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AN. 1061.

Contin. Herm.

Difcept. Synod.

mere, Etienne prêtre cardinal, avec des lettres au nom du faint fiége: mais on ne voulut pas lui donner audience; & il fut obligé de s'en revenir fans avoir an. 1061. rien fait, rapportant fes lettres fermées. Enfin après P. Dam, opufc. environ trois mois de vacance, Parchidiacre Hildebrand TV. ayant tenu confeil avec les cardinaux & les nobles Romains, réfolut de ne point attendre la réponse de la cour, de peur que la division ne se fortifiât, & fit élire pape Anfelme fils d'Anfelme Milanois évêque de Lucques, qui fut nommé Alexandre II. Ils efperoient qu'il feroit agréable à la cour, parce qu'il y étoit fort connu. Le cardinal Didier abbé du Mont-Caffin étoit venu à Rome avec Robert Guischard prince de la Poüille; & ils appuyerent Pélection, comme Robert y étoit obligé fon ferment. Alexandre fut couronné le dimanche par trentiéme de Septembre 1061. & tint le faint fiége onze ans & demi.

XLVII. Cadaloüs anti

Gefta pontif. ap.

Le royaume d'Italie étoit gouverné par Guibert de Parme, homme noble, que Pimperatrice en avoit fait pape. chancelier. Il excita les évêques de Lombardie, la plû- Baron. an. 1061. part fimoniaques & concubinaires, qui s'affemblerent 1062. avec une grande multitude de clercs infectez des mêmes vices; & conclurent à ne point recevoir de pape d'ailleurs que du paradis d'Italie, c'eft ainfi qu'ils nommoient la Lombardie ; & qu'il falloit un homme qui eût de la condefcendance pour leurs foibleffes. Cette résolution étant prise, quelques-uns d'entre eux passerent les monts, portant une couronne pour le jeune roi; & repréfenterent à Pimperatrice fa mere, qu'il devoit avoir la dignité de patrice aufsi bien que Pempereur fon pere. Ils la prierent en même temps de faire élire un pape, affurant que Nicolas II. avoit ordonné

que

déformais on ne reconnoîtroit pour pape que ccAN. 1061. lui qui avoit été élû par les cardinaux, & dont l'élection avoit été confirmée par le confentement du roi.

Lib. 1. ep. 20.

Ces députez étant arrivez à la cour, on tint une asfemblée ou diette générale à Bafle, en laquelle fe trouverent les évêques d'Italie, c'eft-à-dire, de Lombardic, & le roi y fut couronné de nouveau & nommé patrice des Romains. Mais quand on eut appris qu'Anfelme de Lucques avoit été élû pape & couronné, fans attendre le confentement de Pempereur, Pimperatrice & fon confeil le prirent à injure, & regardant cette élection comme nulle, ils firent élire Cadalus ou Cadaloüs évêque de Parme fous le nom d'Honorius II. Cette élection fe fit le jour de S. Simon & faint Jude, vingthuitiéme d'Octobre par les deux évêques de Verceil & de Plaisance concubinaires publics.

Cadaloüs étoit lui-même concubinaire & fimoniaque, comme lui reproche Pierre Damien dans une lettre qu'il lui écrivit quelque-temps après. Il dit d'abord que l'église Romaine lui a fouvent pardonné, quoiqu'il ait été condamné en trois conciles, de Pavie, de Mantouë & de Florence. Comment donc, continuët-il, avez-vous souffert d'être élû évêque de Rome, à Pinfçu de Péglise Romaine, pour ne rien dire du fénat, du clergé inferieur, & du peuple ? Et que vous semble des évêques cardinaux, qui font les principaux électeurs du pape, & ont d'autres prérogatives qui les mettent au-deffus, non-feulement des évêques, mais des patriarches & des primats? Il marque enfuite la mitre & la chape rouge comme les marques de la dignité pape. Il dit qu'il doit être élû principalement par les évêques cardinaux; en fecond lieu le clergé doit

du

donner

donner fon confentement, enfuite le peuple: puis on doit tenir laffaire en fufpens, jufques à ce que Pon confulte le roi ; fi ce n'eft, comme il vient d'arriver, qu'il y ait quelque danger qui oblige à preffer la chofe.

Venant enfuite aux crimes de Cadaloüs, il dit: Jufques ici on ne parloit que dans une petite ville du trafic criminel que vous faifiez des prébendes & des églises, & d'autres actions bien plus infâmes, que j'ai honte de dire : maintenant tout le monde en parle dans toute Pétendue du royaume. Si je vous les reprochois, comme vous ne pourriez nier ce que vous avez commis à la face du ciel & de la terre, vous ne manqueriez pas de promettre de vous en corriger, comme font tous ceux qui defirent des dignitez, & fentent des remords leur vie paffée. Mais Pélevation les expofe à de plus grands périls de pécher. Pierre Damien conclut cette déclamation par une menace en vers latins, dont le dernier peut être ainfi rendu: Je ne te trompe point, tu mourras dans Pannée. Mais Pévenement ne confirma pas cette prophetie.

pour

AN. 1062.

