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Russie mit an pillage ses magasins, et que la cour du czar lui enleva sa dernière robe brochée.

Aux étoffes près, les toilettes d'été admettent ce caractère de richesse et d'ampleur. Vous retrouvez dans les robes blanches les manches larges et tombantes, les jupes de onze à douze lais. A l'exception de quelques mousselines imprimées et de quelques pons de soie légers, le blanc fait le fond d'une toilette distinguée; la difficulté d'atteindre un ensemble de fraîcheur, de pureté et d'apprêt sans raideur, rend cette combinaison du blanc très-piquante. Des petits rangs de Malines bordent les pélerines et les poignets; car la dentelle a été ressuscitée avec d'éclatans honneurs : les vieux points d'Alençon, de Bruxelles et d'Angleterre sont recherchés et payés au poids de l'or comme du vieux sèvres. - C'est justice que d'avoir réhabilité ces charmans brimborions. Mais aussi quelle ruine! La dentelle a cela de perfide, que son caprice ne connaît pas de limites; tantôt elle veut côtoyer les broderies d'un colà deux rangs, tantôt égayer le parallelogramme d'un mouchoir, la circonférence d'un jupon, les entournures d'un corset, les sinuosités d'un bonnet de nuit; la dentelle est partout, excepté chez les marchands qui n'y peuvent suffire. Quelques monstrueuses imitations en coton ont vainement tenté de lui disputer la place. Le tulle n'existe plus.

La tendance des chapeaux vers les dimensions démesurées s'est un peu ralentie. Cependant les capotes offrent encore dans leur ensemble un aspect assez volumineux.

La bijouterie se borne à reproduire les motifs des bijoux anciens; mais les Anglais nous avaient devancés, et depuis longtemps Mortimer fabrique des agrafes, des bracelets, des petits peignes, des bandeaux dans le goût rocaille: on dit que les demoiselles E...., dont l'Opéra retient encore dans ses docks le ta lent et la beauté, possèdent une belle variété de bijoux anglais, qui sans doute serviront de type à beaucoup d'imitations.

Notre prochain article contiendra des considérations sur la mode du bric à brac.

JULES VERNIERE.

CHRONIQUE DE PARIS.

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22 JUIN.

C'est encore un début de jeune homme que TIMON-ALCESTE, Ou LE MISANTHROPE MODERNE, par M. Charlemagne; mais c'est un début plus significatif. Si le héros principal de M. Charlemagne, comme celui de M. Louis Huart, arrive de son département à Paris, ce n'est point pour y mener la vie folle et dissipée d'Alfred, c'est pour y aimer profondément Julia, nonobstant l'amour et les prétentions de trois rivaux, et s'y marier avec elle, ainsi qu'il convient, au dernier chapitre d'un roman. Ici moins de drame encore que chez M. Louis Huart. Ce n'est pas du drame d'ailleurs qu'avait prétendu nous donner l'auteur, c'était de la satire et de la misanthropie; mais il a mal tenu sa promesse. Son bon naturel l'a emporté et ne lui a permis qu'une ironie douce et bienveillante. Ne cherchez donc nul intérêt d'aventures dans TIMON-ALCESTE. Nous a-t-il ouvert un salon, l'auteur nous y garde durant un demivolume, scrutant les ames et les consciences, devisant paisiblement de chacun et de chaque chose. Timon-Alceste justifie bien, sinon son titre, du moins la qualité de roman philosophique dont l'a revêtu M. Charlemagne ; tout le livre n'est qu'un long développement métaphysique de sentimens raffinés et de passions réfléchies. Sa lecture n'ennuie jamais ; elle fatigue seulement un peu; parfois l'on est forcé de la laisser, afin de prendre quelque repos. C'est la faute surtout du style de M. Charlemagne, style brillant, trop brillant peut-être, et où il est fait un usage immodéré de l'antithèse

TIMON-ALCESTE avait certes assez de titres pour se présenter seul dans le monde; mais, soit timidité de l'auteur, soit défiance du libraire, il n'a voulu s'y produire qu'escorté d'une préface de M. Jules Janin, morceau vif et spirituel, qui est en même temps

une bonne action. L'ouvrage y aura gagné toujours une chance de succès de plus.

L'HISTOIRE DE LA Révolution d'ANGLETERRE EN 1688, par James Mackintosh, est trop grave et de trop haute portée pour qu'il nous soit permis de l'examiner convenablement dans cette revue rapide des publications de la semaine; mais nous ne saurions recommander assez ce livre utile et solide. Écrit en anglais, d'un style ferme, concis et élégant, il mériterait bien d'être traduit de préférence à tant de médiocres romans importés chez nous de l'autre côté de la Manche, sous la raison Defanconpret et compagnie, et qui nous inondent, concurremment avec les nôtres.

J'aurais, je l'avoue, souhaité que M. le sous-intendant militaire Favier m'épargnât le chagrin de parler de ses FRAGMENS POÉTIQUES SUR LA PEINTURE; mais M. Favier est du nombre de ces poètes exigeans qui veulent, de gré ou de force, qu'on s'occupe de leurs vers, qu'on les montre aux gens, qu'on les cite.

