Quoi! vous êtes ici... ORGON. M. LOYAL. Monsieur, sans passion. Ce n'est rien seulement qu'une sommation, Moi! sortir de céans? ORGON. M. LOYAL. Oui, Monsieur, s'il vous plaît. La maison à présent, comme savez de reste, Au bon monsieur Tartufe appartient sans conteste. De vos biens désormais il est maître et seigneur, En vertu d'un contrat duquel je suis porteur. Il est en bonne forme, et l'on n'y peut rien dire. DAMIS, à M. Loyal. Certes, cette impudence est grande, et je l'admire! M. LOYAL, à Damis. Monsieur, je ne dois point avoir affaire à vous; C'est à Monsieur; il est et raisonnable et doux, Mais... ORGON. M. LOYAL. Oui, Monsieur, je sais que pour un million Vous ne voudriez pas faire rébellion, Et que vous souffrirez en honnête personne Que j'exécute ici les ordres qu'on me donne. DAMIS. Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon, Faites que votre fils se taise ou se retire, Ce monsieur Loyal porte un air bien déloyal. M. LOYAL. Pour tous les gens de bien j'ai de grandes tendresses, Et ne me suis voulu, Monsieur, charger des pièces Que pour vous obliger et vous faire plaisir; ORGON. Et que peut-on de pis que d'ordonner aux gens M. LOYAL. On vous donne du temps; Et jusques à demain je ferai surséance Avec dix de mes gens, sans scandale et sans bruit. ORGON, à part. Du meilleur de mon cœur je donnerais, sur l'heure, Le plus grand coup de poing qui se puisse donner. Laissez, ne gâtons rien. DAMIS. A cette audace étrange J'ai peine à me tenir, et la main me démange. Avec un si bon dos, ma DORINE. foi! monsieur Loyal, M. LOYAL. On pourrait bien punir ces paroles infâmes, CLÉANTE, à M. Loyal. Finissons tout cela, Monsieur; c'en est assez. Donnez tôt ce papier, de grâce, et nous laissez. M. LOYAL. Jusqu'au revoir. Le ciel vous tienne tous en joie. ORGON. Puisse-t-il te confondre, et celui qui t'envoiè! SCÈNE V. ORGON, MADAME PERNELLE, ELMIRE, CLÉANTE, ORGON. Eh bien vous le voyez, ma mère, si j'ai droit; Je suis tout ébaubie, et je tombe des nues! Vous vous plaignez à tort, à tort vous le blâmez, Dans l'amour du prochain sa vertu se consomme : Tout ce qui vous peut faire obstacle à vous sauver. ORGON. Taisez-vous. C'est le mot qu'il vous faut toujours dire. Allons voir quel conseil on doit vous faire élire. ELMIRE. Allez faire éclater l'audace de l'ingrat. Ce procédé détruit la vertu du contrat; Et sa déloyauté va paraître trop noire, Pour souffrir qu'il en ait le succès qu'on veut croire. SCÈNE VI. VALÈRE, ORGON, MADAME PERNELLE, ELMIRE, VALÈRE. Avec regret, Monsieur, je viens vous affliger; A violé pour moi, par un pas délicat, Et remettre en ses mains, dans les traits qu'il vous jette, Dɔnt, au mépris, dit-il, du devoir d'un sujet, J'ignore le détail du crime qu'on vous donne; CLÉANTE. Voilà ses droits armés; et c'est par où le traître ORGON. L'homme est, je vous l'avoue, un méchant animal! Le moindre amusement vous peut être fatal. Ne perdons point de temps: le trait est foudroyant, ORGON. Las! que ne dois-je point à vos soins obligeants! CLÉANTE. Allez tôt; Nous songerons, mon frère, à faire ce qu'il faut. SCÈNE VII. TARTUFE, UN EXEMPT, MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, CLÉANTE, MARIANE, VALÈRE, DAMIS, DORINE. TARTUFE, arrêtant Orgon. Tout beau, Monsieur, tout beau! ne courez point si vite: Vous n'irez pas fort loin pour trouver votre gîte; ORGON.. Traître! tu me gardais ce trait pour le dernier : TARTUFE. Vos injures n'ont rien à me pouvoir aigrir; La modération est grande, je l'avoue. DAMIS. Comme du ciel l'infâme impudemment se joue! TARTUFE. Tous vos emportements ne sauraient m'émouvoir; Et je ne songe à rien qu'à faire mon devoir. MARIANE. Vous avez de ceci grande gloire à prétendre; TARTUFE. Un emploi ne saurait être que glorieux, Quand il part du pouvoir qui m'envoie en ces lieux. ORGON. Mais t'es-tu souvenu que ma main charitable, TARTUFE. Oui, je sais quels secours j'en ai pu recevoir; Ami, femme, parents, et moi-même avec eux. ELMIRE. L'imposteur ! DORINE. Comme il sait de traîtresse manière Se faire un beau manteau de tout ce qu'on révère ! CLÉANTE. Mais s'il est si parfait que vous le déclarez, Que lorsque son honneur l'oblige à vous chasser? |