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seur Eugène RITTER a prononcé l'éloge de Diez. Il a publié son discours en brochure (Georg. Genève, 1894), en le faisant suivre de lettres adressées par Roumanille à Victor Duret, érudit genevois, auteur d'une grammaire savoyarde et d'un glossaire patois qui ont été édités en Allemagne par les soins de M. le professeur Koschwitz. Ces lettres, d'un caractère tout intime, sont pour la plupart datées des années 1835 à 1860, elles nous donnent d'intéressants détails sur les débuts du félibrige, les liens de sincère amitié qui unissaient les premiers félibres, l'accueil qui leur fut fait par leurs confrères de langue d'oil.

QUESTION

Sur les premières éditions du « Génie du Christianisme ». Dans la Préface de la première édition du Génie du Christianisme, Chateaubriand déclare qu'il était encore en Angleterre « quand il livra à la presse le premier volume de son ouvrage » et que « cette édition fut interrompue par son retour en France. » Rentré à Paris, il « recommença l'impression » et «<refondit le sujet en entier »>. << Deux volumes de cette seconde édition étaient déjà imprimés, lorsqu'un accident le força de publier séparément l'épisode d'Atala. » Devenant alors « plus sévère pour lui-même, il racheta les deux volumes imprimés du Génie, dans le dessein de retoucher encore une fois tout l'ouvrage. C'est cette troisième édition qu'il publie » maintenant. — Où pourrait-on trouver actuellement les deux éditions avortées? Et si tous les exemplaires en ont été détruits, ne serait-il pas possible d'en retrouver quelques traces? En effet, dans cette mème Préface, Chateaubriand « avertit le public que tout ce qu'on connait jusqu'à présent de son ouvrage a été cité très incorrectement, d'après les deux éditions manquées » : ce qui, semblet-il, nous permet d'espérer une reconstitution au moins fragmentaire des deux versions primitives. Et enfin, qui possède maintenant, s'il existe encore. le manuscrit original du Génie du Christianisme?

VICTOR GIRAUD,

Professeur de littérature française à l'Université de Fribourg (Suisse,.

RÉPONSE

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Sur la mort de Pougens (1895, p. 636). La Bibliothèque de Soissons contient quelques documents manuscrits sur Pougens. Le Musée de la même ville possède un portrait inachevé de Pougens par lui-même, à l'âge de vingt-quatre ans; la petite vérole, dont il fut atteint alors, le rendit aveugle et l'empêcha de terminer ce portrait. L'acte de décès de Pougens a été publié dans le Catalogue des peintures du Musée de Soissons par M. Émile COLLET (1894, p. 3). Il en résulte que M. Marie-Charles-Joseph Pougens, âgé de soixante-dix-huit ans, commandeur de l'ordre royal de Charles III, de l'ordre impérial de Sainte-Anne, etc., membre de l'Institut de France, né à Paris le 16 août 1755, domicilié à Vauxbuis, marié à Françoise-Julie Sayer, est décédé en sa demeure ce jourd'huy à six heures du matin (jeudi 19 décembre 1833) ».

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d'Histoire littéraire

de la France

J.-B. GASPARD D'ANSSE DE VILLOISON

ET LA COUR DE WEIMAR1

III

On sait quel vif intérêt les princes allemands du xvII° siècle portaient à notre littérature, à nos modes, à notre vie politique et sociale; à cette époque où la presse politique était encore dans l'enfance, où la presse littéraire ne faisait que de naître, et où l'une et l'autre n'étaient point libres, ils ne pouvaient complètement satisfaire leur curiosité qu'à l'aide de correspondances manuscrites. De nombreux écrivains, depuis Thiriot et d'Arnaud jusqu'à La Harpe, de Raynal et de Favart à Suard et à Grimm, se mirent à leurs gages et se livrèrent au métier de nouvelliste, pénible toujours et alors rarement lucratif. Après tant d'autres Villoison n'hésita pas à l'entreprendre, bien qu'il ne fût pas écrivain de profession.

2

Si, en dépit de ses efforts, il n'avait pu être nommé ministre de la cour de Weimar, la confiance qu'il avait su inspirer à Charles-Auguste décida ce prince à prendre le jeune érudit pour son correspondant littéraire à Paris. Malgré ses travaux personnels, malgré ses relations avec presque tous les savants de l'Eu

1. Voir le tome II de la Revue d'histoire littéraire de la France, octobre 1895. La lettre de Villoison, indiquée p. 542, comme adressée au margrave de Bade, était écrite en réalité, non à ce prince, mais à Ring.

