de spirituel, mais seulement confentir à Pélection, ou accorder à Pélu les terres & les autres biens extérieurs que les églises ont reçus de leur libéralité.

Que fi les inveftitures étoient défenduës par la loi ́éternelle, il ne seroit pas au pouvoir des supérieurs de les condamner rigoureufement en quelques-uns & les tolérer en d'autres. Mais parce que c'eft principalement la défense de ces supérieurs, qui les rend illicites, nous ne voyons prefque perfonne condamné pour ce fujet :

Tome XIII.

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mais plusieurs vexations, plusieurs scandales, la diviAN. 1097. fion entre le royaume & le facerdoce, dont la concorde eft nécessaire pour la sûreté des choses humaines. Nous voyons les évêques & les abbez, au lieu de s'appliquer à la correction des mœurs, ou à la confervation de leur temporel, uniquement occupez à fe procurer quelque patron, dont Péloquence puiffe les défendre; & plufieurs, dont l'élection a été gratuite, tombent ainsi dans la fimonie, en achetant des interceffeurs.

Puis donc que toutes les loix eccléfiaftiques doivent fe rapporter au falut des ames, il faudroit corriger plus févérement les tranfgreffions de celle-ci, ou les paffer fous filence. Ce que je ne dis pas pour m'élever contre le faint fiége: mais je voudrois, & plufieurs autres avec moi, que les miniftres de l'église Romaine s'appliquaffent à guérir de plus grands maux, & ne s'attirassent Matth. xx111. 24. pas le reproche de paffer le moucheron & d'avaler le chameau, puifque par tout le monde on commet publiquement tant de crimes, fans que vous vous mettiez en peine de les réprimer. Je me réduits donc à dire, que vous permettiez de facrer Pélu de Péglise de Sens, felon l'ancienne coûtume, fi vous n'y trouvez aucun empêchement canonique; car nous ne voulons point nous relâcher le moins du monde du droit de nos églifes. Si vous y acquiefcez, nous ferons notre poffible pour perfuader au nouvel archevêque, de reconnoître la primatie de l'églife de Lyon.

ep. 63.

Ives de Chartres écrivit au pape fur le même sujeten ces termes : Mandez-nous ce que nous devons faire touchant Parchevêque élû de Sens, dont le facre eft arrêté par Parchevêque de Lyon votre légat, parce qu'il ne veut pas lui promettre obéiffance à cause de sa primatie,

Car encore que perfonne n'ait fait aucune autre oppo- AN. 1097. fition à ce facre, nous nous fommes abftenus de paffer outre par respect pour vous: quoiqu'il n'y ait ni loi, ni coûtume, qui oblige les métropolitains de promettre obéiffance aux primats. Ives envoya cette lettre au pape par le nouvel évêque de Paris Guillaume de Montfort, qui alloit à Rome & qu'il lui recommande avec affection; priant le pape d'exhorter ce prélat à quitter la chaffe & les autres amusemens de la jeuneffe, pour s'appliquer à la priere & à la lecture.

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Vers le printemps de cette année 1097. le pape Urbain vint à Thiete, où il eut une conference avec les évêques & les feigneurs touchant la croisade, & y exhorta tout le monde. Robert duc de Normandie & Etienne comte de Blois, qui avoient paffé Phyver en Poüille, s'embarquerent à Brindes le cinquiéme d'Avril, qui étoit le jour de Pâques. Boëmond étoit au fiége d'un château en Campanie, avec le comte Roger fon oncle, quand il apprit la nouvelle de la croisade. Il s'informa foigneufement de la qualité des feigneurs croisez & de leurs troupes; & quand il en fut bien inftruit, il se fit apporter une piece de drap de foye, qu'il fit couper en petits morceaux, & en diftribua des croix à tous fes gens, en gardant une pour lui. Car la marque de ces pélerins étoit une croix rouge coufuë fur Pépaule droite. Auffitôttousles compagnons de Boëmonds'écrierent en François du temps: Deus lo volt, Deus lo volt, comme on avoit fait à Clermont.

Le pape écrivit en même temps à l'empereur Alexis une lettre, où il dit : qu'après la resolution prise au concile de Clermont de faire la guerre aux Sarrafins, le nombre des croisez s'eft trouvé monter à trois cens mille

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XLV.

Les croifez à Chr. Cafaur. 1.5. Spicil. p. 470. Berthold.

Conftantinople.

Fulcher. c. 3.

Chr. Caffin. IV. Orderic. xx. p.

C. 11.

724

Urb. ep.16.

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