Afin de satisfaire M. le sous-intendant militaire Favier, que vous citerai-je donc de sa poésie? Le choix est difficile. Les vers de M. Favier ne font pas pleurer; mais ils ne font pas rire non plus, même à leurs dépens, ce qui leur serait au moins un mérite à défaut de tout autre. Je ne priverai pas toutefois nos artistes du projet de tableau dont M. Favier leur soumet l'idée, au bénéfice du salon prochain.

Pour la nouvelle école un sujet reste à peindre,

Bizarre, mais profond, qu'elle est digne d'atteindre.
J'ose le lui donner en terminant ces vers,

dit-il; et ayant osé le donner et le décrire tel qu'il le veut, M. Favier termine ainsi :

Tel serait le sujet à traiter dans un an.

Mais le nom, quel est-il? Ah! le nom... Don Juan.

Vous estimez, n'est-il pas vrai, la citation suffisante? et M. Favier ne se plaindra plus, j'imagine; car je crois bien avoir mis la main sur ses cinq meilleurs vers.

Un poète plus divertissant, c'est l'auteur du PASTICHE, M. Adolphe Alloneau, de Nantes.

Le morceau capital du PASTICER est la Vengeance d'une femme, quasi-drame en sept tableaux, avec de quasi-intermèdes. La première scène de ce quasi-drame se passe au Palais-Royal, au café de Foy, et la dernière à la Morgue.

Ici j'éprouve un nouvel embarras. Les vers de M. Adolphe Alloneau, voire même ceux qui se débitent à la Morgue, sont généralement si joyeux et si bouffons que, pour bien faire, il faudrait vous les citer tous. Nous dépeint-il une de ses vierges :

Un tricot clair laisse d'un joli bras

Suivre à loisir les contours ronds et gras.
Elle est, ma foi, délicieuse, en somme "
La jeune fille !

Ailleurs, à propos d'une agonie, il nous dit :

une heure affreuse,

Il est dans toute vie une heure,
Celle où sur un lit souffreteux,

La mort se penche et serre une gorge râleuse.
Entre ses doigts jaunes, osseux.

Plus loin, M. Paul, frappé au cœur d'un coup de stylet par Bianchetta, s'écrie en expirant :

Adieu, ma Georgette... adieu donc nos amours!

Je n'y vois plus! Ma mère, adieu! pour... pour... toujours!

Puis quand il retrouve le corps de cette même Bianchetta, qui s'est noyée, M. Jean fait cette réflexion :

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Sa pauvré mère à cris la demande et la pleure.

Les épilégomènes qui suivent le PASTICHE n'ont pas moins d'originalité ni de folie.

Interpellant soudain le lecteur, qui ne s'attendait guère à pareil avertissement : « Ainsi, lecteur, crie M. Adolphe Alloneau, tu possèdes dans le nombre des molécules constitutives de ton corps quelques molécules qui en ont formé d'autres tout-à-fait dissembla

bles, peut-être celui d'un de tes aïeux, d'un roi, d'une séduisante femme ou d'un mendiant puant, qui peut-être aussi constitueront un jour, en partie, celui d'un de tes arrière-petits-fils ou d'un animal. »

Et M. Adolphe Alloneau conclut de là, pour terminer, « que vivre, c'est faire un bail temporaire avec l'existence. »>

-Mme Paul Taglioni, qu'on avait vu sans beaucoup de plaisir, il y a deux ans, à l'Opéra, comme simple dansense, y a reparu la semaine dernière, avec moins de succès encore, dans le rôle de Fenella de LA MUETTE, où elle a réussi à faire regretter Mlie Legallois. Je ne prétends pas néanmoins que le nom de cette dame, habilement imprimé sur l'affiche, ne soit d'un utile secours à la recette; mais je pense aussi que dans la salle il porte malheur à tout ce qui n'est pas Mlle Taglioni elle-même.

-Mme Dorval, qui avait joué dernièrement avec tant d'énergie et de passion la duchesse de Guise, de HENRI III, a bien montré dans LA MÈRE ET LA FILLE, qu'on vient de reprendre aux Français, qu'aucun rôle, si ingrat et si hors de sa manière habituelle qu'il fût, n'était inaccessible à son talent. Elle a prouvé aux plus incrédules, qu'il n'était pas nécessaire d'avoir vieilli rue de Richelieu pour s'y produire avec de bonnes manières et une tenue parfaite. Viennent les drames et les comédies maintenant, ce ne sera pas Mme Dorval qui leur manquera.

Une suite de L'AUBERGE DES ADRETS, ROBERT MACAIRE, fait affluen depuis huit jours tout Paris au boulevard du Temple, et, en dépit des rigueurs de l'été, emplit pêle-mêle, de monde élégant et de peuple en veste, la petite salle obscure du théâtre des Folies-Dramatiques. La Vogue de ce mélodrame, monstrueusement grotesque, s'explique bien par l'effroyable vérité du jeu de Frédéric ; mais n'est-ce pas grande pitié de voir un tel acteur réduit à une telle scène, et voué sans retour à la parodie, et à une parodie éternellement la même encore? Était-ce donc là que devait aboutir tant de verve et de puissance?

A. Y.

Il est aujourd'hui une méthode toute dramatique, toute vivante d'intérêt dans le récit des grandes époques historiques. On met en scène le peuple, cet acteur puissant, ce mobile de la vie sociale;

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