M. TOMÉS. Comment, qu'est-ce? LYSETTE. Vn infolent, qui a eu l'effronterie d'entreprendre fur voftre meftier : & qui fans vôtre ordonnance, vient de tuer vn homme d'vn grand coup d'efpée au trauers du corps. M. TOMÉS. Escoutez, vous faites la railleufe: mais vous pafferez par nos mains quelque iour. LYSETTE. Ie vous permets de me tuer lors que i'auray recours à vous. SCENE III. LYSETTE, CLITANDRE. CLITANDRE. Hé bien, Lyfette, me trouues-tu bien ainsi? LYSETTE. Le mieux du monde, & ie vous attendois auec impatience. Enfin, le Ciel m'a faite d'vn naturel le plus humain du monde, & ie ne puis voir deux Amans foûpirer l'vn pour l'autre, qu'il ne me prenne vne tendreffe charitable, & vn defir ardent de foulager les maux qu'ils fouffrent. Ie veux à quelque prix que ce foit, tirer Lucinde de la tyrannie où elle eft, & la mettre en vostre pouuoir. Vous m'auez plû d'abord, ie me connois en gens, & elle ne peut pas mieux choifir. L'amour rifque des chofes extraordinaires, & nous auons concerté ensemble vne maniere de ftratagéme, qui pourra peut-eftre nous reüffir. Toutes nos mefures font defia prifes. L'homme à qui nous auons affaire n'est pas des plus fins de ce monde : & fi cette auanture nous manque, nous trouuerons mille autres voyes, pour arriuer à noftre but. Attendez-moy-là seulement, ie reuiens vous querir. SCENE IV. SGANARELLE, LYSETTE. LYSETTE. Monfieur, allegreffe! allegreffe! SGANARELLE. Qu'est-ce? LYSETTE. Refioüyffez-vous. SGANARELLE. De quoy? LYSETTE. Refioüiffez-vous, vous dis-je. SGANARELLE. Dy-moy donc ce que c'eft, & puis ie me refioüi ray peut-eftre. LYSETTE. Non, ie veux que vous vous refioüiffiez auparauant que vous chantiez, que vous danciez. Surquoy? SGANARELLE. LYSETTE. Sur ma parole. SGANARELLE. Allons donc, la lera la la, la lera la. Que Diable! LYSETTE. Monfieur, voftre fille eft guerie. SGANARELLE. Ma fille eft guerie! LYSETTE. Oüy, ie vous amene vn Medecin : mais vn Medecin d'importance, qui fait des cures merueilleufes, & qui fe mocque des autres Medecins. Où eft-il? SGANARELLE. LYSETTE. Ie vais le faire entrer. SGANARELLE. Il faut voir fi celui-cy fera plus que les autres. SCENE V. CLITANDRE en habit de Medecin, Le voicy. LYSETTE. SGANARELLE. Voila vn Medecin qui a la barbe bien ieune. LYSETTE. La fcience ne fe mesure pas à la barbe; & ce n'eft pas par le menton qu'il eft habile. par SGANARELLE. Monfieur, on m'a dit que vous auiez des remedes admirables, pour faire aller à la felle. CLITANDRE. Monfieur, mes remedes font differens de ceux des autres: Ils ont l'hemetique, les faignées, les medecines, & les lauemens: Mais moy, ie gueris par des paroles, par des fons, par des lettres, par des talifmans, & par des anneaux conftellez. LYSETTE. Que vous ay-je dit? SGANARELLE. Voila vn grand homme. LYSETTE. Monfieur, comme voftre fille eft là toute habillée dans vne chaife, ie vais la faire paffer icy. Oüy, fay. SGANARELLE. CLITANDRE. Taftant le pouls à Sganarelle. Voftre fille eft bien malade. SGANARELLE. Vous connoiffez cela icy? CLITANDRE. Oüy, par la fympathie qu'il y a entre le pere & la fille. SCENE VI. LVCINDE, LYSETTE, LYSETTE. Tenez, Monfieur, voila vne chaife auprés d'elle. Allons, laiffez-les-là tous deux. SGANARELLE. Pourquoy? ie veux demeurer-là. LYSETTE. Vous mocquez-vous? Il faut s'efloigner, vn Medecin a cent chofes à demander, qu'il n'eft pas honnefte qu'vn homme entende. CLITANDRE. Parlant à Lucinde à part. Ah, Madame, que le rauiffement où ie me trouue eft grand! & que ie fçay peu par où vous commencer mon difcours. Tant que ie ne vous ay parlé que des yeux, i'auois, ce me fembloit, cent chofes à vous dire : & maintenant que i'ay la liberté de vous parler de la façon que ie souhaittois, ie demeure interdit : & la grande joye où ie fuis, eftouffe toutes mes paroles. LVCINDE. Ie puis vous dire la mefme chofe, & ie fens comme vous des mouuemens de joye, qui m'empeschent de pouuoir parler. CLIT ANDRE. Ah, Madame, que ie ferois heureux, s'il eftoit vray que vous fentiffiez tout ce que ie fens, & qu'il |