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Et tout ce qui jadis, comme un rêve fatal,
Tourmentait ici-bas ta timide innocence,
(Les cieux en soient loués!) ici, dans le silence,
Ami, ne te fait plus de mal.

Et si, dans ce tombeau, sous cette pierre sombre,
Mon ombre reposait à côté de ton ombre,
Que je serais heureux! Maintenant, ô malheur!
Seul ici je m'assieds, et dans ma peine amère
Je ne sais que Dieu seul qui, comme un tendre père,
Puisse consoler ma douleur.

Mais bientôt du Dieu bon la volonté profonde
Viendra me retirer des douleurs de ce monde :
Lors le samedi soir arrivera pour moi ;
Et le vieux Nicolas, incliné sur sa bêche,
Me creusera mon lit, ici, sous l'herbe fraîche,
Ami, tout à côté de toi.

Et quand Dieu de mes jours aura tranché la trame,
Et dans les cieux ouverts rappelé ma pauvre ame,
Quand je ne serai plus, et que, pour m'endormir,
Le prêtre aura chanté les chants de sépulture,
Ils jetteront sur moi l'épaisse couverture,
Près de toi je viendrai dormir.

Et je n'entendrai plus au clocher du village
Le sans-repos qui veille et sans cesse voyage:
Car je sommeillerai doucement comme toi.
Ainsi nous dormirons jusqu'au jour du dimanche;
Lors je me leverai beau de ma robe blanche,
Tu te leveras avec moi;

Et quand l'aube, dorant le sommet des montagnes,
Semera ses rayons dans nos vertes campagnes;
Que les anges diront l'hymne pur du matin,
Tous deux, ami, sortant de notre sépulture,
Forts, et d'un œil vivant saluant la nature,
Nous marcherons, le front serein.

Et puis sur ce gazon, dès l'aurore nouvelle,
Avec son dôme blanc et sa croix solennelle,

Une église au soleil surgira dans ce lieu :
Nous irons à l'autel environné d'archanges 9
Et notre voix, unie aux divins chœurs des anges,
Dira Gloire à Dieu! gloire à Dieu!

L. AYMAK.

VIE PARISIENNE.

MODES DE FEMMES.

STYLE ACTUEL. LES CHAPEAUX. LES
TOILETTES D'ÉTÉ.

Les femmes, pour qui la règle du monde a digéré un code monstrueux où la modestie et la réserve sont prescrites par articles, se consolent bien des cruautés de la loi sociale par les jouissances de la mode. Effrontés que nous sommes, nous appelons ces gracieux êtres moitiés de nous-mêmes. A table, de l'eau rougie pour nos moitiés; pour nous le champagne glacé et l'interminable martingale de Bordeaux depuis la comète jusqu'à 1825, sans compter les variétés d'anisettes. A l'Opéra, les couloirs retentissent du bruit de vos talons, votre figure va s'encadrer dans la lucarne de chaque loge, votre lorgnette, récipient de vos œillades, s'élance aux sommités des troisièmes loges, et plonge dans les abîmes ténébreux de la baignoire; et vos moitiés! Posées sur des chaises orthopédiques, les pieds pendans sur des bancs rembourrés comme des chaufferettes, elles accomplissent péniblement cette tâche contemplative et gymnastique qu'elles nomment le plaisir du spectacle.

L'équitation vous appartient tout entière, à moins que vous ne teniez compte de ces rares cavalcades d'une heure auxquelles se prête un coursier sans vigueur, ruiné par un galop méthodique, appelé cheval de dame. La campagne vous donne mille ressources pour tenir tête aux longueurs de la journée: la natation, la pêche, et la chasse, cette distraction dévorante qui tue la galanterie de château, comme la bouillote tue la galanterie de salon ; ajoutez-y les méditations du cigarre, car fumer c'est méditer, et osez vous plaindre si les femmes appliquent à la toilette, à des combinaisons

de couleurs et d'étoffes ces instincts de jeunesse et de plaisir que votre condition de privilége trouve à satisfaire sous des formes si multipliées.