2. Edmond Schérer, Melchior Grimm, p. 81-91.

Rev. d'Hist. Littér. de la FRANCE (3o Ann.).

III.

rope', Villoison accepta une offre qu'il avait peut-être en partie provoquée. Il y a là un côté curieux de son activité resté ignoré jusqu'ici et qu'il n'était peut-être pas sans intérêt de révéler; les brouillons de plusieurs des lettres qu'il adressa au duc de Weimar nous permettent de connaître en partie et d'apprécier cette face nouvelle du talent si varié du savant helléniste. Il y apparaît comme aussi versé dans le mouvement littéraire contemporain qu'au courant des découvertes archéologiques ou même scientifiques; rien n'échappe à sa curiosité; il renseigne avec la même compétence son noble correspondant sur les livres nouveaux qui viennent de paraître et les œuvres d'art qu'il pourrait acheter. Il ne se borne pas là; il va au-devant des désirs de Charles-Auguste; un jour 3 il annonce à Knebel l'arrivée prochaine d'un buste de Jupiter Ammon «< trouvé dans les ruines d'Alexandrie », et qu'il destine au Duc; une autre fois il envoie à ce prince, en témoignage de son profond respect, un buste en marbre de Sérapis et deux petites statues de bronze de même provenance. Il les tenait d'un de ses correspondants de Marseille, M. Guys 3, négociant érudit dont il est longuement question dans les lettres qu'il adressait au Duc.

Charles-Auguste avait à peine quitté Paris que Villoison commença son métier de correspondant littéraire auprès de ce prince. Dans sa lettre à Knebel du 29 mai il parle de deux missives qu'il avait déjà envoyées au Duc, et il prie son ami de lui marquer s'il n'avait pas été « mécontent de la forme de ces lettres et des détails qu'elles contenaient ». L'assentiment de Knebel ne se fit pas attendre; il en fut de même de celui de Charles-Auguste. Une lettre d'approbation de ce prince vint bientôt combler d'allégresse son zélé correspondant.

6

1.

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Excusez mon griffonnage, écrivait-il à Knebel le 29 mai 1775; mais il est deux heures après minuit et je viens d'écrire quatre lettres pour l'Allemagne et trois pour la Hollande. » H. Düntzer, op. laud., t. I, p. 39.

2. Ils sont conservés dans le manuscrit 943 suppl. grec de la Bibliothèque nationale.

3. Lettre du 29 mai. H. Düntzer, op. laud., t. I, p. 37 et note 1.

4. Le 13 juillet. H. Düntzer, ibid., note 2.

5. Pierre-Augustin, né à Marseille en 1722, se livra de bonne heure au commerce; il parcourut en observateur l'Archipel et les diverses contrées de la Grèce, et y recueillit de précieux matériaux pour l'histoire et la géographie. Ce fut l'origine de ses Recherches sur les Grecs anciens el modernes, ouvrage qui lui mérita les éloges de Voltaire et lui valut le titre de citoyen d'Athènes. Guys revit soigneusement cette œuvre, dont il donna deux autres éditions, l'une en 1776 et l'autre en 1783. 11 mourut à Zante en 1801. Statistique morale des Bouches-du-Rhône. Paris, 1829, in-8,

S. V.

6. Bibl. nat., mss. 943, fol. 113, 2. Cf. H. Düntzer, op. laud., t. I, p. 36.

Non, jamais, mon cher Ami, écrivait-il à Knebel, après l'avoir reçue, je ne pourrai trouver de termes, pour vous témoigner la joye inexprimable que m'a causée la lettre de S. A. S. Cette lettre est si pleine de bonté qu'elle me confond. Je n'ai jamais éprouvé de moments plus délicieux ni goûté de plaisir plus vif. Passez-moi un moment de vanité, il est bien pardonnable. Je n'ai jamais été si transporté et si confondu que lorsque j'ai vu S. A. S. descendre jusqu'à moi et franchir l'intervalle immense que la nature a mis entre un souverain et un simple particulier, pour daigner signer serviteur et ami.

Villoison n'était pas homme à prendre Knebel pour seul confident de sa joie; il ne manqua pas de la faire connaître au Duc, avec les sentiments que lui inspiraient la bienveillance et les félicitations de ce prince n'était-ce pas une occasion nouvelle et précieuse de le flatter et de se pousser davantage auprès de lui?

