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lui, et vous formerez votre conduite intérieure et extérieure sur la sienne. Il est la lumière du monde; c'est donc en lui, et par lui, et pour lui que nous devons être éclairés. Il est le mystérieux arbre du désir dont parle la sainte épouse des cantiques; c'est donc à ses pieds qu'il faut aller respirer un air plus doux, pour peu que le cœur se soit laissé échauffer par l'esprit du siècle. Il est la vraie fontaine de Jacob, cette source d'eau vive et pure; il faut donc aller souvent à lui pour nettoyer l'ame de toutes ses souillures. Vous le savez, les petits enfans entendant parler continuellement leurs mères, et s'efforçant de bégayer avec elles, apprennent à parler la même langue : c'est de cette sorte que nous attachant au Sauveur dans la méditation, y observant ses paroles, ses actions, ses sentimens et ses inclinations, nous apprendrons, avec sa grâce, à parler comme lui, à agir comme lui, à juger comme lui, et à aimer ce qu'il a aimé. Il faut s'en tenir là, Philothée; et croyez-moi, nous ne saurions aller à Dieu le père que par cette porte, qui est Jésus-Christ, ainsi qu'il nous l'a dit luimême. La glace d'un miroir ne peut arrêter notre vue, à moins qu'elle ne soit appliquée à un corps opaque comme le plomb ou l'étain. De même nous n'aurions jamais pu bien contempler la Divinité en cette vie mortelle, si elle ne se fût unie à notre humanité dans Jésus-Christ, dont la vie, la passion et la mort sont pour nos méditations l'objet le plus proportionné à la faiblesse de nos lumières, le plus doux à notre cœur, le plus utile au réglement de nos mœurs.

Le Sauveur s'est appelé le pain descendu du ciel, pour bien des raisons; en voici une: comme on mange le pain avec toutes sortes des viandes, nous devons si bien goûter l'esprit de Jésus-Christ dans la méditation, que, nous en étant nourris, nous le fassions entrer dans toutes nos actions.

C'est pour cela que plusieurs auteurs ont partagé ce que nous avons de sa vie et de sa passion en divers points de méditation, et ceux que je vous conseille le plus sont saints Bonaventure, Bellitani, Bruno, Capiglia, Grenade, Dupont.

3. Donnez à cet exercice une heure chaque jour avant le dîner, et dès le matin, si vous pouvez, avant que vous ayez perdu la netteté et la tranquillité d'esprit que donne le repos de la nuit; mais n'y mettez pas plus de tems, à moins que votre père spirituel ne vous l'ai marqué expressément.

4. Si vous pouvez faire cet exercice tranquillement dans une église, je crois que ce serait le meilleur, parce que ni père, ni mère, ni femme, ni mari, ni aucune personne ne pourra, ce me semble, raisonnablement vous y disputer cette heure de dévotion; au lieu que dans votre maison vous ne pourriez peut-être pas vous la promette tout entière ni si libre, par la raison de la dépendance que vous y avez.

5. Commencez toujours votre prière, soit la mentale, soit la vocale, par la présence de Dieu: ne vous relâchez jamais sur cette pratique, et vous verrez en peu de tems combien elle est utile.

6. Si vous m'en croyez, vous direz le Pater, l'Ave et le Credo en latin: mais vous apprendrez aussi à en bien entendre les paroles par rapport à votre langue naturelle; afin que, vous conformant à l'usage de l'Eglise pour la langue de la religion, vous puissiez cependant en concevoir le sens admirable et en goûter la suavité. Il les faut dire avec une profonde attention aux sens qu'elles portent, et en prenant les affections qui y sont conformes. Ne vous laissez pas aller à un mauvais empressement de faire beaucoup de prières, mais appliquez-vous à les faire d'un bon car un seul Pater dit avec un vrai senti

cœur,

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ment de piété vaut mieux que plusieurs récités avec précipitation.

7. Le chapelet est une très-utile manière de prier, quand on le sait bien dire; et, pour vous en instruire, ayez quelques-uns des petits livres qui en apprennent la méthode. Il est bon aussi de dire les litanies de Notre-Dame, des Saints, et les autres prières que l'on peut trouver dans des heures bien approuvées; mais tout cela ne s'entend qu'à cette condition, que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous lui donniez toujours le premier tems et le meilleur. Remarquez bien que si, après l'avoir faite, la multitude de vos affaires ou quelqu'autre raison ne vous laisse plus le tems pour vos prières vocales, vous ne devez pas vous en inquiéter; et il suffit de dire simplement, devant où après la méditation, l'oraison domicicale, la salutation angélique et le symbole des apôtres.