Aussi le goût des femmes, pour les objets qui éclatent, semblet-il s'accroître de toute la sévérité qui pèse sur leur existence physique et morale. Ce domaine de la toilette s'est tellement agrandi, l'investigation des hommes y est si peu tolérée, que les plus grandes hardiesses, les témérités les plus inouïes s'y commettent avec une large impunité et sans aucun redressement possible. Les femmes ont fait très-peu de cas des raisons économiques par lesquelles le costume masculin a été modifié. Lorsque nous avons imaginé l'accoutrement moderne, quand nous nous sommes faits drap toile et feutre, les femmes n'ont pas renié la soie et le velours; bien mieux, elles ont appelé un renfort, le cachemire, ce tissu rongeur de dots; les femmes, en un mot, ont si bien établi leurs droits de compensation que si, dans notre existence, elles comptent dans la proportion d'un huitième, dans le budget du ménage leur toilette figure pour trois huitièmes. Additionnez tant bien que mal, cela fait une moitié.

Sous la république et le directoire, les femmes aussi payèrent tribut à la mode politique. Elles voulurent se montrer Athéniennes, Spartiates, et rivaliser de nudité avec les républicaines de David. Par les démonstrations extérieures, les hommes se donnaient du pouvoir, de la popularité ; faute de mieux, les femmes firent de la politique avec le costume. Elles y gagnèrent des fluxions de poitrine.

Nos mères attestent qu'elles furent très-jolies avec leurs robes transparentes agrafées sur le genou, leurs cothurnes à la romaine et leurs coiffures à la Poppée; mais le premier soin de l'empire fut de réchauffer ces épaules violettées par le froid; il couvrit ces seins glacés par l'haleine du Nord, les embastilla dans deux rangs de collerettes raides et tuyautées.

Le chapeau, qui avait émigré devant les folles nudités du directoire, opéra sa restauration.

Or le chapeau féminin, comme le nôtre, doit tomber devant l'insurrection du goût; lui aussi détruit le caractère du vêtement des femmes. Depuis le commencement de ce siècle, vous le trouvez partout, prothée multiforme qui s'alonge en capote démesurée, sous le règne des incroyables, qui s'élève et se renfle avec les ro“

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bes courtes et les witchoura de l'empire, qui se rapetisse, pour complaire aux importations anglaises de 1815, qui devient bolivar, puis se dresse sur le haut de la tête, pour s'abattre le lendemain sur la racine des cheveux, se prêtant, dans tous ces changemens, à mille dénominations, dont une des plus récentes, et la plus ridicule, est celle de bibi.

C'est une guerre très-sérieuse qu'il faut faire au chapeau des femmes. Sa forme, funeste même aux calculs de la coquetterie, cache une fraction fort intéressante du visage qu'il a mission d'em. bellir; il enfouit les oreilles et détruit la grâce des joues. Nos aïeules entendaient mieux les affaires de beauté. La signora Lavinia de Callot jette sur le haut de sa tête un petit chapeau pointu, à rebords larges, qui n'atteint pas le visage. Les dames du dixhuitième siècle couronnaient aussi d'un chapeau leur édifice de poudre: elles n'auraient jamais consenti à cet envahissement de la coiffure sur la coupe du visage; et, ce qui est digne de remarque, c'est qu'à l'instar du chapeau rond, le chapeau féminin maintient sa longue oppression, et qu'il tyrannise un sexe à qui les révolutions coûtent si peu. En effet, représentez à votre esprit une toilette comme on l'entendait il y a seulement six ans ; c'étaient des robes de soie unie, avec des jupes étroites et courtes, de grêles fichus, de chétives pélerines. Du jour au lendemain, un style plus large, contre-coup des idées moyen âge, apporta ces étoffes brochées et lourdes de ramages, ces cols amples et tout troués d'entre-deux, tout mitraillés de broderies élégantes; les fabriques de Lyon décrochèrent les rideaux poudreux des vieux châteaux, et s'inspirant sur des dossiers de chaises vermoulues, mirent sur le métier des pièces d'étoffes à la Pompadour, à la Mon'espan, la Sévigné. Les couturières drapèrent des corsages en plis profonds, effilèrent ces tailles qui attendent des tonnelets; la bijouterie mit au creuset ses filigranes maladifs, et se livra avec furie à l'imitation des gros et massifs joyaux de la cour du grand roi.

Cette révolution s'est accomplie, mais le chapeau est resté, comme un prétendant qui n'abdique pas.

C'est surtout aux solennités de l'hiver que s'est révélé ce luxe effréné des belles et consciencieuses étoffes. Les Françaises qui n'ont pas laissé périr leurs priviléges d'élégance, ont bientôt signifié à toutes les fashions du continent, qu'elles eussent à faire leurs commandes dans le plus bref délai, M. Burty vous dira que la

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