Il y a de la vanité à moi, lui écrivait-il, à vous rappeler les grâces dont vous m'avez honoré, mais la même bonté que vous apportez à me les accorder me fait pardonner la hardiesse de vous le rappeler. Vous avez daigné descendre jusqu'à moi, oublier votre souveraineté et franchir l'intervalle immense que le rang et la naissance mettent entre un souverain de la maison de Saxe et un simple particulier, pour n'écouter que votre cœur, m'honorer du nom d'ami et signer ce nom au bas de votre lettre. C'est un bienfait que je préfère à tous les biens de l'univers et dont je tâcherai de me rendre moins indigne par mon humble et profond respect et par ma soumission à vos ordres et mon attention à prévenir vos volontés.

Si la condescendance dont Charles-Auguste avait fait preuve était dans la nature de ce prince, on voit qu'elle n'avait pas été perdue. Villoison n'y vit qu'un motif de redoubler de zèle. Déjà, avant le 29 mai, il avait écrit deux lettres au Duc; à cette date il annonçait l'envoi d'une troisième. Le 15 août il est question d'une autre missive; la correspondance se continua ainsi encore pendant plusieurs mois, et l'on peut croire que ce fut pour récompenser l'empressement de son correspondant que Charles-Auguste lui fit, pendant l'été de 1776, cadeau de son portrait.

Que sont devenues ces lettres de Villoison? Düntzer, qui, dans une note, fait allusion à celle où il remerciait le Duc de son présent,

1. Lettre du 25 août 1775, H. Düntzer, op. laud., t. I, p. 42. fol. 114, 1.

a

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2. Mss. 943, fol. 109, 1. Avant ces mots on lit qu'un prince », preuve manifeste que nous n'avons ici qu'un fragment de lettre.

3. H. Düntzer, op. laud., t. I, p. 36. Il semble bien du moins qu'il s'agisse d'une lettre différente des deux autres.

4. Op. laud., t. I, p. 50

n'a pas cru devoir en parler et ne paraît pas avoir soupçonné leur importance. Heureusement le manuscrit de la Bibliothèque nationale dont j'ai déjà fait mention renferme les minutes d'un certain nombre d'entre elles, épave bien incomplète peut-être et bien souvent informe d'une correspondance dont on ne peut contester l'intérêt et qui fait prendre place à Villoison à côté des La Harpe, des Garat et des Grimm. Mais Villoison y apparait sous un aspect tout particulier; ils sont les amis et les partisans des Philosophes; il en est l'adversaire; aussi ses jugements sur les hommes et les choses diffèrent-ils singulièrement des leurs; c'est là un nouvel attrait et un intérêt nouveau offert par sa correspondance.

Voici, rangées dans l'ordre, qui m'a paru le plus en accord avec la chronologie des faits, et autant qu'il m'a été possible de les déchiffrer, celles des lettres, adressées à Charles-Auguste par le savant helléniste, dont le manuscrit de la Bibliothèque nationale nous a conservé les brouillons :

Le vif intérest' que je prens à tout ce qui peut toucher Votre Altesse de près ou de loin m'engage à me hâter d'avoir l'honneur de vous écrire pour vous faire part d'une nouvelle qui ne vous sera peut-être pas indifférente. L'Académie de Manheim venant de me faire la grâce de m'admettre au nombre de ses membres, a chargé de ses lettres d'association un de ses Académiciens nommé M. l'abbé Hemmer', qui vient d'arriver à Paris et qu'elle me recommande très spécialement.

Ce M. l'abbé Hemmer paraît jouir d'une grande considération auprès de l'Électeur palatin. Il est son aumônier et le chef du cabinet de physique qu'il vient de fonder. L'électeur l'a même envoyé à Paris pour acheter et pour faire faire tous les instruments de physique qu'il jugerait à propos.

J'adressai M. l'abbé Hemmer chez mademoiselle Bieron, dont Votre Altesse a vu le cabinet d'anatomie. Au sortir de chez elle il vint me voir et me dit qu'il en était si content qu'il était totalement décidé à le faire acheter à l'Électeur, que c'était un cabinet unique dans l'Europe, fort nécessaire pour l'anatomie et que cette acquisition entrait fort dans les vues de l'Électeur, qui lui avait recommandé de lui indiquer toutes celles qui pourraient servir au bien des lettres et

1. Bibl. nat., mss. 943, fol. 58.

2. Johann-Jacob, météorologue et linguiste, né en 1733 à Horbach, dans le Palatinat, depuis 1760 aumônier de la cour électorale; il avait été en 1768 nommé membre de l'Académie palatine des sciences Theodoro-Palatina. Allgemeine deutsche Biographie, s. v.

3. Charles-Théodore.

4. Cf. Revue d'histoire littéraire, t. II, p. 529.

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