Baron.

Cependant Cadaloüs ayant amassé beaucoup d'ar- Gesta pons. ap. gent & de troupes, vint se préfenter devant Rome à Pimproviste le quatorziéme d'Avril Pan 1062. Il y avoit gagné beaucoup de gens par fes largeffes, entre autres les capitaines de la ville. Il campa dans les prez de Neron près le Vatican, & eut de lavantage au premier combat, où quantité de Romains furent tuez; mais Godefroi duc de Tofcane étant arrivé peu de temps après, Cadaloüs fe trouva tellement preffé, qu'il ne put fauver même fa perfonne qu'à force de prieres & de préfens. Il retourna donc à Parme, fans toutefois abandonner fon entreprise. Alors Pierre Damien lui Lib. 1. ep. 21.

Tome XIII.

M

écrivit une feconde lettre, où il lui reproche qu'il ruine AN. 1062. fon églife pour en ufurper fon églife pour en ufurper une étrangere: qu'il met fa confiance en fes tréfors, & qu'il fait périr par le fer les Romains dont il prétend être le pere.

XLVIII.
S. Annon arche-

fa

En Allemagne, le roi Henri célébra la fête de Pâvêque de Colo- que à Utrecht avec Pimperatrice sa mere, mais il fut gne. Cont. Herm. feparé d'elle quelque temps après. Les feigneurs étoient Lambert, an. jaloux de Pautorité qu'elle donnoit à Henri évêque

1062.

Vita S. Ann. ap.

an. 1075. p. 229.

&c.

d'Aufbourg fon principal miniftre, & parloient mal de la familiarité qu'elle avoit avec ce prélat. Ainsi Annon archevêque de Cologne, de concert avec quelques autres, enleva le jeune roi âgé alors de dix ans avec la fainte lance & les ornemens imperiaux, & Pemmena à Cologne.

Annon qui en étoit archevêque depuis fix ans nâquit Sur. 4. Dec. Lam. dans la haute Allemagne, d'une famille médiocre mais honnête. Son oncle chanoine de Bamberg l'y emmena, & il ly fit étudier avec tant de fuccès qu'il gouverna Pécole de cette église. Sa réputation s'étant étenduë jusques à Pempereur Henri le noir, il le fit venir auprès de lui, lui donna le premier rang dans ses bonnes graces entre tout le clergé de fa cour, & le fit prevôt de Goflar, qui étoit une place de faveur. Annon s'attira l'amitié du prince & de tous les gens de bien, par fon pur mérite, fa doctrine, fon fon amour pour juftice, & fa liberté à la foûtenir. Il avoit auffi les avantages du dehors, la belle taille, la bonne mine, la facilité à parler: il fçavoit se paffer au besoin de nourriture & de fommeil, & avoit toutes les difpofitions naturelles à la vertu.

la

Herman II. archevêque de Cologne étant mort, Pempereur choifit Annon pour lui fucceder, & lui donna

la

AN. IC62.

verge & Panneau paftoral: mais il ne fut pas reçu à Cologne fans contradiction, & quelques-uns ne le trouvoient pas d'une naissance affez relevée, pour remplir un fiege qu'avoit occupé Brunon frere de l'empereur Otton. Toutefois la volonté de l'empereur Pemporta, & Annon fut facré folemnellement le dimanche troifiéme jour de Mars 1056. Sa conduite juftifia le choix Herm. & Lamb. de l'empereur, & bientôt il fe diftingua entre tous les feigneurs du royaume, par fa vertu autant que par fa dignité. Il s'acquittoit également bien de fes devoirs dans Péglife & dans Pétat; & porta pour le moins auffi loin que fes prédeceffeurs la dignité exterieure du fiege de Cologne. Cependant il n'en avoit pas moins d'application aux exercices fpirituels. Il jeûnoit fréquemment: il paffoit en priere la plûpart des nuits, & vifitoit les églifes nuds pieds, fuivi d'un feul domeftique. Il faifoit quantité d'aumônes & de grandes liberalitez aux clercs, aux moines & aux pelerins. Il ne laiffa aucune communauté dans fon diocéfe, qu'il n'eû gratifiée de terres & de penfions ou de bâtimens : & il paffa pour conftant, que depuis la fondation de Péglife de Cologne, jamais évêque n'en avoit tant augmenté les biens & la dignité.

Il rendoit la juftice à fes fujets avec une droiture parfaite. Il prêchoit avec tant de force, qu'il tiroit des larmes de ceux dont les cœurs étoient les plus durs; & à tous fes fermons Péglise retentifsoit des gémissemens du peuple. Il fonda à Cologne deux monafteres de chanoines; & en divers lieux trois de moines, dont le plus fameux fut celui de Sigeberg. Mais voyant que la difcipline étoit extrêmement relâchée par toute Allemagne, il craignoit que les grandes dépenfes qu'il fai

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