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et écartés symbole de la douce dévotion, de l'humilité, de l'abjection, de la mortification et de la chasteté solitaire et tranquille d'une vraie veuve, qui sera heureuse, comme dit saint Paul, si elle persévère dans son état,

J'avais beaucoup d'autres choses à lui dire; mais je lui aurai tout dit, en lui conseillant de fire attentivement les belles lettres de saint Jérôme à Furia, à Salvia, et aux autres dames qui eurent le bonheur d'être ses filles spirituelles; car je n'y puis rien ajouter, sinon cet avertissement, que jamais elle ne doit blâmer celles qui passent à de secondes noces, et même aux troisièmes et aux quatrièmes. Dieu en dispose ainsi, en de certains cas, pour sa plus grande gloire. Et il faut toujours avoir devant les yeux cette doctrine des anciens : que ni la viduité, ni la virginité n'ont point de rang au ciel, que celui que l'humilité leur donne.

CHAPITRE XLI.

Instructions sur la Virginité.

AMES toutes pures, je n'ai que deux choses à vous dire; car vous trouverez le reste ailleurs. Si vous attendez l'établissement d'un mariage, conservez avec un grand soin votre premier amour pour la personne que le ciel vous destine; car c'est une très-grande tromperie que de lui présenter un cœur déjà possédé, usé et gâté par l'amour, au lieu d'un cœur entier et sincère. Mais si votre bonheur vous appèle aux chastes et virginales noces de l'Agneau immaculé, conservez avec une grande délicatesse de conscience tout votre amour à ce divin époux, qui, étant la pureté même, n'aime rien davantage que

252 INTRODUCTION A LA VIE DÉVOTE.

la pureté, et à qui les prémices de tout sont dues, mais principalement celles de l'amour. Les lettres de saint Jérôme vous fourniront tous les autres avis qui vous sont nécessaires; et puisque votre état vous oblige à l'obéissance, choisissez un directeur sous la conduite duquel vous puissiez plus saintement et plus sûrement vous consacrer à la

divinité.

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A LA

TEE DÉVOTE.

QUATRIÈME PARTIE.

LES AVIS NÉCESSAIRES CONTRE LES TENTATIONS
LES PLUS ORDINAIRES.

CHAPITRE PREMIER.

Il ne faut pas

s'arrêter aux discours des enfans du siècle.

AUSSITÔT que le monde s'apercevra de votre dévotion, la flatterie et la médisance ne manqueront pas de vous faire de la peine. Les libertins feront passer votre changement pour un artifice d'hypocrisie, et ils diront qu'un chagrin que vous avez reçu du monde vous a fait, à son refus, recourir à Dieu. A l'égard de vos amis, ils s'empresseront de vous faire bien des remontrances, qu'ils croiront charitables et prudentes, sur la mélancolie de la dévotion, sur la perte de votre crédit dans le monde, sur la conservation de votre santé, sur l'incommodité que vous causerez aux autres, sur les affaires qui en pourraient souffrir, sur la nécessité de vivre dans le monde comme l'on y vit, et sur tous les moyens qu'on a de faire son salut sans tant de mystères.

Philothée, tout cela n'est qu'un sot et vain

babil du siècle; et au fond ces gens-là n'ont aucun soin véritable, ni de vos affaires, ni de votre santé. Si vous étiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimerait ce qui lui appartient; mais parce que vous n'êtes pas du monde, il vous hait. L'on voit des hommes et des femmes passer les nuits entières au jeu : y a-t-il une attention plus sombre et plus chagrine que celle-là? Cependant feurs amis ne leur en disent rien; et pour une heure de méditation, ou pour se lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire, afin de se préparer à la communion, chacun court au médecin nous faire guérir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse. On passera trente nuits à danser, nul ne s'en plaint; et pour la seule nuit de Noël, chacun tousse et crie la tête le jour suivant. Qui ne voit que le monde est un juge inique, favorable à ses enfans, mais dur et sévère aux enfans de Dieu!

pour

Nous ne saurions être bien avec le monde qu'en nous perdant avec lui, et il n'est pas possible de contenter sa bizarrerie. Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni ne buvant, et vous dites qu'il est possédé du diable. Le Fils de l'homme est venu en mangeant et en buvant, et vous dites qu'il est un Samaritain. II est vrai, Philothée, si vous vous relâchez par condescendance pour le monde à jouer et à danser, il s'en scandalisera. Si vous ne le faites pas, il vous accusera d'hypocrisie ou de mélancolie. Si vous vous parez, il l'interprètera mal. Si vous vous négligez, ce sera pour lui une bassesse de cœur. Il appelera votre gaîté une dissolution, et votre mortification une humeur sombre; et comme il vous regarde toujours de mauvais œil, jamais vous ne pourrez lui plaire. Il fait passer nos imperfections pour des péchés, nos péchés véniels pour des mortels, et nos péchés d'infirmites pour des péchés de malice. Dans les mêmes choses où la

charité, comme dit saint Paul, est bénigne, le monde est malin. La charité ne pense mal de personne, et le monde en pense toujours de toutes sortes de gens: quand il ne peut condamner nos actions, il accuse nos intentions. Enfin, soit que les moutons aient des cornes ou qu'ils n'en aient pas, soit qu'ils soient blancs ou qu'ils soient noirs, le loup ne laisserà pas de les manger s'il peut. Quoi que nous fassions aussi, le monde nous fera toujours la guerre. Si nous sommes long-tems aux pieds d'un confesseur, il demandera ce que nous pouvons tant dire; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout. Il étudiera tous nos mouvemens; et pour une parole tant soit peu échauffée, il protestera que nous sommes insupportables. Il prendra pour une avarice le soin de nos affaires, et il fera passer notre douceur pour une niaiserie. Mais à l'égard des enfans du siècle, leur colère est une générosité, leur avarice une sage économie, et leurs manières trop libres sont une honnête conversation.

Laissons cet aveugle monde, Philothée; qu'il crie tant qu'il voudra, comme un chat-huant, pour inquiéter les oiseaux du jour. Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos résolutions, et la persévérance fera voir si le parti de la dévotion que nous avons pris sera sérieux et sincère. Les comètes et les planètes paraissent presque également lumineuses; mais les comètes, qui ne sont que des feux passagers, disparaissent en peu de tems, au lieu que la lumière des planètes est perpetuelle. De même l'hypocrisie et la vraie vertu se ressemblent fort, et on les connaît à ce que celle-là n'a point de constance, et se dissipe comme la fumée, au lieu que celle-ci est ferme et constante. Au reste, il est bon, pour assurer les commencemens de notre devotion, d'en souffrir du mépris et quelques injustes reproches;

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