8. Si, en preiant vocalement, votre cœur sent quelque attrait à l'oraison intérieure et mentale, bien loin de le retenir, laissez-le s'y porter dɔucement, et ne vous troublez pas de ce que vous n'auriez pas achevé toutes les prières que vous vous étiez proposées; car l'oraison de l'esprit et du cœur est beaucoup plus agréable à Dieu et plus salutaire à l'ame que celle des lèvres. Vous entendez qu'il faut excepter de cette règle l'office ecclésiastique, si vous avez quelque obligation de le réciter.

9. Vous devez rejeter tout ce qui pourrait vous empêcher de faire ce saint exercice le matin. Si cependant la multitude de vos affaires ou quelqu'autre raison légitime vous le fait perdre, tâchez de le remplacer l'après-midi, à l'heure la plus éloignée du repas que vous pourrez, soit pour éviter l'assoupissement, soit pour ne pas nuire à votre santé. Si même vous prévoyez que de tout le jour vous ne puissiez pas faire votre oraison, il faut

réparer cette perte, en y suppléant par ces fréquentes élévations de l'esprit et du cœur à Dieu, que nous appelons oraisons jaculatoires, par quel que lecture spirituelle, par quelque pénitence qui prévienne les suites de cette perte, et par une ferme résolution de faire votre oraison le lendemain.

CHAPITRE IL

Courte Méthode pour bien méditer; et premièrement de la présence de Dieu, laquelle fait le premier point de la préparation.

MAIS, Philothée, vous ne savez peut-être pas faire l'oraison; car malheureusement c'est une science peu connue à notre siècle. Il faut done qu'en peu de règles je vous en dresse ici une méthode, en attendant que les bons livres, et principalement l'usage, vous en instruisent à fond.

La première règle regarde la préparation, et jé la réduis en ces trois points : se mettre en la présence de Dieu, lui demander le secours de ses lumières et de ses inspirations; se proposer le mystère que l'on veut méditer.

Pour ce qui regarde le premier de ces trois points, je vous propose quatre moyens principaux, dont vous pouvez aider votre nouvelle ardeur.

Le premier consiste dans une vive attention à l'immensité de Dieu, qui est très-universellement et très-réellement présent à toutes choses et en tous lieux. De manière que comme les oiseaux, en quelque région qu'ils volent, trouvent l'air par-tout; ainsi, quelque part que nous allions, que nous soyons, nous trouvons toujours Dieu trèsprésent à nous-mêmes et à toutes choses. Cette vérité est assez connue de tout le monde, mais

chacun n'y fait pas l'attention nécessaire. Les aveugles, qui savent qu'ils sont en la présence d'un prince, se tiennent dans le respect, quoiqu'ils ne le voient pas: mais, parce qu'ils ne le voient pas, ils perdent aisément l'idée de sa présence; et l'ayant une fois perdue, ils perdent encore plus facilement le respect qui lui est dû. Hélas! Philothée, nous ne voyons pas Dieu qui nous est présent; et quoique la foi et notre raison nous avertissent de sa présence, nous en perdons bientôt l'idée, et alors nous nous comportons comme s'il était fort éloigné de nous. Car, bien que nous sachions qu'il est présent à toutes choses, le défaut d'attention en sa présence nous met au même état que si nous l'ignorions. C'est pourquoi nous devons toujours disposer notre amel'oraison par une profonde réflexion sur la présence de Dieu. David en avait l'esprit vivement frappé quand il disait : Si je monte au ciel, ô mon Dieu! vous y étes; si je descends en enfer, vous y êtes aussi. Ainsi servons-nous des paroles de Jacob, qui, après avoir vu l'échelle mystérieuse dont je vous ai parlé, s'écria : O que ce lieu est redoutable! véritablement Dieu est ici, et je n'en savais rien. Il voulait dire qu'il n'y avait pas fait de réflexion; car il ne pouvait ignorer que Dieu ne fût par-tout. He donc! Philothée, quand vous vous présenterez à l'oraison, dites de tout votre cœur à votre cœur même : O mon cœur! mon cœur, Dieu est véritablement ici.

La seconde manière de se mettre en la présence de Dieu est de penser que non seulement il est où vous êtes, mais qu'il est en vous-même, au fond de votre ame; qu'il la vivifie, l'anime et la soutient par sa divine présence: car, comme l'ame, qui est présente à tout le corps, réside néanmoins dans le cœur d'une manière spéciale, de même Dieu, qui est présent à toutes choses, est beaucoup plus à notre ame; d'où l'on peut

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